Comprendre et lutter contre le Cyber-sexisme
Image par Pete Linforth de Pixabay
Le cyber-harcèlement est un phénomène de plus en plus répandu. Le web 2.0, outil privilégié de la haine en ligne, permet à tout individu de s’exprimer, donner son opinion sur n’importe quel sujet.

L’anonymat donne l’impression aux utilisateur·trices qu’internet est un espace de communication où la liberté d’expression est totalement illimitée, laissant place à des comportements désinhibés de la part de ces derniers. Or internet n’est pas pour autant un espace de non-droit et l’incitation à la haine, au harcèlement, et la discrimination, est tout aussi illégal qu’au sein du reste de la société.
Il est de notre devoir de sensibiliser les jeunes sur ces questions et de les accompagner dans leurs pratiques numériques. Cela peut se faire dans le cadre d’ateliers d’éducation critique aux médias et à l’information, ou durant d’autres temps éducatifs. Les attitudes et discriminations générées peuvent, particulièrement dans ce cadre, être mises en question pour déconstruire ce qui finit par leur sembler aller de soi.
Cette fiche, s’adresse à tous les acteurs.rices de l’éducation : les diverses ressources permettent d’aborder les questions de cyber-harcèlement, cyber-violences et plus précisément de cyber-sexisme, et de proposer des activités éducatives adaptées aux publics pour les sensibiliser à ces questions.
1. Cyber-violence, Cyber-harcèlement, Cyber-sexisme…. C’est quoi ?
Cyber-violence, cyber-sexisme, cyber-harcèlement sont des notions faisant toutes référence à de mauvaises expériences vécues en ligne. Véritables outils de socialisation, le cyber-espace est aussi un espace où les discours de haine se sont significativement développés ces dernières années.
Aujourd’hui, le terme cyber-harcèlement de manière générique définit tout type de violence prenant place sur internet, mais il est important de bien différencier la cyber-violence du cyber-harcèlement et du cyber-sexisme. Il n’en reste pas moins que des des similitudes entre ces notions existent : les moyens de communication utilisés (SMS, réseaux sociaux, mail, ...) ou encore les formes qu’elles peuvent prendre (moquerie, menaces, insultes, propos diffamatoires, humiliation, lynchage, etc).
Les cyber-violences correspondent à des violences dites ponctuelles, contrairement au cyber-harcèlement qui lui est « un acte intentionnel perpétré par un individu ou groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule ou s’inscrit dans la durée ». (Dan Olweus 1993)
Le cyber-harcèlement peut se manifester de différentes manières : le slot shaming ; la grossophobie ; le body shaming ; harcèlement et propos à caractère sexiste (cyber-sexisme),…
Le cyber-sexisme, c’est quoi ?
Le cyber-sexisme est donc une forme de cyber-harcèlement conduite par divers supports technologiques (sms, réseaux sociaux,…). Il peut prendre différentes formes, comme la propagation de rumeurs, l’envoi de messages diffamatoires ou de photos et vidéos à caractère sexuel. Mais aussi des humiliations répétées par : la création de faux comptes, la diffusion de photos ou vidéos intime sans notre accord, la publication de commentaires blessants et de menaces. Le cyber-sexisme a la particularité de réduire les personnes à leur apparence physique ou à leur comportement intime. Les femmes sont les plus touchées par ces violences.
2. Le cyber-harcèlement et le cyber-sexisme en quelques chiffres
Depuis 2014, les CEMÉA mènent un observatoire des pratiques numériques des jeunes en Normandie touchant plus de 10 000 jeunes de filières professionnelles et générales. Cet observatoire a mis en évidence de nombreux points, comme l’hyper-connexion des adolescents, faisant partie des catégories de la population les plus connectées sur les réseaux sociaux. Le second point important, est la hausse constante de l’appréhension des jeunes face au cyber-harcèlement, et plus particulièrement chez les jeunes filles.
a. Le cyber-sexisme touche plus les filles que les garçons
Les jeunes sont très présent·es sur internet et les réseaux sociaux, mais cela n’a pas les mêmes conséquences pour les filles que pour les garçons. Les filles sont plus exposées à des cyber-violences, discriminations sur leurs réseaux sociaux, le plus souvent en lien avec leur apparence physique, leur sexe, leurs origines culturelles ou leurs comportements sexuels (réels ou supposés) qui sont jugés, notés, commentés… contrôlés.
Selon l’enquête de l’observatoire des pratiques numériques des adolescents en Normandie, menée en 2019 par Sophie Jehel et Laurence Corroy, auprès de plus de 6000 adolescents (filière pro, générale et technologique) :
- Les filles sont deux fois plus inquiètes des violences verbales sur internet que les garçons
- 10% des filles déclarent avoir déjà été harcelées en ligne
- 54% des filles déclarent avoir déjà été confrontées à des questions indiscrètes, au harcèlement, à des insultes, à des menaces ou à des moqueries.
- Les filles sont les plus exposées aux discours haineux et discriminatoire: origine culturelle (30%) ; physique (42%); sexistes (40%), croyance (27%) orientation sexuelle (37%).
- Les jeunes sont le plus confrontés au harcèlement sur: Instagram et Snapchat
b. Cyber-sexisme, un phénomène isolé ?
Si le cyber-sexisme touche majoritairement les filles, certains garçons, ne correspondant pas aux normes « masculines dominantes » peuvent aussi en être victimes : ceux dont les attitudes ne sont pas jugées assez viriles, ou qui n’affichent pas de multiples relations avec des filles, deviennent alors la cible de cyber-violences. Cela se traduit en majorité par des remarques ou violences à caractère homophobe.
Selon l’étude menée par le centre Hubertine Auclert en 2015 et 2016, auprès de 1200 jeunes entre 12 et 16 ans :
- Le cyber-sexisme touche 3 filles et 2 garçons par classe.
- 17% des filles (11% des garçons) déclarent avoir été confrontées à des cyberviolences à caractère sexuel par le biais de photos, vidéos ou textos, envoyées sous la contrainte et/ou diffusées sans l’accord et/ou reçues sans en avoir envie.
- 1 adolescente sur 5 a subi des insultes sur son poids (trop grosse, trop maigre, trop plate…), sa taille ou toute autre particularité physique et 1 garçon sur 8 (13%)
- 1 adolescente sur 8 a été l’objet de rumeurs sur son comportement sexuel ou amoureux, ce qui peut mettre en jeu sa « réputation » et 1 garçon sur 15
- Les filles sont deux fois plus nombreuses à avoir été forcées à envoyer un selfie intime, souvent sous pression de leur petit ami ou leur entourage
- 1 fille sur 11 a vu une photo ou vidéo intime d’elle diffusée sans son consentement
- 1 fille sur 6 a reçu des SMS à caractère sexuel sans en avoir envie
Le cyber-sexisme est un prolongement des violences sexistes et sexuelles touchant davantage les filles dans la vie réelle. D’après cette enquête, 30 % des adolescentes déclarent avoir subi des violences sexuelles « hors-ligne » dans le cadre scolaire contre 16 % pour les garçons.
c. Pourquoi les filles sont davantage victimes que les garçons ?
Les conséquences d’internet ne sont pas les mêmes pour les filles que pour les garçons. Dans l’observatoire des pratiques numériques datant de 2020, nous constatons que les filles sont deux fois plus inquiètes par les violences verbales sur internet que les garçons. Les différences de genre sont particulièrement fortes concernant les inquiétudes générées par internet. Les inquiétudes des filles restent très importantes pour tout ce qui relève des violences verbales et interpersonnelles : insultes (36%) ; moqueries (26%) ; menaces (22%) ; harcèlement (21%) ; images violentes / choquantes (40%)
On retrouve ici les rôles dits "stéréotypés" attribués aux filles et aux garçons dès l’enfance et renforcés par les clips musicaux, le cinéma, la télé-réalité ou encore les publicités, enfermant les femmes dans des clichés. Ainsi, si les filles ne respectent pas ces codes, elles peuvent devenir la cible de violences.
d. Histoire de popularité en ligne pour les filles
Le cyber-sexisme est lié au phénomène de réputation, qui touche plus particulièrement les filles. Elles sont souvent jugées sur leur comportement sexuel (réel ou non) ou sur leur physique (leur manière de s’habiller par exemple). Dès lors, elles se voient attribuer une réputation (c'est-à-dire une étiquette péjorative et souvent sexualisée) si elles s’éloignent de ces codes. La réputation s’appuie aussi sur une frontière imperméable entre les « filles bien » (« qui se respectent ») et les autres. A cet effet, les cyber-violences contribuent à contrôler la sexualité des jeunes femmes. C’est-à-dire que chaque publication visuelle va être scrutée, analyser, pouvant déclencher une salve d’agressions numériques, menaces, insultes…
3. Quelques conseils pour bien réagir face au cyber-sexisme et cyber-harcèlement
a. Comment réagir/agir si nous sommes victime ou témoin d’actes de cyber-sexisme ?
En tant que victime :
- Confiez-vous à des personnes de confiance (parents, ami·es, enseignant·es,…)
- Bloquez l’utilisateur·ice
- Signalez l'utilisateur·ice, ou signaler le contenu pour le faire supprimer, directement sur la plateforme concernée.
- Conservez autant que possible les preuves des contenus (captures d’écran, enregistrements,…), qui vous serviront au moment de porter plainte.
- Contactez un dispositif d’aide (NetEcoute : 0800 200 000 ; 30 20 : numéro national mis en place par le gouvernement…)
En tant que témoin :
• Ne partagez pas les contenus, et signalez-les !
• Adoptez une attitude bienveillante: ne jugez pas les comportements des victimes et ne culpabilisez pas.
• Soutenez -la: aidez-la dans ses démarches, en faisant par exemple des captures d’écran (si elle ne peut pas avoir accès aux publications), mais ne conservez les preuves que le temps nécessaire. Si la victime ne souhaite pas entamer de démarche, respectez sa décision et ne le faites pas pour elle.
• Prévenez des personnes de confiance ( parent·s , enseignant·es,…) ou la police.
Rappel: Tenir des propos haineux, sexistes, homophobes,... sur les réseaux sociaux est puni d’un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (loi du 29 juillet 1881).
Sensibiliser au harcèlement
Détecter le harcèlement
b. Quelques conseils pour bien se protéger sur les réseaux sociaux
- Je demande l’accord de la personne ou des personnes avant de publier une photo ou une vidéo sur les réseaux sociaux;
- Je réfléchis aux conséquences pour moi et les autres, avant de publier, liker un contenu sur internet pouvant être dégradant, moqueur envers autrui.
- Je protège mes données personnelles (nom, photos, adresse mail,…), en configurant les paramètres de confidentialité de mon profil sur les réseaux sociaux et en renforçant mes mots de passe.
- Je signale les contenus choquants et haineux directement sur la plateforme.
4. Des parcours éducatifs et des actions pédagogiques
À présent, place aux activités : des quiz, des exercices pour mettre en pratique un usage responsable sur les réseaux sociaux et ainsi éviter de tomber dans le harcèlement. Apprendre de façon ludique à utiliser les réseaux sociaux numériques et à respecter l’image d’autrui.
→ Lutter contre les discriminations, un enjeu de tous les jours (éducateurs)
Nos sociétés sont en proie à la discrimination, au racisme, à l’homophobie, à la xénophobie, et aux inégalités : à l’école, dans la rue, chez soi, dans le sport, au travail, sur internet… S’informer et lutter contre les discriminations, est de la responsabilité de chacun·e.
→ Réseaux sociaux où en êtes-vous ?
Accompagnons les jeunes vers un usage raisonné et éclairé des réseaux sociaux et autres environnements et applications numériques
→ Comment gérez-vous vos publications sur les réseaux numériques ?
Accompagner les jeunes vers une gestion raisonnée des publications sur les réseaux sociaux
→ Atelier: Les séries sont- elles sexistes
Bien que fictionnelles, les séries véhiculent des représentations genrées et stéréotypées . Les personnages féminins sont de fait souvent très stéréotypés et basés sur de nombreux clichés sexistes encore largement ancrés dans les consciences collectives.