Chopad
Le Chopad appartient à une famille de jeux indiens où les pions se déplacent sur le pourtour d’un tablier cruciforme.
ÉQUIPEMENT (FIGURES 1 & 2)
– Un tablier cruciforme où chaque branche est composée de 3 rangées de sept cases ;
– 16 pions répartis en quatre groupes distincts : 4 pions orange, 4 pions blancs, 4 pions marron, 4 pions rouges ;
– un ensemble de 6 cauris utilisé comme générateur de hasard.
SITUATION DE DÉPART
Chaque joueur choisit une branche du tablier (Nord, Ouest, Sud ou Est) et quatre pions de la même couleur.
FONCTIONNEMENT DU JEU
Le Chopad est un jeu pour deux, trois, ou quatre joueurs formant alors deux équipes de deux participants chacune. Les joueurs sont assis devant leur branche ; pour une partie en équipes, les partenaires s’installent face à face.
Les pions se déplacent selon un score obtenu par un lancer des cauris qui retombent sur la table avec leur fente en haut ou en bas. Le score est calculé ainsi : pas de fente en haut, 25 points ; une fente en haut, 10 points ; 2 à 6 fentes en haut donnent un score respectivement de 2 à 6 points. Un joueur qui obtient 25 points ou 10 points joue de nouveau : il lance les cauris puis déplace un de ses pions ou plusieurs pions de sa couleur préalablement réunis sur une case (voir plus loin).
Tous les pions sont au centre du tablier appelé « maison ». Pour commencer, les joueurs lancent les six cauris à tour de rôle. Celui qui obtient le score le plus élevé les relance puis déplace l’un de ses pions en empruntant la colonne centrale de sa branche. Quand un pion arrive en bas de sa colonne, il continue sa course sur les cases du pourtour du tablier dans le sens antihoraire et revient dans la maison par sa colonne de départ. Un score exact est nécessaire pour accéder à la maison (Figure 3).
Lorsque plusieurs pions d’une même couleur se retrouvent sur la même case, ils peuvent ensuite se déplacer ensemble lors d’un même lancer de cauris. Un joueur peut capturer un pion adverse se trouvant stationné sur la case où son déplacement s’achève.
Le pion capturé est renvoyé dans la maison afin qu’il recommence sa course. La capture peut être évitée de deux manières :
– en stationnant sur les cases marquées d’une croix, appelées refuges, où les prises ne sont pas permises (plusieurs pions, de même couleur ou non, peuvent s’arrêter sur la même case-refuge) ;
– en regroupant ses pions sur la même case afin qu’ils ne soient prenables que par un attaquant égal ou supérieur en nombre de pions. Dans une partie en équipe, un joueur peut refuser son tour avant ou après avoir lancé les cauris. Pour aider son partenaire, un joueur peut aussi renvoyer une deuxième fois un ou plusieurs de ses pions sur le parcours. Le premier joueur (ou la première équipe) dont tous les pions réussissent une course complète, gagne la partie.
COMMENTAIRES
Le Chopad est originaire du district de Kutch situé sur la côte occidentale de l’Inde, près du Pakistan. C’est aussi une région où les femmes ont pris leur destin en main en créant des associations qui mettent l’accent sur la santé, la défense de leurs droits et la sauvegarde de l’artisanat traditionnel.
Ce Chopad en tissu (Figure 1) est originaire de l’une de ces associations (Kala Raksha) dont l’objectif est d’apporter un soutien économique et social aux artisans d’art traditionnel afin qu’ils puissent vivre de leur travail. Pour conserver et dynamiser le patrimoine de sa région, l’association a créé un musée, une bibliothèque, un centre d’enseignement et de nombreux autres dispositifs au service des habitants. Les jeux traditionnels, dont le Chopad, font bien sûr partie de ce patrimoine.
Appelé aussi jeu de parcours ou de course, le Chopad appartient à une famille de jeux indiens, d’origine incertaine, comprenant notamment le Pachisi et le Chaupar. Selon Irving Finkel (Les Jeux de l’humanité, Slatkine, 2007) « ni la philologie, ni l’archéologie, ni la tradition orale ne peuvent les repousser plus loin que le règne du grand Akbar, au XVIe siècle ». En effet, dans la cour de son palais situé à Fatehpur- Sikri, le grand Mohgol Akbar jouait sur un tablier de taille humaine sur lequel les pions étaient figurés par des femmes de son harem. Ce Pachisi insolite, décrit par l’écrivain voyageur américain Bayard Taylor en 1855, a probablement eu un impact sur l’introduction de ces jeux indiens aux États-Unis. C’est possible, car dès la seconde moitié du XIXe siècle, un nouveau jeu de pions à quatre joueurs, dérivé du Pachisi, est apparu outre-Atlantique sous le nom de Parcheesi. Ce jeu fut ensuite édité en France, à la Belle époque, avec quelques variations dans les règles avant de tomber dans l’oubli.
En Europe, la première évocation de ces jeux indiens est due à Thomas Hyde en 1694, mais c’est seulement en 1863 que l’éditeur londonien « Jaques » a produit un jeu dérivé appelé Patchesi. Quelques années plus tard, il a édité une version simplifiée sous le nom de Ludo dont le succès fut rapide auprès des familles et des enfants, en Grande-Bretagne puis dans toute l’Europe.
En France, le Ludo a également séduit les familles jusque dans les années Trente, avant d’être supplanté dès 1936 par l’irruption d’un « nouveau jeu » appelé Pur sang puis Dadas, Trotteurs… dont la principale innovation est la pondération de 1 à 6 des cases des quatre colonnes centrales de chaque branche du tablier cruciforme. Ce jeu s’est ensuite imposé à tous les enfants sous le nom de Petits chevaux, néanmoins le Ludo reste joué dans le monde entier, y compris en France et en Inde où le Pachisi est peu à peu abandonné.
Les Cahiers de l'Animation (n° 89, janvier 2015)