Voir « discipline » au collège de Jaligny dans l’Allier
FIFE: Festival International du Film d'Education
Depuis plus de 10 ans les Ceméa organisent à Évreux le Festival International du Film d’Éducation. Et dans chaque association territoriale les équipes déclinent cet évènement localement avec à chaque fois le même schéma : un film, une structure, un public. Il s’agit de permettre à un groupe ou à des personnes venues individuellement de rencontrer une œuvre cinématographique (en lice lors d’une édition du festival), de la visionner puis de vivre une démarche réfléchie, élaborée et construite en fonction du public visé. Il y a un amont (une préparation au visionnage, un échauffement), un pendant (avec consignes ou pas) et un après qui permet de vivre un temps d’animation (écriture, activités manuelles, débats). Ici , dans un collège en Auvergne, le choix s’est porté sur « Discipline ».
Contexte
Un petit collège rural, très investi dans les projets culturels en particulier autour de l’image : collège au cinéma, résidence d’artistes vidéastes, participation aux festivals et ateliers du Court Métrage et Vidéoformes, (Clermont-Ferrand), Jean Carmet (Moulins), club de courts métrages …
Public : 32 élèves de 6ème issus de 2 classes
Durée : 2 heures
Objectifs
- Faire rencontrer aux élèves une œuvre, un objet culturel, qui ne saurait être réduit à la seule dimension éducative et scolaire.
- Provoquer du débat à visée éducative
- Faire émerger des pistes de travail dont les enseignants pourront par la suite se saisir
Déroulement
1- Avant la projection du film (10’)
Les animateurs se présentent et annoncent sommairement le déroulement de la séance.
Les élèves ne connaissent ni le titre du film, ni le contenu.
La question leur est posée : « En voyant ce photogramme du film, à votre avis de quoi s’agit-il ? »
Les réponses fusent très rapidement : une thématique se dégage à partir des termes : nourriture, gourmandise, goinfrerie, malbouffe, obésité même…
D’autres suggestions sont émises : pauvreté et même SDF , solitude, vol à l’étalage…
Après ce temps de mise en appétit, les animateurs donnent quelques consignes de visionnage :
- Ne pas bavarder pendant la projection, réserver la discussion pour la suite, le film n’est pas si long (12 minutes).
- Ne pas se laisser dérouter par les premières images, car le les dialogues sont sous-titrés.
- Regarder le film jusqu’à la fin, y compris le générique.
2- Diffusion du film (12’)
À l’issue de la projection, les élèves sont répartis en trois groupes, accompagnés d’adultes de l’établissement, enseignants et/ou AED ou Service civique, dans trois salles différentes. Pendant le trajet, les échanges entre élèves commencent.
3- Retour en petits groupes
Un premier temps dit de « retour sensible » commence. (20’)
Pour ce premier temps les participants sont debout en cercle. C’est une façon de rompre avec la classe habituelle et de constituer le groupe. Pour cela, nous avons dû déplacer quelques tables.
a ) Chaque participant (les élèves d’abord, les adultes sont invités à participer dans un second temps), évoque un élément du film (image, son, situation…). Il commence son intervention par « je me souviens… ». Il est bien précisé qu’aucune réponse n’est juste ou fausse.
Les propositions sont nombreuses, certains élèves en formulent plusieurs, les élèves qui disent ne se souvenir de rien ou que leur souvenir a déjà été dit, sont invités à chercher encore, pendant que d’autres élèves complètent une liste qui vite balaye le film… Quelques situations sont particulièrement plébiscitées, ce que confirmera le second exercice.
b ) En groupe de deux ou trois, les élèves sont invités à jouer corporellement (sans dialogues) une situation du film et à se figer en « photo arrêtée ». Les situations choisies flirtent souvent avec l’interdit, soit lié au film, soit au collège : vol, violence physique, monter sur les tables, mais aussi gag.
Deuxième temps : un nouveau titre (15’)
Chaque élève est invité individuellement à renommer le film.
« Si tu devais renommer le film, quel titre lui donnerais-tu ? »
Les réponses sont recopiées par l’animateur, à la volée, au fur et à mesure, au tableau, sans censure. Certains élèves en proposent parfois quatre ou cinq, pendant que d’autres peinent à en trouver un, mais chacun a finalement au moins un de ses titres au tableau.
L’ensemble étant assez hétéroclite, en particulier parce que le travail préalable au film, à partir de photogramme, a influencé, semble-t-il, certains élèves, (voir les propositions « Nourriture, Malbouffe, Manger, Pauvre… »), l’animateur improvise un travail de tri : quelles propositions de titres ne vous paraissent pas devoir figurer sur le tableau ? et pourquoi ?
C’est ainsi, voir ci-contre, que des propositions ou des morceaux de titres sont supprimés (rayures rouges): Manger, La femme pénible…
Enfin, les élèves disent quel(s) titre(s) ils préfèrent, et pourquoi (titre entouré d’un cercle vert).
Le titre plébiscité est « La Gifle », avec quatre suffrages (dans un des groupes de 11 élèves).
Troisième temps d’analyse filmique (30’)
Par petits groupes de trois, les élèves partagent leurs souvenirs du film en répondant collectivement au questionnaire suivant :
- Combien y a-t-il de personnages ? Classez-les par catégories
- Y a-t-il un personnage principal ?
- Combien repérez-vous de lieux ou d’espaces ?
- À quel moment de la journée et en quelle saison se déroule le film ?
- Ce film est construit suivant l’effet « boule de neige », montrez-le.
- De quoi est composée la bande son ?
Le résultat est surprenant de justesse et de pertinence. Le nombre de personnages est exact, les catégories identifiées. C’est l’occasion de préciser la différence entre personne et personnage.
L’effet « boule de neige » est décrit par les animateurs, les élèves identifient vite les adjuvants et les opposants qui accélèrent ou ralentissent le récit, ou font accumulation. Ce qui permet aux élèves de prendre conscience de la naissance de la violence, de ses formes (verbale, physique), de sa progression…
Les éléments composants une bande sonore sont vite retrouvés : dialogues, bruits et musique (extradiégétique).
Quatrième et dernier temps : Le débat mouvant (20’)
Pour chacune des questions suivantes, se situer d’un côté de la salle si on est plutôt d’accord avec la phrase prononcée ; du côté opposé, si on est plutôt en désaccord. Au centre se retrouvent les avis partagés ou indécis.
Les élèves argumentent leur choix, ce qui peut donner lieu à des changements de position, qui se traduisent physiquement par des déplacements.
Les questions posées font écho à des situations mises en scène dans le film :
- Est-ce qu’il est acceptable qu’un parent donne une gifle à son enfant ?
- Est-ce que les enfants peuvent faire acheter ce qu’ils veulent à leurs parents ?
- Dans un libre-service, il est difficile de résister à son envie.
- Dans la société, celui qui casse ou salit répare ou nettoie.
Les élèves se sont très vite et très volontiers impliqués dans le dispositif. Ils en ont compris toutes les possibilités, soit d’implication, soit de changement, et ont argumenté avec nuance leurs choix, n’hésitant pas à convoquer leur expérience personnelle.
Un rapide bilan informel, du fait des impératifs horaires, est l’occasion d’entendre les retours des élèves qui ont apprécié les méthodes d’échanges, de lecture film et de débat utilisées, nouvelles et actives. Ils ont interpellé leurs enseignants pour utiliser le débat mouvant en classe. Ils ont repéré d’autres thèmes de débat dans le film : la racisme, la communication…