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Pourquoi les ados passent autant de temps sur les écrans ?

Pourquoi les réseaux sociaux et les jeux en ligne ont-ils tant de succès chez les ados ? Réponse avec la psychologue Xanthie Vlachopoulou, autrice de "L’adolescence à l’ère du virtuel".
Média secondaire

Crédit photo : Philippe Miquel

Si les ados n’ont évidemment pas le monopole des heures passées sur leur portable, ils trouvent dans les « mondes numériques » des réponses provisoires à ces transformations psychiques et physiques qu’ils ou elles subissent. À cet âge, explique la psychologue clinicienne Xanthie Vlachopoulou, « le jeune peine à maintenir dans son esprit une image de lui constante et assurée, tant l’unité et la cohésion de ce corps lui échappent (…) Face à ce corps méconnaissable et l’inquiétude qu’il peut susciter en lui, il voit dans les mondes virtuels la possibilité de maîtriser son image. » Les avatars permettent de créer une identité du même sexe ou de sexe opposé, de choisir sa taille, sa corpulence, la couleur de ses yeux, ses “pouvoirs” et même son caractère… Ce qui était impossible “en vrai” devient possible, et… soulage ! 

Corps pubères, corps virtuels 

Comme les avatars, « les selfies permettent aux jeunes de se dévoiler, tout en maintenant la possibilité de cacher ce qu’ils souhaitent, se transformer à volonté, montrer une image idéalisée ou désidéalisée d’eux-mêmes. Il n’est pas rare que les jeunes soient aussi tentés par les filtres, à la fois pour s’embellir et satisfaire des enjeux narcissiques ». 

Les équipes marketing de l’industrie du numérique ne s’y sont pas trompées en voyant dans cette tranche d’âge une cible idéale pour les réseaux sociaux, où les “likes” et la course aux followers viennent colmater opportunément leurs failles narcissiques. 

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Les bases narcissiques que le jeune a construites depuis l’enfance sont ébranlées, l’image de soi est fragilisée et c’est justement à ce moment que les exigences du monde évoluent, mettant le jeune sous pression pour y répondre. D’où l’attrait pour les réseaux sociaux, le fait d’être vu, admiré et “liké”, quitte à passer beaucoup de temps à attendre et observer les commentaires. 

Crédit photo : Marianne de Préville

Ce que la littérature en sciences sociales confirme : à cet âge, « la reconnaissance par les pairs est déterminante en ce qu’elle vient sanctionner positivement le travail de tâtonnage identitaire. (…) Le feedback numérique (like, commentaire, partage, voire message privé) est un vecteur important “d’estime subjective de soi”. Les réactions permettent à l’individu d’obtenir des signes directs de visibilité (“mon identité est visible”), mais surtout d’estime (“mon identité est considérée”). »

(..) la séduction, la drague et le rapprochement des corps occupent bien moins de place en accueil collectif d’adolescents qu’il y a quelques années.

La difficulté de se déconnecter de sa communauté en ligne

Éviter la douleur de la séparation, c’est aussi ce qui fait la force des réseaux sociaux et des jeux en ligne. Pour Xanthie Vlachopoulou « grandir, se construire en tant qu’individu autonome (…) suppose de pouvoir prendre de la distance avec ses investissements d’enfant, faire ses choix, (…) investir de plus en plus les autres jeunes et envisager sa vie d’adulte », mais cela suppose aussi de perdre quelque chose du passé, de lâcher un lien qui sécurise. Or, explique-t-elle, « les mondes virtuels dans lesquels se plongent les jeunes sont des mondes persistants, continuant à exister et à évoluer même quand le jeune n’est pas connecté. (…) Car a priori on peut rester connecté autant qu’on le souhaite, notamment avec les smartphones et les forfaits illimités (…) L’objet reste alors disponible et la séparation peut ainsi être évitée. » Pas étonnant donc qu’il soit difficile d’arrêter un jeu vidéo auquel on peut jouer sans fin. Dans les jeux en ligne, pas de game over ! Et on n’a pas à se séparer de sa communauté de gamers. Même constat pour les réseaux sociaux où l’on peut scroller à l’infini. 

Les écrans : montrer l’intime de loin 

Le dernier point abordé par la psychologue concerne l’intérêt que présente le virtuel pour des adolescents qui vivent leurs premiers émois sexuels. Plutôt que de se rencontrer quand surgit le désir, on préfère recourir aux SMS, tchats ou appels téléphoniques. Un constat partagé par des éducatrices et les éducateurs qui observent que la séduction, la drague et le rapprochement des corps occupent bien moins de place en accueil collectif d’adolescents qu’il y a quelques années. « Les images et SMS à contenu sexuel sont de plus en plus répandus auprès des jeunes, peut-être aussi dans ce même mouvement de montrer l’intime de loin pour gagner du temps avant de pouvoir négocier l’intime de près », conclut la psychologue. 

L’adolescence à l’ère du virtuel , Xanthie Vlachopoulou Ed. yapaka.be, 2022

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