Le quinet
Ce jeu fait appel à une forme d'adresse avec engins très particulière. Un joueur, le «gardien», essaie de rester maître d'un cercle tracé sur le sol, dont les autres joueurs les «trimeurs» tentent de s'emparer. Placé à l'intérieur du cercle, le gardien frappe de son bâton un morceau de bois taillé en pointe aux deux extrémités, le «quinet» pour le faire sauter en l'air ; puis il le refrappe de plein fouet avant qu'il ne retombe, afin de le projeter le plus loin possible dans le champ de jeu où les trimeurs sont dispersés.
L'un des trimeurs s'empare alors du quinet et le lance à la main pour essayer de le faire entrer dans le cercle. Le gardien protège son territoire en frappant, s'il le peut, le quinet, avant qu'il ait touché terre ou lors d'un possible rebond. Si le trimeur réussit, il prend la place du gardien. S'il échoue, il est provisoirement éliminé jusqu'au prochain changement de gardien. Celui-ci peut réussir à éliminer tous les joueurs ; sinon c'est lui qui doit céder sa place au joueur qui a réussi à mettre le quinet dans le cercle. Ces nombreux changements de rôles provoquent de réjouissants retournements de situation.
Caractéristiques
Terrain : Il y faut un espace bien dégagé, avec une partie plate, au sol ferme, pour le cercle du lancer et les alentours proches. Le reste du terrain peut comporter des talus, de l'herbe, des cailloux, quelques arbres et même être vallonné sans que cela soit gênant. On trace un cercle de 1 m à 1,20 m de diamètre, qui sera le territoire du gardien ou «maître du cercle».
Matériel : Il est nécessaire de tailler un «quinet» sous forme d’un petit bâtonnet cylindrique, d'environ 12 cm de long pour 3 cm de diamètre, dont les extrémités sont taillées en pointe. Chaque joueur doit posséder un bâton d'une longueur d'environ 50 à 70 cm.
Le jeu commence
Le gardien désigné par le rituel du jeu se met en place à l’intérieur du cercle du lancer et les trimeurs se répartissent sur le champ de jeu.
À l’aide de son bâton, le gardien tape sur l’une des extrémités taillées en pointe du quinet posé à terre, pour le faire sauter en l’air. Il essaye alors de le frapper à nouveau, donc en plein vol, avant qu’il ne retombe. Le but qu’il poursuit est d’envoyer le quinet le plus loin possible vers une zone libre pour éviter que l’un des autres joueurs ne le «gobe» ou ne le repousse en le frappant de son bâton. Le gardien dispose de trois essais pour réussir son épreuve.
Le jeu se déroule
Retombé à terre après la frappe du gardien, le quinet est ramassé par le trimeur le plus proche. À partir de cet endroit de chute, ce trimeur lance le quinet à la main pour atteindre le cercle défendu par le gardien.
- Si le quinet reste dans le cercle, touché ou non par le gardien, celui-ci redevient trimeur parmi les autres et le lanceur prend sa place.
- Si le quinet ne passe pas dans le cercle au cours de son trajet et s’il n’est pas touché par le gardien, le lanceur est éliminé et le gardien remet en jeu comme au début de la partie.
- Si le quinet touche le cercle mais en ressort sans avoir été touché par le gardien, celui-ci mesure avec son bâton la distance entre le cercle et le quinet pour savoir le nombre de coups successifs dont il peut disposer pour l’éloigner du cercle : autant de coups que de longueur de bâton.
- Si le quinet ne touche pas le cercle mais est frappé de volée par le gardien, celui-ci dispose d’un seul coup pour l’éloigner encore à partir du point où il s’est immobilisé.
- Si le Quinet est bloqué de volée par un trimeur, le gardien redevient trimeur et le «gobeur» prend le rôle de gardien.
Avant de frapper le quinet, le gardien doit obligatoirement interpeller les trimeurs en leur criant sous forme d’interrogation : «Quinet?». Il n’aura le droit de frapper le bâtonnet que lorsque les trimeurs auront répondu : «Guise!». Cependant, s’ils le souhaitent, ces trimeurs peuvent faire durer le plaisir et répondre sur le mode humoristique par des mots qui riment avec «Guise», mais qui ne donnent pas le droit de taper sur le quinet, en répondant par exemple : «Chemise!», «Marquise!», «Friandise!», «Lise!»… Ce type de rituel qui associe l’acte de parole à l’acte moteur autorise des facéties qui sont fort appréciées par les joueurs.
Le jeu s’achève
La victoire totale est obtenue quand un des joueurs a réussi à éliminer successivement tous les trimeurs. Mais la désignation éventuelle des gagnants et des perdants est bien secondaire par rapport au plaisir des réussites ponctuelles, qu’elles soient exceptionnelles ou renouvelées.
Autres manières de jouer
Parmi les nombreuses variantes de ce jeu, l’une des plus intéressantes consiste à organiser un affrontement entre deux équipes opposées : l’équipe des «batteurs» et l’équipe des «trimeurs». Chaque batteur frappe le quinet à tour de rôle selon la procédure décrite précédemment, et le point est gagné par l’équipe qui réussit la séquence (retour ou non du quinet dans le cercle du lancer). Quand tous les lanceurs sont passés, les deux équipes changent de rôle et, à la fin, comparent leur total de points pour désigner le vainqueur.
On peut aussi attribuer à chaque lanceur autant de points que la distance à laquelle le quinet est tombé contient de fois la longueur de son bâton. On peut aussi convenir que si un trimeur réussit à «gober» le quinet, c’est son équipe qui gagne le point.
Remarques pédagogiques
L’un des intérêts de ce jeu est d’offrir l’occasion de solliciter des habiletés motrices originales demandant de frapper adroitement un petit objet effilé avec un bâton, puis de le rattraper en plein vol. Le débutant ne réussira pas du premier coup. Aussi ce jeu peut-il devenir le prétexte à une familiarisation, à un apprentissage souple de ce type de comportement moteur de haute précision.
Les jeux traditionnels peuvent ainsi favoriser le développement de l’adresse et, tout en étant une véritable école du lien social, ils mettent souvent en œuvre des formes d’action motrice très élaborées.
Usages et coutumes
Ce jeu a été très populaire dans le passé et l’on en retrouve trace dans la plupart des régions de France, mais sous un florilège d’appellations particulièrement variées : «pirouette» dans la Vienne, «tenet» en Limousin, «kinekel» en Alsace, «bertole» en Aquitaine, «guise» en Lorraine, «beuille» dans le Vercors, ou encore «pirli» et «bâtonnet».
Quasiment dans chaque région, une petite variation était apportée dans les règles, ce qui dotait le jeu d’une touche locale et originale sans modifier le schéma global de sa logique interne.