Formateur de terrain : donner à voir et à entendre de sa propre expérience

Les formateurs ne sont pas uniquement ceux qui travaillent en centre de formation. Dans les formations en alternance, sur les terrains, de nombreux professionnels accompagnent des stagiaires. Tuteurs, formateurs terrain, maîtres d’apprentissages sont de ceux-là.
Média secondaire

Marie est aujourd’hui chef de service dans le secteur du handicap, mais elle a occupé longtemps la fonction de formatrice, non pas en école, mais en accompagnant stagiaires et apprentis quand elle était éducatrice en IME. Elle témoigne de ce rôle spécifique qui s’inscrit dans un parcours et une identité professionnelle. 

Cemea

Mon parcours de vie professionnel a déterminé mon envie de transmission de mon métier tout au long de ma carrière. 

Après un passage à l’Université, je décide de m’orienter vers l’Education Spécialisée. Mon premier emploi en tant qu’élève pré-stagiaire, alors que j’avais 20 ans, se déroule dans un Foyer Occupationnel accueillant des adultes dits « Débiles Profonds et Grands Psychotiques » (c’était la dénomination de l’époque). J’y suis restée 4 ans.

Je fais ensuite ma formation d’Educatrice Spécialisée, puis je suis embauchée dans un autre Foyer Occupationnel accueillant le même type de population. J’y reste trois années.

 

Ces deux tranches de vie, passées auprès d’adultes lourdement handicapés et grands psychotiques, ont laissé des traces indélébiles dans ma façon d’aborder la maladie mentale. Le face à face avec la folie n’est possible que dans la mesure où la parole circule au sein d’une équipe sans que soient mises des barrières entravant l’émergence des sentiments de chacun confronté à la violence de la folie. Chacun est là pour apporter à l’autre un peu de son vécu, de son expérience afin que l’autre soit à même de réagir. C’est cet échange qui va permettre dans un premier temps au référent professionnel d’être au plus près du stagiaire quel que soit son lieu de stage. Cette libre circulation de la parole, cet échange ou ce partage d’expérience va permettre à l’autre de se construire dans son identité professionnelle.

Cette base qu’est la relation dans le travail éducatif a conditionné la suite de mon parcours mais aussi ma façon d’accompagner les stagiaires de toutes formations et apprentis. Pour que l’apprenant puisse apprendre du formateur, il est essentiel que ce dernier puisse donner à voir et à entendre de sa propre expérience.

 

Je me suis par la suite orientée vers un IME (Institut Médico éducatif) dans lequel j’ai exercé pendant 26 années. J’ai eu la chance de suivre un grand nombre de stagiaires d’écoles et de formations différentes. Chacun étant différent dans sa manière d’être au monde j’ai dû m’adapter : travaillant avec certains plus sur les écrits, avec d’autres insistant sur l’échange oral… essayant d’apporter là où il y en avait le plus besoin.

Les dix premières années d’accompagnement ont été sans embuches, mais une routine s’installe, bousculée parfois par la difficulté à aider certains stagiaires dans leur parcours de formation. Je me retrouve au bout de ces dix années à tenter de rédiger le traditionnel bilan final pour un étudiant. Là le doute s’installe en moi, et je sais que je ne sais plus, que je ne peux plus continuer à remplir ce document comme je l’ai toujours fait.

 

Cemea

J’ai l’impression de manquer de mots, de ne plus pouvoir inventer, imaginer dans l’écriture quelque chose qui corresponde réellement au stagiaire. J’ai l’impression d’écrire les mêmes mots d’un bilan à l’autre.

Je m’inscris alors dans la Formation « Formateur Terrain », puis après deux années de suspension dans ma pratique d’accompagnement, je me remets au travail et me réengage aussitôt dans un suivi de stagiaire . 

Je m’engage alors dans une démarche de construction du protocole d’accueil du stagiaire qui sera retravaillé en équipe et qui deviendra le document auquel chacun pourra se référer.

Je fais ensuite la formation de Maitre d’Apprentissage qui m’engage dans l’accompagnement sur du long terme de l’apprenti éducateur. Je ferais partie du Comité de pilotage de l’apprentissage.

 

Pour conclure, le stage est un temps fort de la formation en alternance par l’articulation qu’il permet entre théorie, pratique, réflexion et dimension personnelle. Si pour le stagiaire le travail de réflexion est source de transformation et donc d’auto-formation, il l’est aussi pour celui qui l’accompagne. Le long chemin personnel m’a amené à mettre en œuvre le fruit de mes recherches dans ma pratique sur le terrain et a été une source infinie de richesse tant dans mon accompagnement auprès des étudiants que dans celui des usagers de l’établissement.