On laisse chacun aller à son rythme avec des rendez-vous pour s’attendre, se reposer et se restaurer car il y a des grandes différences entre les jeunes.
Huit ados sur des vélos
La jeune bordelaise participe au séjour de vacances Vélodyssée, deux semaines de camp itinérant à bicyclette à travers la Nouvelle-Aquitaine. “Envoyée en vacances” par ses parents, elle a manifestement découvert les joies et les contraintes de la rando à vélo en même temps qu’elle a fait connaissance des autres, deux filles et cinq garçons embarqués avec les deux animateurs pour une virée de 14 jours sur les pistes cyclables et les petites routes de Charente-Maritime, de Gironde et des Landes. C’est le dernier jour du périple en cette fin juillet torride et la petite troupe prend un repos bien mérité à l’ombre des pins du camping du lac à Mimizan-Plage (40).
« Le principe, c’est d’offrir une alternance entre les cinq étapes de vélo, 50 à 60 kilomètres sur une journée et des étapes de récupération qui laissent la part belle à l’autonomie, au farniente et au divertissement, avec juste au programme Aqualand et la visite du zoo de la Palmyre », détaille Freydoun Schahmaneche.
Le responsable du séjour encadre ce type de camp depuis 2015, date à laquelle il a participé à la création de l’association Bonzaï qui propose des vacances collectives alternatives pour enfants et adolescents. Il forme avec Aurélie Solanille un binôme expérimenté et complémentaire qui fonctionne sur des principes éducatifs partagés, assurant auprès des jeunes une présence sereine et rassurante.
Apprivoiser la petite reine
« Ma première préoccupation, c’est de rester vigilant à l’état de fatigue de chacun. Le premier jour, on a eu trois chutes, dont l’une dans une descente qui aurait pu être grave et donc on a décidé de prendre le bac pour traverser l’estuaire et raccourcir la distance, raconte Freydoun.
En discutant avec les jeunes cyclistes parvenus sans encombre au terme du parcours, la dimension sportive vient en effet en premier lieu.
« Au début, c’est comme si je ne savais pas faire du vélo, reconnaît Julia, mais après je me suis grave habituée. »
« Je ne savais même pas que c’était une colo de vélo. J’ai souffert de la chaleur mais je suis fière d’être allée au bout, tout est dans le mental », se félicite la parisienne Dalla, 13 ans, dont le coude porte encore les traces d’une douloureuse gamelle. Marc, lotois de 13 ans, lui a « kiffé » le vélo. « J’en fais depuis que j’ai 4 ans, fanfaronne-t-il. Mais je n’étais parti que deux fois de chez moi et j’ai bien aimé les paysages et les plages. »
En roue (presque) libre
Après les exploits physiques, les étapes de repos comme celle de Mimizan permettent aux jeunes de récupérer et de gérer le temps à leur guise. « Quand j’étais jeune éducateur, mon livre de référence, c’était Libres enfants de Summerhill, sourit Freydoun. Je continue à penser que, surtout en période de vacances, ces jeunes ont besoin d’expérimenter un autre rapport au temps et aussi qu’on leur foute la paix. Ce sont eux qui choisissent l’emploi du temps de leur journée et le menu des repas. Il n’y a pas d’heure de lever avec un petit déjeuner échelonné ni de coucher, et nous les laissons parfois sortir seuls sous réserve de respecter les horaires donnés. » Une liberté et une autonomie soumises bien entendu aux impératifs et aux contraintes de la vie en collectivité. « On a la chance cette année d’avoir un groupe tranquille sans leader négatif et on n’a pas trop besoin de réguler sur les tâches matérielles, seule la vaisselle reste un lieu de bataille homérique pour décider qui doit s’y coller », s’amuse Aurélie. Et la question sensible des téléphones portables ? « Franchement, ça se gère tranquillement, répond Freydoun. On a convenu avec eux de leur reprendre de 22h30 jusqu’au matin et de les proscrire pendant les repas. Le reste du temps, il n’y a vraiment pas d’excès, ils servent à donner des nouvelles aux parents mais on ne peut pas dire que les réseaux sociaux parasitent le séjour. Il y a un garçon qui passe un peu trop de temps dessus qui nous amène à intervenir de temps à autre mais c’est parce qu’il est accro aux jeux vidéo. »
Un peloton en formation
Pas si problématiques qu’on le dit ces adolescents souvent présentés comme mal dans leurs baskets et guettés par la dépression ? Nos jeunes cyclistes, plutôt issus de la classe moyenne et venus des quatre coins de l’Hexagone, ne correspondent pas à ce tableau alarmiste. Freydoun, qui travaille auprès de ce public depuis plus de vingt ans, ne voit pas de changement notable et apprécie toujours autant de les côtoyer au sein d’une aventure humaine et sportive comme cette Vélodyssée. Le contexte particulier de vacances en petits groupes encadrés par des adultes disponibles et engagés n’y est pas étranger. Aurélie fait toutefois état de la difficulté des jeunes à entrer en relation avec l’autre sexe, sans doute inhérente à leur âge. « Les premiers repas étaient étranges, avec beaucoup de silences et des rires gênés. Cela s’est largement amélioré au cours du séjour mais on fonctionne malgré tout trop souvent de façon cloisonnée avec les cinq garçons d’un côté et les trois filles de l’autre. » Après deux semaines de vie commune, les relations de confiance et de complicité établies entre les jeunes sont néanmoins perceptibles. « Je me suis fait des vrais amis », témoigne Marc, un breton de 14 ans qui appréhende un peu le moment prochain de la séparation. Une proximité qui s’est construite au fil de la solidarité face à l’effort mais aussi des discussions sur la plage ou des soirées à papoter dans son duvet. « J’ai passé ma première nuit à la belle étoile, s’enthousiasme Émilie. Gé- nial de pouvoir faire ça avec les copines ! » Le binôme d’animation a pris soin de favoriser ces moments de discussion pendant lesquels les adolescents ont pu échanger autour de leurs préoccupations. « Ils nous ont parlé des vidéos dérangeantes qu’ils regardaient sur le darknet, de leur rapport au porno », relève Freydoun. « On a eu aussi un débat très intéressant sur la question de la religion. Et j’ai pu échanger avec les filles sur la façon dont elles vivaient la menstruation », ajoute Aurélie. « Pas sûr qu’on aborde ce genre de sujet de façon aussi libre dans les camps de surf sur la côte », commente Freydoun avec un clin d’œil
Crédit photos : Philippe Miquel
Des colos à taille humaine
Bonzaï est une association implantée à Bayonne (64) créée en 2015 par Freydoun Schahmaneche et Maddi Bidalun. Leur projet : construire le « monde de demain » en revisitant les vacances collectives pour enfants de 8 à 16 ans.