"Il fait trop froid, on ne va tout de même pas laisser les enfants jouer dehors!"

Le mauvais temps doit-il réellement priver les enfants de la vie extérieure ? Cette chronique des Ceméa Belges propose de réfléchir à un enseignement "du dehors" et à ce que la Nature, même humide, a de merveilleux à transmettre.
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Média secondaire

Lorsque le froid fait son apparition, les adultes décident parfois de ne pas faire sortir les enfants en récréation, de reporter une sortie, une activité en plein air… à cause des intempéries. Or, dehors, même sous la pluie, la vie continue et à tant à transmettre.

Bien sur la prudence peut conduire à quelques précautions, notamment matérielle. Mais que font les petits canadien·nes, les enfants finlandais·es ou norvégien·nes quand il fait froid ? Rien d'autre que ce que font les nôtres dès que nous avons ce type de météo : des batailles de boules de neige et des glissades sur une belle flaque toute gelée. Une expérience à vivre.

Cemea

Au-delà des craintes : des bénéfices associés à « l’école du dehors »

Concernant les craintes qui entourent l’idée « d’extérieur par tous temps », le film Les enfants du dehors de Mariette Feltin1 apporte un nouveau regard. Cette expérience vécue dans une école strasbourgeoise montre des enseignantes ayant décidé d’aménager un espace dédié aux enfants de maternelle et de sortir tous les jours au minimum une heure avec elles·eux, quelle que soit la météo. Et ces institutrices ne sont pas d’exceptions. En effet, en discutant, en échangeant avec des enseignant·e·s, on peut vite se rendre compte qu’elles·ils sont nombreux·ses à mettre en place ce type de pratiques. Ces enseignant·e·s veilleraient-elles·ils, dès lors, moins à la sécurité, à la santé des enfants ? Les sorties exterieurs empêchent-elles réellement la prudence ?  

Tous les établissements qui pratiquent « l’école du dehors » font le même constat : les absences pour maladie diminuent en vivant plus à l’extérieur. Les enfants non seulement profitent de l‘environnement, de la Nature, de l’apprentissage de « la vie par la vie » (au lieu de découvrir les animaux, les arbres, le cours des saisons, dans les livres de la bibliothèque ou sur Internet), mais elles·ils renforcent aussi leur santé.
Beaucoup d’apprentissages qui ne nous viennent pas directement à l’esprit quand on imagine vingt-cinq bambins de quatre ou cinq ans à l'extérieur, sont pourtant bien présents dans toutes ces expériences : des moments d'expression, de partage d'un vécu commun, par l'écrit, des notions de mathématiques à travers des comparaisons de bouts de bois, ou des constats que les branches d'arbres ont des « angles » différents... Au final, « aller chercher la vie là où elle »  plutôt que de rester dans un monde clos où la seule vie qui y entre est celle de l'école, du livre, de l'apprentissage transmis par l'expérience d'autrui et/ou de l'adulte.

À l'école maternelle de Saint-Vaast en Belgique, les enfants sont dehors trois matinées par semaine. Elles·ils y ont développé́ tout un espace de classe sur un terril qui jouxte l'école. Après une petite marche d'un quart d'heure pour grimper et rejoindre « la classe » bien cachée au fond des bois, on s'y réunit, on y joue, on y crée, on y découvre...

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Une « école du dehors » bénéfique à tout âge

Ces expériences de « l'école du dehors » ont trop souvent lieu uniquement en maternelle. Or, l'idée d'aller apprendre la vie dans le monde réel au lieu de la découvrir dans la virtualité́ de l'espace-classe est valable pour des enfants et des jeunes de tout âge. Sortir des quatre murs des classes est possible, aller faire des mathématiques au départ du vivant, dessiner dans la Nature, y écrire, y chanter..., y vivre.

De plus, bouger, mobiliser son corps est un besoin fondamental de l'être humain, particulièrement exacerbé dans l'enfance. Ce besoin de mouvement est tellement puissant chez les enfants qu'on peut lui accorder la même importance que celui de manger, de boire, de dormir... Même les adultes le ressentent de manière forte. Ce besoin de bouger est inhérent à tout être humain, quelques soit son âge.

Malheureusement, l'espace exigu des classes ne permet pas toujours d'assouvir ce besoin de mouvement. Alors, prendre un peu plus d'espace, aller dehors, dans la fôret proche, au parc, dans un simple terrain d'aventures, maintenir les recréations malgré́ quelques gouttes de pluie, cela devient une nécessité.
Encore faut-il en avoir la possibilité́ !

 

Une difficulté administrative à surmonter

Les enseignants·es sont de plus en plus confronté·e·s à des demandes de l'inspection, des directions, des pouvoirs organisateurs, de prévoir toute sortie plusieurs semaines à l'avance, en remplissant le formulaire ad hoc avec les objectifs pédagogiques, les matières abordées, le déroulé́ précis des activités... Dans un autre documentaire C'est d'apprendre qui est sacré de Delphine Pinson2, Michel Duckit, enseignant, affirme :
« Depuis quelques années, je vois du parasitage administratif qui nous envahit complètement et la tête et le corps et le temps. Tu ne peux pas sortir les pieds de ta classe sans une demande en trois exemplaires auprès de ton directeur… Ça bousille tout le spontané, tout l’inattendu… tous le vivant ! On voudrait programmer tout, dans la classe et en dehors ! C’est impossible ! ».

 

Cemea

« Pour nous, c’était difficile, juste d’observer, laisser faire les enfants. On nous a appris à contrôler tout de A à Z et à demande aux enfants ce que nous désirions qu’ils fassent. Maintenant, au jardin, on ne fait plus du tout comme ça ! On propose des situations, on laisse agir les enfants et on construit des apprentissages à partir de ça. Ça nous demande de lâcher prise. C’est grâce à l’école du dehors que nous avons pu l’apprendre et transformer aussi les moments vécus en classe. »

Extrait du film Les enfants du dehors.

En conclusion, nous avons envie de vous encourager à aller chercher la vie là où elle est, à sortir de la classe, voire de l’école, le plus souvent possible, et à pousser vos élèves, vos jeunes, à comprendre ce qui se passe autour d’elles·eux en allant à la rencontre de l’inattendu, de tout ce qui est plus vivant qu’un manuel scolaire !

 

1. Mariette Feltin, Les enfants du dehors, documentaire, 53 minutes, 2015
2. Delphine Pinson, C’est d’apprendre qui est sacré, documentaire, 52 minutes, 2016.