Quelque tapage qui libère
7 juin 2019, à Montpellier, aux Ceméa Occitanie, le festival « du bruit dans l’arène, bat son plein...
...Une organisation sans chichi, aux petits oignons et sans accroc malgré la pluie, invitée surprise.
La ruche (d’une discrétion efficace) assure et montre qu’elle est équipe, on le ressent dans chaque geste, chaque prévenance, chaque action. La cohorte des tee-shirts rouges est là. L’accueil est de tous les instants.
Dans l’équipe (une centaine de personnes pendant le festival) d’organisation, le mot bénévole est roi, il est sur toutes les lèvres et les badges. La manifestation est le fruit d’un travail de longue haleine. C’est un espace riche d’expérimentations et d’apprentissages. L’équipe est majoritairement constituée de jeunes, ce qui en assure la continuité.
Et le résultat est là.
Ce festival est l’illustration de la vie d’un mouvement dans une région, de sa vitalité. Il confirme l’engouement pour une autre manière d’agir au plus près des gens, dans leur environnement. C’est un véritable acte politique qui ne dit pas son nom mais qui est une réelle intention avancée et défendue par le collectif d’organisation qui s’avère plus efficace que l’impéritie des discours. La notion d’engagement prend une autre dimension, une autre forme, une autre couleur. Elle n’est plus l’apanage des seul·e·s accros au militantisme. Elle s’appuie sur les possibles d’une expérimentation ancrée sur des idées solides, pragmatiques et réfléchies. On a l’impression de quelque chose de bien huilé, de profondément humain et de très mûr. On peut constater la constance d’une extrême attention portée à aborder et à défendre la question du sens.
C’est une véritable prouesse, quelque chose de grand, quelque chose d’unique, de percutant, de subtil et d’éminemment populaire !
Les Ceméa sont à l’origine du projet qui est né au moment des 80 ans des Ceméa « il fallait réaffirmer que le mouvement était de gauche ». C’était l’occasion de faire quelque chose ensemble. . « On avait dans la tête d’élaborer un projet de fête en en dépassant l’idée » . « on sentait cette envie collégiale d’aller fouiller des sujets brûlants pour résister à la société capitaliste, plutôt que se tirer sans cesse dans les pattes ». Tout de suite une collaboration a existé entre les mouvements et les associations (48) partenaires. Ce festival était un moyen de montrer qu’on pouvait travailler ensemble.
Dès le début cela avait le goût de l’économie sociale et solidaire et la dimension politique était présente.
Quelques paroles pour évaluer et faire étape
« Cette année marque un tournant, on est à un carrefour, on a l’impression d’être à un aboutissement. » « mais le danger de la professionnalisation nous guette. »
« Une question pointe : est-ce qu’il est temps de se déposséder du projet maintenant que nous sommes parvenus à embarquer le mouvement, l’association, l’organisme de formation et partant l’entreprise dans cette aventure. »
« Attention aussi à ne pas créer de cassure, le festival c’est visible mais cette manifestation ne doit en aucun cas éclipser le reste des actions dans la région. »
« Tout l’intérêt ce sont les coulisses. Il est question d’engagement, de mixité pour le choix des artistes, rien n’est fait à la légère et c’est une décision collective à partir de propositions faites par des émissaires parti·e·s superviser les groupes. Il y a une éthique. Écolo, développement durable, toilettes sèches. Valeurs de solidarité, de justice sociale (lutte contre la misère et la pauvreté), qui doivent transparaître dans tous les aspects de la manifestation et tout ce qui y est organisé. Rien n’est fait au hasard, il y a réflexion pour chaque parcelle du projet.
L’éducation nouvelle est infusée par taffes de valeurs, de manières de faire, de méthodes. Ses volutes de brume émancipatrice et vertueuse s’immiscent peu à peu dans la vie du groupe et en filigrane, en amont de ce projet où le collectif se fait et ne se défait pas. La pensée de chacun et chacune tisse une pensée collective estampillée éducation nouvelle, bien ancrée dans la mouvance d’une certaine éducation populaire qui donne le pouvoir aux personnes d’agir de leur propre chef et pour toutes et tous.
Comme une répétition qui enchante
Il est fondamental de dire cette belle surprise d’un temps suspendu où la fête est là et bien là mais pas que. Il y a aussi et surtout une idée de ce que sont la résistance, l’insurrection singulière, le pouvoir des mots, de l’engagement à travers des débats, des tables rondes, des discussions informelles d’où naissent des projets au cœur du village des possibles.
Ce bouillonnement est propice au soulèvement d’un art d’être et d’agir qui n’est pas sans rappeler une real-évolution et pas une rêvolution. Et l’air d’un été d’économie sociale et solidaire, l’été d’une prise de conscience, celle d’une génération en quête de dépassement, dans un présent où les combats sont là qui couvent, soudent et fomentent.
Le terreau d’un autre possible existe et l’éducation populaire lui permet de naître, de fertiliser les consciences. Mais c’est bien l’éducation nouvelle qui va permettre à cette vision du monde de pousser, de prospérer. Elle seule peut créer l’étincelle qui conduira à la prise du pouvoir de décider de vivre son présent. Mais il ne faut pas rater la marche loupée il y a 50 ans. Depuis cette époque l’éducation nouvelle vit certes mais elle vivote , au point mort quant à sa capacité à convaincre au-delà d’un cercle d’initié·e·s qu’il y a une autre éducation. L’entre-nous c’est bien mais le combat se gagnera ailleurs. Ici pendant deux jours on a pu, j’ai pu percevoir les prémices d’une effervescence au sein de laquelle éclataient de petites bulles mais les effluves des prémisses de la possibilité d’un autre projet naîtront sans conteste dans le hors-nous, dans l’hostilité de celles et ceux qui le redoutent. Ce n’est pas d’une implosion dont nous avons besoin mais bien d’un véritable changement, d’une explosion. Aller au-delà de notre petit monde, dans le hors-là, pour conjurer le présent et conjuguer le monde et le futur de la planète sur un mode humain, s’avère une condition sine qua non pour faire valoir nos droits à l’avenir.
Ce festival est dans ce sens une véritable réussite qui est tout sauf une dystopie.