LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Activités dramatiques

Avant toute chose, il est indispensable de rappeler que nous ne voulons pas dissocier l’activité de joueur de celle de spectateur c’est-à-dire l'expression-communication par le « faire » de l'impression communication par le « voir ».
Nous ne traiterons pas ici du « voir » où l'on reçoit l'expression, « le faire » des autres. L'accompagnement du spectateur, l‘accès pour tous à la culture par l'éducation populaire font l'objet d'autres articles.
Média secondaire

Même si le théâtre est notre pratique sociale référentielle, il nous semble important de nous situer plus globalement par rapport aux « activités dramatiques », famille d‘activités dont les pratiques théâtrales, amateur et professionnelles, font partie. Cette famille relève d'un ensemble anthropologique beaucoup plus vaste que Roger Caillois dans "Les jeux et les hommes" a identifié sous le terme de «mimicry» et dans laquelle l‘attitude du joueur est centrée sur le « faire comme si », le mimétisme. Au-delà, on peut imaginer une quête autour de l'altérité . Au niveau du « faire », souhaitant nous maintenir à l'intersection de la « Culture cultivée » - celle des arts, de l‘art théâtral - et des cultures - les pratiques sociales quotidiennes des groupes - nous avons eu l'originalité de maintenir dans le champ de nos activités d'expression dramatique trois types d’activités : le « jeu symbolique », le « jeu dramatique » et les « jeux de théâtre » ou les « pratiques théâtrales d’amateurs », parmi lesquelles les productions théâtrales de proximité réalisées par les animateurs pour les jeunes qu‘ils accueillent. Nous ne décrirons pas ici, dans le détail, chacune de ces trois formes qui sont complémentaires et qui correspondent sans exclusives et sans hiérarchie aux propositions que l‘on peut faire à des personnes d'âges différents : les moins de 6 ans, les 6-7, 11-12 ans, les plus de 12 ans.

Le jeu symbolique

Jeu souvent spontané dans les lieux de vie habituels du jeune enfant, il peut être favorisé et de ce fait suscité-permis dans les lieux d‘accueil « institué » : colonie maternelle, centre aéré, garderie, école maternelle... Dans ce type de jeu, l’espace et le matériel support sont essentiels. Ce n‘est pas un jeu de règles et les enfants jouent, en discontinuité, avec et à côté des autres enfants.

Il s'agit de s‘installer dans des « situations » plus que de jouer des histoires complexes s’enchainant logiquement et comportant des événements fort, du drama. Le rôle de l'animateur n’est pas d'être « partenaire de jeu » mais d'être « contenant » et d'occuper la position de « partenaire symbolique » de manière éphémère. En situation éducative comme rééducative, il met des mots sur ce qui se joue, il sécurise et surtout il assure, dans l‘instant, un important travail de « régie matérielle ». Ainsi il aide à la construction de lieux comme le coin cuisine, le magasin de la marchande, le garage, la chambre des bébés, le cabinet du médecin, le chantier ; il apporte des éléments susceptibles d‘enrichir le jeu ; il assure des arbitrages dans l'attribution des objets et l‘occupation des espaces. Parfois même, et en transition avec une activité plus dramatisée, il porte le jeu qui devient, en apparence, collectif car simultané, ceci en racontant une histoire simple qui nourrit le jeu des enfants et leur « impose » un temps et un champ imaginaires communs. Ce type de jeu, dont l‘adulte non-joueur s’exclut malheureusement le plus souvent faute de formation, constitue un support extrêmement riche tant au plan de l'expression que de la mise a distance et de la communication, voire de l'observation active.

Le jeu dramatique

Il faut préciser ce que l’on entend par jeu dramatique car, comme le mot théâtre, le mot jeu dramatique est utilisé dans de nombreuses acceptions. Ici, nous utiliserons volontairement ce terme dans un sens très restreint. C‘est un type de jeu qui s‘adresse, le plus souvent, à des enfants de 7 à 11-12 ans ou, à titre didactique, aux adultes qui seront amenés à le promouvoir dans des structures d'accueil ou dans des institutions.

Il a ses règles initiales, sa structure de base, et peut admettre des variantes. Au-delà d'un simple jeu de règles il s‘agit d‘une démarche et d’un état d’esprit qui tend a ce que les joueurs gèrent collectivement ce qu’ils souhaitent exprimer et ceci en toute liberté quant a ce qui est exprimé et quant à la manière dont ils choisissent de s'exprimer : comment ? avec qui ? Dans ce jeu sur « canevas » négocié ou l'action, le drama,  a une grande importance, tout est jouable : le réel quotidien ou le réel exceptionnel, l'imaginaire, le fantastique, l’interdit... Il peut être pratiqué d‘une manière quasi spontanée dans des structures d‘accueil où l‘espace n’est pas trop raréfié et il peut fonctionner alors un peu comme l'espace de jeu symbolique. Le rôle de l'animateur est indirect et a pour objectif premier de protéger l’espace d’existence du jeu et d'apporter des éléments d’enrichissement de ce milieu. En institution, il est le plus souvent organisé ; il est alors proposé par l’animateur comme un autre jeu de type  « traditionnel » se déroulant clans un espace-temps réel imposé. Il peut s’accommoder de ce calibrage des l'instant qu’a l‘intérieur du temps réel et du lieu contenants les joueurs vivent un temps et un espace subjectifs qu'ils se créent. Contrairement au « jeu symbolique », c’est un jeu qui s’appuie sur des événements fictifs forts et qui met en jeu et développe la capacité et l‘envie de négocier dans un petit groupe (socialisation). Le souci d’être vu par des spectateurs est, en théorie au moins, totalement évacué : il ne s‘agit pas d'une forme théâtrale, ce que la plupart du temps l'institution scolaire, prématurément centrée sur la communication, les langages, et le paraitre-médiatique, ne veut pas accepter, et que des comédiens-animateurs n’ont pas toujours compris.

Les « jeux de théâtre » ou « pratiques d'amateurs »

Il s'agit bien d’une forme d’expression, l'expression d'un groupe dont les membres « font ensemble du théâtre » en amateurs, mais il s‘agit, au-delà, d’une forme de communication avec d’autres qui occupent la position de spectateurs ; la présentation sera d‘ailleurs le plus souvent suivie d’échanges plus ou moins formalisés avec ces spectateurs « de proximité » qui ont permis qu'il y ait spectacle. Dans cette activité théâtrale, l'investissement de chacun est plus individuelle : pour qu'il y ait créativité, cela exige une prise de risques singulière et une responsabilisation personnelle plus grande. Mais l‘entreprise théâtrale considérée dans sa globalité, retrouve une dimension conviviale peu commune à travers la solidarité de la prise de risques surtout en tournée caravane théâtre avec le plaisir tribal du nomadisme. 


Cet article a été publié dans les cahiers d'animation n°24.