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"Lettre à une enseignante" de L'école de Barbiana

Un collectif d'élèves de l'école de Barbiana en Italie a commencé par écrire une critique sévère de l'école à leur ancienne enseignante. Première édition à Mercure de France en 1968 puis réédition aux Éditions Agone en 2022.
Média secondaire

Dans l’Italie des années 60, un prêtre, Don Lorenzo Milani, est nommé dans le petit village de Barbiana. Il crée une école alternative pour « les recalés », des enfants massivement en échec scolaire et rapidement exclus du système, du fait d’une pauvreté n’ouvrant pas à la culture de l’école officielle. Ces enfants, considérés par l’institution scolaire comme fainéants et rétifs aux apprentissages, viennent pourtant volontairement à Barbiana pour y travailler 14 heures par jour, le dimanche compris. La pédagogie de l’école s’appuie sur une mutualisation des savoirs et sur la vie dans toutes ses dimensions. Les enfants apprennent à s’exprimer et à donner du sens à ce qu’ils apprennent. Cela passe par la lecture du journal dont certains articles leur offrent une réelle ouverture sur le monde et ses réalités sociales, économiques, scientifiques, etc. Des visiteurs ou des invités viennent partager des connaissances et expériences et répondre sans détour aux questions des enfants. Mais à l’école on travaille aussi le fer ou le bois. On va même y construire une petite piscine pour apprendre à nager... L’apprentissage des langues a une grande importance à Barbiana. Un apprentissage en vue de longs séjours dans d’autres pays européens et en Algérie, où le jeune doit se débrouiller pour vivre et travailler en restant en contact par lettre avec Don Lorenzo Milani.

Ces enfants, considérés par l’institution scolaire comme fainéants et rétifs aux apprentissages, viennent pourtant volontairement à Barbiana pour y travailler 14 heures par jour, le dimanche compris.

Une critique sévère de l’école 

Au départ, ce livre était une lettre, écrite à une enseignante qui avait fait échouer trois élèves de l’école à un examen d’État. « Chère Madame, vous ne vous rappelez même pas mon nom. Il est vrai que vous en avez tant recalés. Moi par contre, j’ai souvent repensé à vous, à vos collègues, à cette institution que vous appelez l’“école”, et à tous ces jeunes que vous “rejetez”. » Puis l’ouvrage s’est étoffé avec les témoignages et réflexions de nombreux élèves. Lettre à une enseignante éclaire sur la vie et la pédagogie de cette école atypique, dans la mouvance de l’Éducation nouvelle. Au travers des témoignages, on y découvre ce qu’y vivent ces enfants et leur rapport aux apprentissages. Mais ce livre est surtout une réflexion sur les finalités de l’institution scolaire et son rôle dans la reproduction sociale : « Les petits arrivistes acceptent ce qu’on leur impose et l’apprennent par cœur. La seule chose qui compte pour eux, c’est d’être reçus afin de pouvoir jouer le jeu à leur tour quand ils seront professeurs. » L’ouvrage porte un regard cynique sur le rôle des enseignant·es. « On ne permet pas au tourneur de ne livrer que les pièces qui sont réussies. Autrement, il ne ferait plus rien pour qu’elles le soient toutes. Vous par contre, vous pouvez écarter les pièces à votre convenance. Vous vous contentez de surveiller ceux qui réussissent tout seuls pour des raisons indépendantes de l’école. » Ces mêmes enseignant·es « ont en main les possibilités d’une résistance et d’une transformation du système », rappelle Laurence De Cock dans sa préface. Car si ce livre est à remettre dans le contexte de l’Italie des années 60, il interroge aussi l’école d’aujourd’hui. « J’ai appris que le problème des autres est pareil au mien. Que s’en sortir tous ensemble, c’est de la politique. »

Citations

Page 5 : « Et puis la maîtresse avait dit à mes parents que ce n’était pas la peine Page 107 de jeter leur argent par les fenêtres : « Envoyez-le donc aux champs. Il n’est pas doué pour les études. » 

Page 33 : « Pour elle qui en a 32, un enfant n’est qu’une fraction. Pour un enfant, une maîtresse, c’est bien plus. Il n’en a eu qu’une et elle n’a pas voulu de lui. »

Page 93 : « Une école qui sélectionne détruit la culture. Aux pauvres, elle enlève les moyens d’expression. Aux riches, elle enlève la connaissance des choses. » 

Page 107 : « À Barbiana, il ne se passait pas un jour sans qu’on aborde des problèmes de pédagogie. Seulement, on ne les appelait pas comme ça. Pour nous, ils portaient toujours le nom précis d’une personne. »

Biographie

Cet ouvrage a ceci de particulier que la Lettera a una professoressa a été écrite par un collectif que la préface de Laurence De Cock présente ainsi : « un groupe d’élèves en ordre de bataille et prêts à en découdre. Des garçons en colère et bien décidés à expliquer pourquoi. » Puis l’historienne précise que « les auteurs représentent un groupe social, celui des montagnards, paysans pauvres ». Ce texte est donc « une prouesse permise par l’écriture collective et la confiance que Don Lorenzo Milani accordait à ses élèves ».

 

 


 

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