LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Fondamentaux

Tel un retour vers l’essentiel, cette incursion dans la vie d’un séjour d’enfants nous rappelle les « fondamentaux » des vacances collectives et éclaire la notion de complémentarité éducative.
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Média secondaire

Quelques tentes en lisière de la forêt, un feu de camp. Le décor est planté, pour ce séjour d’une douzaine d’enfants de 9 à 12 ans venant de la région proche et encadrés par deux adultes.

A mon arrivée, trois enfants sont en train de faire cuire le repas du soir sur un feu de bois.

 

Denis, le directeur, reste à proximité et vient de temps en temps conseiller ou vérifier que tout se passe bien.

Un peu plus loin un petit groupe taille des bâtons à l’aide de couteaux, Judith, l’animatrice est avec eux et veille à la bonne utilisation de ces outils. Quelques enfants se baladent dans le camp ou à proximité.

L’ensemble de ces petits moments de vie est représentatif d’un état d’esprit donné au séjour et de choix pédagogiques amenant ces enfants en vacances à vivre ensemble, coopérer, échanger avec les autres, découvrir et pratiquer des activités, à se prendre en charge et à avoir des responsabilités.

Certains s’amusent à faire des sifflets en tendant une herbe entre ses doigts et se conseillent mutuellement sur le choix de la plante, la manière de la tenir ou celle de souffler.

La vie collective, un élément pédagogique essentiel

Préparer le repas, s’occuper du feu, faire la vaisselle, participer aux installations du camp, ranger… Toutes ces tâches sont gérées par les enfants. Des temps éminemment pédagogiques, durant lesquels ils et elles découvrent, apprennent des techniques, doivent s’organiser, coopérer et négocier. Ces moments contribuent aussi à de nombreux échanges, où l’on parle du séjour, de ce que l’on fait, de ses expériences, des films que l’on a vu, des chansons que l’on aime, de l’école, de la famille… Ils permettent par le vecteur d’une tâche commune de découvrir et mieux connaître l’autre. Cette prise en charge collective du quotidien véhicule des valeurs de coopération, mais c’est aussi une éducation à l’autonomie et un élément fort de sécurité affective : « je me rends compte que je suis capable... ».

Le rôle des deux adultes est majeur dans le bon fonctionnement de ces activités de gestion de la vie quotidienne. Judith et Denis ont contribué à organiser la répartition équitable de ces tâches dans le séjour. Ils sont présents, y participent, aident, conseillent et rassurent en cas de besoin. Ils savent également se retirer lorsque tout roule et que les enfants se débrouillent et savourent cette convivialité entre pairs. Mais les adultes sont aussi là pour cadrer, éviter calmer les débordements et permettre de gérer ou chercher à prévenir les inévitables conflits. Que ce soit pendant ces activités ou dans le cadre de moments de régulation, ils amènent avec bienveillance et fermeté à faire valoir le pouvoir des mots dans la prévention et la gestion des problèmes de relation.

Des activités et des projets

Le séjour avait été organisé sur le thème des cabanes. Le projet était de construire des cabanes et, si on le souhaitait, de pouvoir y passer une nuit à la fin de la semaine. Des projets collectifs qui pourraient paraître simples et pourtant mettent en jeu de nombreuses compétences aussi bien matérielles qu’humaines : former des groupes en fonction des envies de construction et des affinités, rechercher un emplacement selon ses besoins et la réalité du terrain, penser, négocier, organiser la réalisation, trouver des matériaux en respectant la nature et le lieu, veiller à la sécurité, apprendre des techniques…

La visite guidée, que les enfants me firent faire de leurs chantiers, me permit de percevoir les choix et l’état d’esprit des groupes, car leurs projets de cabanes étaient très différents, allant d’une conception technique et pragmatique, à l’habillage d’une histoire dans laquelle l’imagination et le rêve étaient premiers. Judith et Denis étaient là en soutien, conseillant les différents groupes, suggérant les outils ou les techniques les plus appropriés, aidant à la réflexion, montrant comment faire un brelage pour relier des branches, ou initiant à l’art de scier du bois vert de manière efficace et sûre. En fonction des besoins et des moments, un groupe pouvait se trouver seul ou être accompagné, mais toujours avec un cadre sécurisant et bienveillant, favorisant l’autonomie. Les différents groupes se sont parfois entraidés.

Mais le séjour ne se limitait pas à ce projet de construction de cabanes et les enfants pouvaient y vivre bien d’autres activités informelles ou organisées, en groupe ou individuelles, en lien ou non avec la nature :

Être en vacances et vivre à son rythme

La notion de rythme de vie était également très importante dans le quotidien des vacances de ces enfants. Le fait que, malgré un couchage sous tente, le réveil individuel fonctionne bien, avec certains levers assez tardifs, était représentatif d’un respect de la vie et des besoins de chacun. Après avoir pris son petit-déjeuner et en attendant que le groupe soit au complet pour organiser la journée, chacun.e pouvait se gérer en fonction de ses envies : aller tout de suite continuer la cabane, lire, jouer, discuter… et entrer à son rythme dans la journée. De même, après le repas, chaque enfant pouvait se prélasser dans un hamac, jouer ensemble à des jeux de société ou bouquiner, pour avoir son moment calme. Un rythme de vie adapté aux besoins et permettant à chacun.e de vivre pleinement la collectivité, avec le respect des réalités individuelles et la possibilité pouvoir parfois s’isoler du groupe. Pouvoir se reposer et vivre à son rythme en fonction de ses besoins, découvrir un milieu, des gens, pratiquer des activités individuelles ou collectives, être en relation avec d’autres…

Pour résumer… Être en vacances !

Un environnement actuel, qui réinterroge les fondamentaux

Cette incursion dans le quotidien de ce séjour de vacances nous interroge sur les fondamentaux, qui ont parfois été laissés sur le bord de la route au profit d’une forme d’activisme et de dépaysement lointain et vendeur. Point n’est besoin d’aller à l’autre bout du monde, ni de pratiques extrêmes pour vivre des découvertes extraordinaires en termes d’environnement, d’activité et de relations. Un séjour peu onéreux et de proximité peut aussi engendrer un total dépaysement, une prise en compte des besoins de chaque enfant et permettre de vivre de vrais projets individuels et collectifs.

L’épisode du coronavirus, que nous traversons, a bouleversé certaines habitudes. Des séjours ont été organisés plus près, face à la difficulté, entre autres, d’organisation des transports. Il a également été posé par le ministère la notion de « vacances apprenantes », comme si l’on redécouvrait que les vacances collectives pouvaient être des lieux d’apprentissages complémentaires de l’école publique.

Le récit des vacances de ces enfants, qui leur ont permis de découvrir et de vivre ensemble, à proximité de chez eux et pour un coût peu élevé, devrait nous conduire à nous interroger sur les fondamentaux : Pourquoi des vacances collectives ? Que souhaitons-nous qu’elles apportent aux enfants en termes d’éducation, de relations aux autres et d’apprentissage de l’autonomie ?

Concernant la notion de « vacances apprenantes », voir vivre ces enfants nous rappelle qu’il n’y a pas que la forme scolaire qui permet d’apprendre.

Le « vivre ensemble » (formule souvent galvaudée et pourtant majeure) et la coopération sont des compétences essentielles, dont l’apprentissage est global et pour lequel la vie collective dans un milieu autre que celui de l’école peut être d’une grande richesse.

Un projet collectif permet de réfléchir, s’organiser, chercher, essayer… et permet l’acquisition de nombreuses compétences spécifiques, mettant en lien abstraction et pratique. Imaginer et construire des cabanes, c’est mettre en action beaucoup de notions et de compétences scientifiques et techniques, des savoir-faire et des savoir-être.

Ces quelques heures, passées dans un séjour de vacances collectives d’enfants, nous renvoient à la notion d’essentiel.