La logique de l’absurde

Le risque zéro n'existera jamais. L’apprentissage de sa propre responsabilité passe par des expérimentations contrôlées, encadrées. Doit-on être en permanence à la remorque de l'activité à tout prix, moderne, à la mode? Il y a tellement d'autres enjeux!
Média secondaire

Image par myeongae lim de Pixabay

Cet article rédigé en 2007 garde toute sa pertinence dans l’analyse de la situation des accueils collectifs de mineurs du point de vue de l’activité et de l’apprentissage des risques, il nous interpelle sur cette recherche permanente à régler ou masquer les problèmes par une accumulation sans fin de couches réglementaires qui ne prend pas le problème à sa racine, celui du sens de l’activité.


Situations de découverte d’un environnement inconnu, vie collective, activités nouvelles mais aussi balades, jeux tranquilles, coins lecture, discussions paisibles entre copains et copines à l’ombre, baignade et autres randonnées constituent le menu de ces moments éducatifs que sont les accueils collectifs de mineurs (ACM). Malheureusement, nous ne pouvons occulter les rares, très rares, accidents qui parfois endeuillent ce secteur des « colos ».

Nous sommes sensibles aux réactions posées et pertinentes que peuvent avoir les représentants de l’État quand ils ne cèdent pas à une pression médiatique trop souvent avide de sensationnel dramatique. Il nous faut, avec toute la prudence et la dignité que cela impose, tenter de contribuer à un travail d’analyse afin de ne pas laisser la tendance du tout sécuritaire chercher des solutions tendant au risque zéro. Existe-t-il ? On sait bien que non. 

La question de la qualification, de la surqualification des encadrants doublée d’une réglementation étouffante ne règlent rien et ne régleront rien. Les plus hautes qualifications professionnelles ne garantiront jamais le risque zéro. Disons-le tout net, il ne faudrait pas que de nouveaux accidents, aussi dramatique soient-ils, servent de support à une nouvelle volonté de diminution de l’espace d’action éducative des accueils collectifs de mineurs en renforçant une réglementation déjà existante. Chaque situation appelle des analyses, plus complexes certes, mais qui touchent au sens même des accueils. Plusieurs points sont à livrer en débat tels que le consumérisme et la logique de prestation.

La logique consumériste, de plus en plus présente dans les contenus des séjours, doit retenir l’attention des penseurs de l’évolution du cadre des centres de vacances et de loisirs. Elle conduit à une pratique intensive, à un activisme qui n’a pas sa place en accueil collectif de mineurs. Elle n’a pas sa place parce qu’elle ne permet pas à l’enfant, au jeune, de se construire une expérience suffisante pour pouvoir accéder à un degré d’autonomie minimum. 

La seule logique est donc la consommation, plus ou moins passive, source de plaisir, dans l’instant, mais sans aucun sens éducatif. La prestation de service, les prestataires, comme on les qualifie souvent dans notre milieu, pour citer aussi bien l’association qui organise le séjour pour un CE ou une collectivité locale que pour nommer les structures et les professionnel·le·s qui vendent une activité, le plus souvent dans le domaine des activités à risques, réglementation oblige. Cette logique de prestation est une machine à détruire le sens éducatif des ACM pour peu que la priorité soit donnée au paraître, à la mode, au détriment de la spécificité de l’activité. 

Elle est aussi un cadre de travail qui peut mettre une pression terrible sur ces acteurs professionnels, chargés de mettre en œuvre un contrat, avec des prestations programmées et vendues… On sait bien qu’il peut être difficile de résister à la pression d’un contrat, comme à celle d’un groupe qui piaffe d’impatience de sortir en activité après une période de mauvais temps alors que la fin du séjour approche… 

On est loin des projets d’activités, des situations où les enfants peuvent s’initier, se confronter à des matériaux, à un milieu, à une pratique dans lesquels ils prennent du plaisir et accèdent à l’autonomie dans le cadre du séjour… Certes, il est des situations dans lesquelles les prestataires sont associés à la conduite d’un projet pédagogique respectant les besoins et envies des enfants et des jeunes, mais cela reste pour le moins marginal. Et si toutes les activités n’avaient pas leur place en ACM ? Non pas par interdit réglementaire, mais simplement parce qu’elles n’ont pas de sens ici ! Chercher à coller à tout prix la réalité commerciale, sportive, médiatique de l’activité continue de mettre à distance les enfants et les jeunes de cette même activité. La meilleure des structures de vacances est très certainement celle qui offre des vacances ! Une lapalissade ? A réfléchir ! 


Arcticle paru dans Les cahiers de l'animation vacances loisirs n° 60