Pourquoi et comment jouer ? La compétition. Entretien avec Pierre Parlebas

Est-il vrai que la motivation fondamentale des joueurs est de battre leurs adversaires et qu’en dehors de cet objectif de compétition, le jeu ne présenterait plus d’intérêt ?
Média secondaire

Il est incontestable que les joueurs cherchent à gagner et à accomplir des performances reconnues aux yeux de tous. Mais ce désir est beaucoup plus large que la systématique envie de battre ses adversaires : il s’agit pour l’enfant qui se lance dans un jeu d’affirmer sa personnalité, de faire la preuve de ses capacités, d’éprouver des émotions agréables et de s’épanouir dans la réussite. Et cette rencontre ne passe pas nécessairement par un acte de domination d’autrui. Sous l’angle éducatif, l’assimilation de la réussite à une domination est une dérive, et finalement une perversion.

Une bonne partie des jeux proposé dans le fichier « 24 jeux sportifs » ne repose pas sur la consécration de la victoire du « meilleur » sur les autres. À La balle assise, le jeu s’achève sans désigner de vainqueur ni de vaincu; de même à L’ours et son gardien ou à La balle nommée au cours desquels les joueurs permutent constamment de rôles en ignorant l’émergence d’un vainqueur final. Dans des jeux tels Où sont les cerfs?, La mère Garuche, La grande cachette, Le filet du pêcheur ou Pi le hibou, le jeu est joué d’avance. On connaît le résultat global avant même que l’action ne commence. Où est donc cette fameuse motivation qui reposerait sur la compétition et la victoire?

En réalité, l’intérêt de ces jeux n’est pas dans l’apparition d’un joueur qui écrase ses adversaires, ou dans la création d’une hiérarchie entre les participants : il réside dans les péripéties ludiques elles-mêmes. Ce qui passionne les enfants, c’est la dynamique du groupe jouant, agrémentée de ses aventures relationnelles, assortie de ses réussites et de ses échecs provisoires, de ses renversements de situation, de ses rebondissements inopinés. Ici, l’échec ne dure pas; il est dédramatisé, rapidement compensé par une nouvelle réussite. On est du côté du plaisir du jeu et de la rencontre, et non du côté de la quête à tout prix de la victoire sur les autres.

Il n’est pas dans notre intention de nier l’intérêt des compétitions tel qu’on le retrouve dans les duels d’individus ou les duels d’équipes, caractéristiques du sport. En revanche, il serait abusif et inadmissible de limiter les pratiques ludiques à ces sports strictement compétitifs et de réduire la motivation des enfants au désir de terrasser autrui. Le plaisir du jeu réside aussi et peut être davantage dans la rencontre sociale elle-même, dans la joie de vivre une confrontation où le sel des péripéties a autant d’importance sinon davantage qu’un éventuel score chargé de hiérarchiser les participants.


Outre le rôle de l'animateur·ice dans l'animation des jeux, cet entretien avec Pierre Parlebas explore les questions de la compétition, la violence, les gages les variantes et l'élimination dans les jeux traditionnels et sportifs. Il est publié dans le livret pédagogique du fichier 24 jeux sportifs sans frontière.

→ Pourquoi et comment jouer ? Entretien avec Pierre Parlebas : Le rôle de l'animateur

→ Pourquoi et comment jouer ? Entretien avec Pierre Parlebas : La violence

→ Pourquoi et comment jouer ? Entretien avec Pierre Parlebas : Les gages

→ Pourquoi et comment jouer ? Entretien avec Pierre Parlebas : Les variantes

→ Pourquoi et comment jouer ? Entretien avec Pierre Parlebas : L’élimination