La vie quotidienne donne le tempo à l’Accueil Collectif de Mineurs

Lorsqu’il s’agit d’accueillir de jeunes enfants, la vie quotidienne prend son temps. Elle donne le ton à la qualité de la journée. La partition à jouer dépend du soin apporté à l’organisation de l’accueil, des repas, du temps calme et de l’aménagement.
Média secondaire

Aujourd’hui, alors qu’on parle du plan mercredi et que le périscolaire fleurit dans toute collectivité qui se respecte, si des choses ont changé il n’en reste pas moins qu’il est nécessaire de défendre avec âpreté la primauté des instants de la vie quotidienne aux dépens de la boulimie d’activités. En effet, les enfants n’ont peut-être jamais eu autant besoin de respirer, de récupérer de la vitesse effrénée à laquelle on les précipite de tiroir en tiroir.

Bien sûr on joue beaucoup au centre de loisirs, dans les lieux aménagés pour cela ou en répondant aux invitations des animateurs. Mais c’est la vie quotidienne qui donne le tempo : accueil matin, midi et soir, mais aussi repas et temps calme. Une vie quotidienne qui doit prendre son temps lorsqu'il s'agit de jeunes enfants.


Lire aussi : Animer des coins permanents


Il est 9h30, ce mardi de vacances scolaires d'avril. Une centaine d'enfants âgés de 3 à 7 ans jouent ou déambulent à l'intérieur et dans la cour du centre de loisirs maternel. La configuration récente et adaptée des locaux ainsi que l'organisation mise en place ne laissent rien paraître du nombre. Pas trop de bruit, pas trop de stress, la fluidité des habitudes. Pourtant, lors des petites vacances scolaires, le mardi et le jeudi sont les jours les plus fréquentés avec un public d'habitués dont la présence répond essentiellement à une problématique de garde pour les parents.

Cemea

J'accueille, tu arrives, il repart

Les premiers enfants sont arrivés à 7h 30 accompagnés par leurs parents. Une fois traversé le hall d'accueil commun à la crèche, ils se sont dirigés vers la porte du centre de loisirs. Derrière celle-ci, un premier espace où la directrice les attend. Quelques mots, quelques sourires, quelques signes de reconnaissance sont échangés mais pour l'essentiel ils savent ce qu'ils ont à faire : signaler leur présence. Un petit tabouret permet à l'enfant aidé du parent d'atteindre la feuille d'émargement du groupe de référence et de cocher la case où son nom apparaît, d'indiquer s'il vient à la demi-journée ou la journée, s'il mange ou pas et qui viendra chercher l'enfant ce soir.

Résister à la séparation ?

Pour certains couples enfant-parent, le petit exercice écriture effectué, il est déjà temps de se séparer, parce que le travail n'attend pas ou parce qu'on n'a pas besoin de plus. Pour une bonne moitié des parents, le rituel se poursuit en s'enfonçant un peu plus dans le centre vers les porte-manteaux de la salle principale.

Cemea

Cette grande salle de jeux, autour de laquelle sont distribuées en étoile les salles d'activités et de repos, propose sur tous ses murs des porte-manteaux surmontés d'une case. Chacun des groupes d'âges, les Colibris (3 ans), les Pics (4 ans), les Pinsons (5 ans)... disposent d'une zone vers laquelle nombre de parents accompagnent l'enfant pour se dévêtir, ranger le sac à dos, le doudou et les affaires de piscine dans la petite case. Puis on se chuchote deux ou trois recommandations ou gentillesses, on s'embrasse, on se sépare en douceur. Certains enfants dorment encore debout, d'autres résistent à la séparation ou jouent à résister. Certains parents cherchent du regard les animateurs. Ils sont là. Eux aussi arrivent au fur et à mesure de l'arrivée des enfants. Affairés avec les enfants mais manifestement disponibles. Ils ne sautent pas sur les papas et les mamans mais sont disponibles pour échanger, rassurer et prendre le relais.

L'animateur est en éveil pour saisir l'intention du parent : laisser l'intimité familiale s'exprimer ou au contraire ne pas laisser s'éterniser une séparation parce qu'on sait qu'elle peut être difficile ou que le parent est pressé mais aussi ne pas s'interdire d'échanger quelques mots comme pour signifier un passage de témoin.

Beaucoup d’enfants connaissent le centre. Pour autant, ils vérifient que tout est bien à sa place, les différents coins de jeux, les adultes. Certains dessinent frénétiquement, mettent la table du coin dînette, sortent les Legos®, trifouillent le bac à graines, enfilent un costume ou se rhabillent pour aller faire un tour de trottinette dehors. D'autres restent un peu interdits, le doudou à la main ou à la bouche. Prostrés. Les animateurs les sollicitent mais ne les bousculent pas. Les petits ne parlent presque pas. La socialisation ne les démange pas comme les 6-7 ans pour qui c'est déjà le temps des copains.

Un jus de fruits pour lancer la journée

Il est 9h 30 et le centre s'est bien éveillé. Les visages, les paroles en témoignent. Pratiquement tout le monde est là. Pics, pinsons, toucans... les groupes d'âge rejoignent leur salle respective et leurs deux ou trois animateurs référents. On se met autour de la table, pas pour un banquet puisqu'il s'agit de partager un jus d'orange. Plus que de se sustenter il s'agit surtout d'un moment de sociabilité, de prise de conscience de l'autre, de bavardages et de taquineries. Un moment pour se poser et transiter vers les activités du jour. L'autonomie n'est pas faite à marche forcée, on fait ce que l'on est capable de faire : distribuer les gobelets, s'asseoir pour être servi, laver la table. Faire la vaisselle est prisé, car c'est l'occasion de jouer avec l'eau.

Le repas n’est pas le meilleur moment de la journée

La salle de restauration est celle du collège à proximité. Par groupes, les enfants s'y rendent de manière échelonnée entre 11h 30 et midi, pour s'installer dans la zone qui leur est attribuée. Cela permet de s'installer sans tohu-bohu. L'échelonnement permet aussi à l'unique employée de collectivité d'approvisionner les tables méthodiquement et pour les convives de ne « goûter » à pleine capacité que brièvement la mauvaise insonorisation de la salle. Des tablées de six avec un adulte présent à chacune permettent une attention de proximité. Les enfants sont invités à se servir et peuvent se lever pour aller chercher de l'eau ou du pain. On prend son temps mais pas plus qu'il n'en faut. Le lieu et la situation ne poussent pas à s'éterniser.

Comme dans de trop nombreuses situations, la nourriture est correcte mais standard, livrée en liaison froide par un gros fournisseur régional et réchauffée sur place. Pas simple de concilier impératif économique (un repas à 2,55 euros), qualité gustative et diététique (il a fallu négocier pour avoir des crudités plus fréquemment en entrée), intentions éducatives d'autonomie, de bien-être et de partage. D'autant plus que le lieu est partagé avec le collège et qu'il faut le rendre en l'état. L'été toutefois, comme on ne partage plus la salle avec le collège on réaménage la salle et on sort un mobilier plus adapté aux enfants d'âge maternel.

Comme souvent dans l'animation, la fluidité apparente des moments de vie quotidienne nécessite de bien penser les dispositifs d'organisation et de bien anticiper les différents moments pour ne pas bousculer les enfants. Avant de rejoindre la salle à manger, il faut se laver les mains, s'habiller, se regrouper... et c'est là une multitude de gestes bien compliqués pour les jeunes enfants. Ils nécessitent temps et concentration pour les enfants, organisation, rigueur, tact et douceur pour les animateurs. Anticiper l'avant bien sûr... mais aussi l'après. C'est pourquoi, quelques animateurs sont restés au centre pour préparer le temps calme et transformer les salles d'activités en salles de repos.

Temps calme, trois salles, trois ambiances

Le temps calme commence immédiatement après le repas, entre 12h 45 et 13h 15, et prend des formes différentes selon les âges et le besoin de repos de chacun. Les 3-5 ans sont répartis dans trois salles aux volontés différentes. La première est une « vraie » salle de sieste avec de « vrais » lits. On y fait le noir pour des enfants qui dorment au moins une heure, un cycle souvent (une heure trente à deux heures). On se déshabille, on se met dans un duvet. Une deuxième salle est destinée aux enfants qui ne dorment pas très longtemps, une salle pour un repos allongé dans la pénombre. On enlève juste les chaussures. Enfin, une troisième salle accueille les enfants qui ne dorment plus. On commence par un temps d'une demi-heure de repos allongé avec des histoires ou de la musique, la lumière tamisée permet de faire des jeux de société ou des jeux calmes. Les animateurs orientent les enfants vers les trois salles selon l'âge, la connaissance qu'ils ont des enfants (sieste habituelle ou pas, besoin avéré de se reposer), l'état de fatigue du jour apparent ou déclaré par l'enfant. Parmi ceux qui dorment, certains peuvent faire pipi au lit au temps calme. Comme on les encourage à ne plus mettre de couche, on les douche à la fin du temps calme dans un cabinet de toilette où l'on trouve serviette et gant de toilette. Les 6-7 ans ne dorment plus et sont réunis dans une salle à la lumière tamisée pour un temps de lecture d'une trentaine de minutes, puis de jeux sur tables… avant un retour au collectif pour les activités de l'après-midi. Pendant le temps calme, les animateurs préparent à tour de rôle leurs activités et les enfants les rejoignent au fur et à mesure du réveil. Un animateur reste dans chacune des salles de repos pour veiller à son bon déroulement et guider les enfants vers les différents ateliers, de 14 heures à 16 heures.

La parenthèse du mercredi

Pendant l'année scolaire, le centre de loisirs prolonge l'école ou fait contre-point mais il reste inscrit dans cette temporalité dominée par le phénomène scolaire et sans doute que la nouvelle organisation des rythmes éducatifs confortera cette situation – école du lundi au vendredi. Il répond fortement aux nécessités de garde des enfants et sa fréquentation est très indexée sur l'organisation du temps de la famille comme en témoignent les larges plages d'accueil (7h 30-10 heures et 16h 30- 19 heures) et la possibilité de venir à la demi-journée. Il est éminemment éducatif ; les animateurs s'y emploient en facilitant et permettant les apprentissages de l'autonomie du quotidien quand parents et élus ne font parfois que le soupçonner. Mais il faudra attendre l'été pour s'extirper du contexte scolaire et s'essayer à un autre rythme, un autre rapport au temps, d'autres activités et des relations humaines plus poussées.


Cet article est issu de la revue Les Cahiers de l'Animation Vacances - loisirs