Les parents et nous, on est partenaires, mais...

Le rôle des parents dans l’éducation et l’enseignement de leurs enfants peut parfois s’avérer bien plus important à l’école.
S'il est clair pour l'école que sa mission principale est d'accueillir les enfants et les adolescentes, il n'en va pas de même lorsqu'il s'agit d'accueillir les parents... Pourtant, ces derniers, ces dernières occupent une grande place dans les préoccupations et les discussions des professionnel·les de l’école.
Média secondaire

Tout le monde a son mot à dire : les enseignant·es, les éducateur·rices, la direction.... Que ce soit pour critiquer leur manque ou leur excès d'implication, pour demander leur aide, pour commenter leurs fonctionnements avec leur enfant, pour louer ou se plaindre de leurs attitudes... De leur côté les parents ne sont pas en reste. Certaines s'improvisent pédagogues et questionnent la légitimité des enseignant·es. D'autres ont un avis sur tout ce qui concerne l'école, d'autres encore louent les professionnelles pour leurs capacités à rester calmes devant autant d'enfants ou d'adolescentes... Cette situation est douloureuse pour les deux parties et une autre relation entre les professionnel·les et les parents doit être construite, dépourvue de tout rapport de pouvoir. Les enseignantes détiennent l'expertise pédagogique, donc l'autorité à l'école. Pour autant, les parents doivent être reconnues, avec leurs statuts et fonctions spécifiques au sein de l'institution scolaire, partenaires des enseignant·es pour le développement des enfants et des jeunes. 

Aux Ceméa, nous rappelons que le rôle de parent n'a rien de professionnel et que les parents font de leur mieux. Parfois comme elles et ils peuvent, parfois comme elles et ils veulent. Et que les professionnel·les de l'éducation, ce sont les enseignant·es, les éducateur·rices. les éducatrices et les éducateurs... Un rôle qui implique une réflexion, une action différente qui ne se limite pas à faire « ce qu'on peut », mais doit inclure les parents qui font partie de la vie des enfants accueilli·es. Leur rôle doit s'envisager dans son versant de professionnel·le et non en référence à un autre rôle investi par beaucoup, celui de parent. En effet, d'excellentes enseignant·es se retrouvent démunies face à leurs propres enfants et, a contrario, une « bonne » prof ne l'est pas par sa seule expérience de parent.

Les deux rôles sont différents, particulièrement dans l'asymétrie relationnelle qui les caractérise. D'une part, les enseignant·es, les accueillantes et la direction accueillent dans une collectivité une enfant, parmi d'autres. dont il faut prendre soin et s'occuper. D'autre part, les parents déposent leur enfant, celui avec qui elles-ils nourrissent une relation forte, affectivement et émotionnellement investie. Pour laquelle et lequel, elles et ils portent un intérêt profond, entraînant parfois des comportements irrationnels. 
 

La relation entre les parents et les professionnels de l'éducation au centre du bien-être et de la réussite de l'enfant

La relation entre parents et professionnel·les est donc aussi indispensable que délicate. Elle doit être encouragée, entretenue au quotidien. Le point de rencontre entre les deux, c'est l'enfant : son bien-être, son accueil, son accompagnement à l'école. Pourtant, le plus souvent, ce sont les exigences que chacune porte sur cet enfant qui les lient, notamment celle de la réussite sociale, tant valorisée par notre société : avoir un poste important, être brillante, reconnue, célèbre, riche, avoir du pouvoir. La réussite scolaire, illustrée par des notes élevées, est un des chemins possibles pour y arriver. Cette pression peut induire des comportements de soumission ou de rébellion des parents vis-à-vis de l'école, liés à une forme supplémentaire de violence institutionnelle ou à leur sentiment d'échec que le niveau de réussite scolaire de l'enfant va entraîner. Par conséquent, c'est souvent l'inquiétude qui s'installe au centre de la relation entre enseignant·e et parent. 

Face à cette pression, l'école, trop souvent, se barricade derrière des portes, des lignes tracées au sol, des interdits, ou se transforme en un espace opaque, illisible et peu accessible. Compliqué alors pour les parents d'être rassurés sur ce qu'y vit leur enfant. D'autant plus si les parents ont vécu dans leur propre scolarité des pratiques fort différentes de celles proposées à leur enfant, ou ne possèdent pas les codes du système scolaire. La classe devient alors vite un espace incompris et source de fantasmes, la méfiance augmente face aux professionnel·les. Pour rassurer, faire des parents des complices, il faut les considérer comme des partenaires éducatif·ves en leur ouvrant l'école et les classes, en leur donnant accès aux codes de la culture scolaire, en recentrant la relation sur les besoins de l'enfant, son bien-être.
 

Choisir les bons moments pour que le parent puisse venir à l’école sans perturber le fonctionnement du professeur

L'école ne doit cependant pas être « ouverte » en permanence aux parents, mais constituer un espace-temps avant tout élaboré pour les enfants, les adolescent·es, mais aussi pour les professionnel·les et pour l'accueil des parents. Afin de faciliter l'accès aux parents et leur permettre de participer à la vie de l'établissement, l'institution scolaire doit mettre des mots sur ses intentions, montrer ce qu'elle prône (valeurs), ce qu'elle fait (pédagogie), ce qui s'y vit (quotidien), en recevant les parents dans un cadre organisé et explicite. Pour l'école, c'est donc un subtil équilibre entre rendre accessible et compréhensible, tout en garantissant de ne pas se faire envahir ! Si le parent peut venir déposer son enfant en classe jusqu'à 9 heures et faire se rencontrer le pan de la vie familiale avec celui de l'école, il n'y a pas de raison qu'elle il y reste jusqu'à 9h30 ! 

En secondaire, la même problématique se pose, mais les réponses apportées sont sans doute différentes. Le parent n'a plus besoin d'un accès régulier aux espaces de l'école, mais bien d'une connaissance de ce qui s'y déroule. L'école doit pouvoir préserver le « jardin secret » des adolescent·es et filtrer ce qui est communiqué aux parents. Tout comme nous, adultes, nous n'avons pas forcément envie que tout ce que nous vivons dans la sphère professionnelle vienne envahir notre quotidien familial. Parents et professionnell·es de l'enfance : partenaires particuliers cherchent dynamiques complémentaires, autour de l'enfant. Un sacré savoir-faire !

Dès l'instant où l'on est parent, on est amené à être très rapidement parent d'enfant allant à l'école, mais bien pire, on devient parent d'une chose appelée élève. Entend-on dire "Chéri(e), si nous faisions un élève ?", bizarre cette espèce de dichotomie imposée à tout parent dès que ses enfants atteignent, 3 ou 4 ans. En effet, l'enfant comme ses parents deviennent chacun deux personnages complètement différents, voire complètement indépendants, parfois antagonistes. En psychiatrie on appellerait cela de la schizophrénie instituée !

 

Bernard Collot, Les parents, c'est quoi !?

Relation parents-profs, pistes pour la classe

  • Organiser un moment au début de l'année, planifié et annoncé aux parents, pour rappeler les choix pédagogiques de l'école, pour clarifier le cadre de la classe et ses fonctionnements.
  • Se montrer disponible dans les limites des possibilités et de l'acceptable. Si le moment ou la situation ne permet pas d'entrer en relation ou en communication sereinement avec les parents, proposer un rendez-vous plus ou moins proche dans le temps en fonction du caractère urgent de la demande. 
  • Tenter de dégager les enjeux des parents lorsqu'elles-ils s'expriment. Les écouter et prendre le temps de décoder le motif de leur interpellation en se demandant quel est exactement le besoin formulé. Réfléchir ensuite à la manière dont on peut y répondre, ou pas, en tant que professionnelle dans le cadre posé de la classe de l'école. Quelle que soit la réponse apportée, il faut l'énoncer calmement et l'accompagner d'une explication, d'un rappel des règles... pour qu'elle soit entendable et comprise des parents. Ainsi la relation est entretenue.
  • Éviter de juger trop vite les paroles, les actes, les attitudes des parents. Tout d'abord, parce que celles-ceux-ci ne sont pas nécessairement des expertes de la communication et qu'elles-ils peuvent commettre des erreurs de parents. Ensuite, car même en tant que professionnelle en contact au quotidien avec les enfants, les adolescentes, on ne sait jamais ce qui se passe dans la vie des familles. Par conséquent, éviter également de punir, de faire une remarque à un enfant, une adolescente, qui ne serait pas en ordre pour quelque chose qui est de la responsabilité de ses parents.
  • Permettre aux parents d'avoir une place qui leur convienne dans la vie de la classe, selon leur envie et leur possibilité. Par exemple, accompagner le groupe pendant une sortie, faire vivre une activité à certaines ou à toutes les enfants, proposer son aide. Être attentif·ve toutefois à ne pas renvoyer aux parents qui ne participent pas et à leur enfant qu'elles-ils devraient le faire ou qu'elles ils sont attendues.
     

Relation parents-profs, pistes pour l'école

  • Associer les parents ou leurs représentant-es à la vie de l'école et aux décisions portant sur celle-ci : rencontre avec les nouveaux et les nouvelles acteur·trices de l'école, organisation du temps et de l'espace, aménagements, changements, moments de rencontres... Communiquer régulièrement par des moyens variés, des moments de rencontres... Communiquer régulièrement par des moyens variés (Afin que toutes et tous puissent avoir l'information) sur la vie quotidienne de l'école. 
  • Penser et créer des outils de communication qui permettent aux adultes qui accueillent les enfants matin et organisent les retours le soir (accueillant·es) de recevoir les informations importantes concernant les enfants, mais surtout, de garantir leur transmission aux adultes qui prennent le relais ensuite. 

Relation parents-profs, pistes pour l'institution scolaire, pour la société 

  • Réaffirmer une des missions principales de l'école : accueillir des enfants, des adolescentes, dans leur globalité et garantir leur bien-être afin qu'elles-ils apprennent, évoluent et se réalisent chacun·e selon leurs capacités et leur rythme. Cela impose de créer et d'assurer une place aux parents dans le système, car elles-ils, comme l'école joue un rôle essentiel dans le développement des enfants et des jeunes.
  •  Donner les moyens et les ressources humaines et financières nécessaires aux écoles pour se lancer dans des projets, indépendamment des parents. Dès lors, les inégalités sociales diminueront tout comme le sentiment de culpabilité et/ou d'incompétence chez les parents. 
  • Soutenir la création et la vie des associations de parents. 
  • Développer, dans la formation initiale et continue des professionnels de l'éducation, des modules qui abordent et creusent la question de la relation parents-professionnel·les et celle des émotions dans la relation éducative. Ces deux thématiques, particulièrement délicates, sont centrales dans n'importe quel métier lié à l'éducation.