Pourquoi et comment jouer ? Les gages. Entretien avec Pierre Parlebas
De nombreux jeux traditionnels sont assortis de « gages » et de « pénitences » qui sanctionnent les réponses maladroites de certains participants. Ces sanctions sont parfois des épreuves empreintes d’humour et de fantaisie : interpréter un rôle comique devant l’assistance, déclamer un poème, chanter un refrain, mimer une action… Riches en facéties, ces épreuves sont d’autant plus acceptables qu’elles donnent souvent au pénitent l’occasion de se mettre en valeur. Nous restons ici dans l’aventure et le plaisir du jeu, dans l’aléa des réussites et des rencontres.
En revanche, d’autres types de sanctions, manifestement éprouvantes, sont parfois associées à certains jeux et soulèvent alors de sérieuses objections. Dans un jeu tel La Balle aux pots par exemple, le joueur qui a accumulé le plus de gages doit subir le « canardage » de ses camarades : il est tenu de rester immobile, dos tourné aux autres participants qui, à une quinzaine de mètres de lui, le « canardent » en lançant leur balle de toutes leurs forces afin de l’atteindre. Cette épreuve possède un caractère de « punition » douloureuse difficilement acceptable. On ne peut conserver ce type de sanction qu’à condition d’en supprimer tout danger corporel, en le transformant par exemple en une épreuve d’adresse (distance de tir suffisamment prononcée, possibilité d’esquive ou de blocage de la part du pénitent…). Il est toujours intéressant de conserver les rituels ludiques qui scandent les grandes phases des jeux, mais à condition d’en supprimer les éventuels aspects désagréables, voire dangereux pour les intéressés.
Dans certains cas, la sanction peut se transformer en une véritable brimade ; les épreuves donnent alors lieu à moquerie et à vexation. Sous prétexte d’un « amusement qui ne prête pas à conséquence », le pénitent est mystifié et moqué au cours d’une mise en scène qui aboutit à le ridiculiser. Ces blessures psychologiques peuvent être graves. L’animateur de bonne foi ne doit pas se laisser entraîner par des arguments racoleurs « de chambrée » qui sont parfois exploités dans des rites d’affiliation et dans des bizutages. Favoriser ce type de brimade, c’est tourner le dos au jeu.
L’activité ludique doit être mise au service de l’enfant, de son épanouissement et de son plaisir à agir en compagnie des autres. Un jeu est une occasion de gaieté; il ne doit pas devenir le lieu d’une humiliation. Toute brimade ne peut être qu’une profonde malfaçon éducative.
Outre le rôle de l'animateur·ice dans l'animation des jeux, cet entretien avec Pierre Parlebas explore les questions de la compétition, la violence, les gages, les variantes et l'élimination dans les jeux traditionnels et sportifs. Il est publié dans le livret pédagogique du fichier 24 jeux sportifs sans frontière.
→ Pourquoi et comment jouer ? Entretien avec Pierre Parlebas : Le rôle de l'animateur
→ Pourquoi et comment jouer ? Entretien avec Pierre Parlebas : La compétition
→ Pourquoi et comment jouer ? Entretien avec Pierre Parlebas : La violence
→ Pourquoi et comment jouer ? Entretien avec Pierre Parlebas : Les variantes
→ Pourquoi et comment jouer ? Entretien avec Pierre Parlebas : L’élimination