Ce qui est important pour moi, ce sont les indispensables : faire à manger, faire la vaisselle, les tâches ménagères collectives, et qu’ils participent aux activités en lien avec le projet de la colo.
Les ados peuvent-ils décider de tout lors d’un séjour ?
Crédit photo : Ceméa Belgique
Comment l’équipe d’animation se prépare-t-elle en amont de la colo pour favoriser l’autonomie des jeunes ?
C’est important que les équipes d’animation trouvent du sens au projet pédagogique. Cela créé une dynamique favorisant l’investissement des ados, et évite qu’ils attendent que le temps passe. L’autonomie nécessite que les jeunes soient acteurs de leur séjour, donc je prépare les animateurs pour qu’ils prévoient des activités à faire la première semaine, des grands jeux etc. J’ai de la chance de diriger des séjours de 3 semaines, ce qui permet de créer une réelle cohésion entre les jeunes. Il est aussi important de rester à l’écoute des envies des ados pour les accompagner dans la préparation de leurs vacances. Rendre les jeunes autonomes, c’est les accompagner à avoir des petites graines de raisonnement, de la réflexion sur ce qui les entoure, sur eux-mêmes, et prendre en compte l’autre pour pouvoir agir et prendre des initiatives. C’est pour ça que je suis aussi vigilant à instaurer une bonne ambiance de collectif. Tous les jeunes, même les plus timides se sentiront à l’aise et en sécurité ensemble, et l’autonomie se créera naturellement ensuite. Ce ne sont pas seulement les animateurs et animatrices qui font la colo.
Concrètement, comment éviter l’effet planning ?
Il y aura nécessairement des tâches quotidiennes programmées chaque jour, comme faire à manger, faire la vaisselle, nettoyer le lieu de vacances, etc. Je propose des journées types dans lesquelles ces tâches sont prévues, et ensuite je laisse du temps libre pour qu’ils puissent organiser leurs activités.
Une fois que le projet des jeunes prend vie, on peut s’organiser. Malgré tout, il est important de rester flexible et d’adapter les tâches aussi aux activités. Il y a un squelette pour prévoir les journées, mais il est modifiable, il n’est pas ancré. S’ils veulent faire un pique-nique un midi, il pourra être organisé pour le lendemain et on adaptera l’organisation des tâches ménagères.
Comment la prise de décision est-elle permise ? Y a-t-il des moments clés ?
Les ados ont trois moments au cours de la journée où ils peuvent discuter et décider de ce qu’ils aimeraient faire.
D’abord, par les réunions organisées en petit groupe tous les matins. Les discussions peuvent aller de « untel a fait trop de bruit, je n’ai pas pu dormir », à « j’ai envie de faire du ventre glisse » ou « j’ai envie de faire de la cuisine indienne ». Ils ont cet espace quotidiennement, dans lequel ils se sentent en confiance et où les animateurs et animatrices notent les idées.
Il y a également les réunions tous ensemble. Un petit questionnaire est distribué sur « qu’est-ce que j’ai envie de vivre, faire vivre, partager ». Les ados se mettent en petit groupe de 4 à 5 et discutent ensemble. Les papiers sont ensuite récupérés et accrochés sur un grand tableau. Ils peuvent ensuite avoir connaissance de toutes les activités proposées et s’inscrire sur celles qui les intéressent.
Au quotidien, les animateurs sont présents avec les jeunes et sont à l’écoute. Certains n’osent pas parler en réunion et préfèrent donner leur avis sur papier, ou justement en tête-à-tête avec un animateur. L’animateur concerné peut ensuite faire remonter l’information en réunion.
De quoi peuvent décider les ados ?
Les ados peuvent décider de tout, à condition que cela ne fasse de mal à personne et n’exclut personne. Ce qui est important pour moi, ce sont les indispensables : faire à manger, faire la vaisselle, les tâches ménagères collectives, et qu’ils participent aux activités en lien avec le projet de la colo. Pour mon cas ce sont les activités en montagne. Il se sont inscrits pour ça, c’est important qu’ils y participent.
De quoi les ados ne peuvent-ils pas décider ?
Il n’y a pas vraiment de choses qu’ils ne peuvent pas décider. C’est important de respecter les indispensables, donc les tâches collectives, mais en même temps si un jeune ne veut pas cuisiner alors qu’il était sur le planning, je peux accepter qu’il échange sa place avec quelqu’un voulant bien cuisiner. C’est surtout sur le projet pédagogique, ils ne peuvent pas refuser de participer aux activités en lien avec ce pourquoi ils sont inscrits.
Sinon, s’ils réfléchissent bien à leurs idées et que c’est structuré, je ne refuse rien. J’aurai tendance à dire que vu le rythme de la colo, je ne veux pas qu’ils se couchent trop tard. Et en même temps, en disant ça, je me dis que s’ils veulent regarder les étoiles un soir, ce sera une super expérience.
Comment faire en sorte que la relation entre les ados se passe bien ?
On ne peut pas éviter tous les conflits et les petits problèmes, sinon l’équipe pédagogique passerait beaucoup de temps à tout préparer, à paniquer et à anticiper. J’aime bien quand ces petits problèmes surviennent, puisque les animateurs et animatrices sont ensuite plus facilement aptes à les résoudre, et les jeunes à écouter. Par exemple, pour moi, il ne doit plus y avoir de bruit dans les chambres à partir de 23h. Mais la première nuit, je les laisse tranquille et je regarde comment ils agissent. Cela évite que l’équipe d’animation soit sur leur dos dès le premier soir. Le lendemain, on peut voir comment cela s’est passé, ce que ça a créé en eux. Parfois, ils se plaignent de ne pas avoir pu dormir à cause du bruit. À ce moment, on leur demande ce qu’ils aimeraient mettre en place. C’est l’occasion qu’ils en discutent en collectif et qu’ils prennent une décision en autonomie. Ce qui est aussi important pour moi, c’est de ne pas condamner. J’ai déjà repris des jeunes au bout de deux semaines parce que leur comportement n’allait pas, ils se sortaient du collectif et le collectif a fini par se mettre contre eux. Les jeunes se sentaient mal parce que l’aspect sanction est arrivé lorsqu’ils ont été convoqués dans mon bureau. Ils savaient qu’ils risquaient un appel des parents, voire même d’être virés. Quand je les reçois, je favorise donc la parole. On discute de la situation mais aussi de la sanction, et généralement ils finissent par comprendre et n’ont pas peur de reprendre part au collectif.