Rééquilibrer risques sanitaires et enjeux socio-affectifs, nos enfants ont besoin, dès aujourd’hui, de vivre ensemble

Les Ceméa souhaitent alerter les pouvoirs publics et tous les acteurs éducatifs, sur l’urgence de rééquilibrer risques sanitaires et enjeux socio-affectifs pour les jeunes enfants !
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Média secondaire

Le déconfinement des jeunes enfants et leur retour dans les différents modes d’accueil ont débuté le 11 mai, dans un contexte de reprise progressive du travail. Tout cela s’est effectué sur la base des recommandations d’un guide ministériel axé sur les enjeux de sécurité sanitaire et donc de protection, mais qui ne prend guère en compte les conditions d’accueil, pédagogiques et psychologiques susceptibles de garantir le développement des enfants. Si la sécurité apparaît évidemment essentielle, dans cette période sanitaire extrêmement difficile, il est néanmoins fondamental de ne pas s’en tenir une approche purement technique, mais de considérer les personnes dans leur globalité ; leurs besoins, aujourd’hui comme hier, ne sont pas exclusivement sanitaires et les accueillir suppose de ne pas oublier les autres dimensions. Si l’accent est mis en ce moment, principalement voire excessivement, sur les aspects matériels et réglementaires de cette protection, il ne faut pas oublier que la véritable sécurité, indispensable pour leur développement, comporte une dimension socio-affective qu’il convient absolument de prendre en compte, en particulier dans un contexte pouvant susciter de nombreuses inquiétudes et peurs chez les enfants.

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Le risque d’une dérive "hygiéniste"

Dans ces conditions et face aux craintes suscitées pendant cette période, et souvent non basées sur des faits, le risque est grand d’une dérive « hygiéniste » entraînant la mise en œuvre de mesures, de manière restrictive, rigide ou tellement zélée qu’elle en devient profondément anxiogènes. La suppression systématique de tout le matériel susceptible d’être partagé par les enfants, appauvrit considérablement les espaces de vie sociale, dévitalise les pratiques ludiques et physiques, et rend difficile des apprentissages authentiquement coopératifs. Or, il est absolument décisif, et plus que jamais aujourd’hui, de proposer des espaces où l’enfant peut découvrir le plaisir d’être ensemble, de rencontrer les autres et de s’enrichir de leurs apports ; il est fondamental que cela puisse se faire dans la sérénité, sans s’enfermer dans les angoisses du présent, mais en ouvrant des perspectives d’avenir.

C’est, en effet, dans l’interaction avec autrui, dans l’expérience d’apprentissages en commun, dans l’élaboration de projets porteurs de sens que l’enfant pourra trouver les moyens de dépasser les difficultés et les angoisses de la situation sanitaire. Une approche exclusivement sécuritaire-sanitaire, constitue donc un risque psycho-affectif et cognitif bien plus grand que celui présenté par le Covid-19 (cf. les taux de mortalité chez les 0-12 ans inférieurs à 0,001 % et les cas pédiatriques de la maladie égaux à 1% environ). Prenons donc des précautions raisonnables, les crèches en ont l’habitude dans leur fonctionnement, expliquons-les aux enfants, mais ne les enfermons pas dans un monde entièrement régi par le contrôle obsessionnel de leurs activités. Inventons des situations où le principe de précaution est compatible avec leurs besoins fondamentaux.

Ne pas aller à l’encontre des besoins fondamentaux des enfants

Le formalisme systématique et poussé à l’extrême des mesures de distanciation « sociale » (qu’il faudrait appeler « physique »), des « gestes barrières » (qu’il faudrait appeler « gestes protecteurs »), va à l’encontre du besoin fondamental des enfants de jouer, de bouger librement, d’être en relation avec les autres. Le fait de retrouver des espaces de socialisation, d’interactions sociales et ludiques est un facteur essentiel de bien être et un moyen précieux de retrouver un équilibre personnel. C’est par ailleurs, une source de développement et d’apprentissage, de motivation et d’intérêt, face à différents décrochages. L’interdiction de jouer ensemble, sa limitation drastique ou son impossibilité liée à des aménagements restrictifs, sont non seulement excessifs mais inutiles. Voir des enfants de maternelle dans la cour de récréation avec des visières ou « enfermés » dans des carrés marqués à la craie de 4 m de côté, est une atteinte aux besoins fondamentaux de l’enfant et à leurs droits.

Cemea

Un retour des enfants à une vie collective

Le sens des missions des lieux d’accueil des jeunes enfants n’a pas changé, même si des adaptations sont aujourd’hui nécessaires. Les mesures sanitaires doivent s’inscrire dans une approche raisonnée, équilibrée et adaptée qui n’oublie jamais les besoins fondamentaux de l’enfant. Elles doivent prendre leur juste place dans le projet et l’organisation pédagogique et ne pas compromettre complètement les espaces et les temps pour l’accueil des familles, l’accueil des enfants, les échanges et la communication. Le retour des enfants à cette vie collective, organisée de manière progressive, doit contenir en elle des possibles, des projets réinventés, de nouvelles manières de faire, elle doit se construire avec tous les acteurs et maintenir un lien étroit avec les parents, être accompagnée, pour favoriser sa réussite.

Comme l’affirment les 20 présidents de sociétés savantes de pédiatrie, « sachons montrer aux enfants que nous savons les protéger, tout en leur permettant de rester des enfants », réaffirmons l’enjeu d’une éducation bienveillante pour tous les enfants ! Redonnons aux jeunes enfants, les espaces, pour courir ensemble, se déguiser, jouer au ballon, rire, pleurer ensemble, sans compromettre leur santé d’aujourd’hui, mais sans compromettre leur avenir non plus. C’est possible ! Beaucoup d’éducateurs en ont fait la preuve. Il faut en tirer les conséquences pour toutes et tous.