La balade ... et l'animateur
Et pourtant, on constate désormais que l’espace public extérieur est un espace où l’on circule, mais où l’on ne vit plus, et que cet espace public est principalement dédié aux hommes, jeunes et en pleine possession de leurs moyens physiques. Également, les enfants ont eux aussi disparu de cet espace public. Une enquête, menée en Languedoc-Roussillon en 2008 et publiée par le Commissariat général au développement durable (CGDD), estimait que « 70% de tous les déplacements des enfants de 6 à 14 ans sont effectués en voiture ».
Le médecin britannique William Bird a suivi la famille Thomas , qui vit et marche depuis quatre générations dans la même ville de Sheffield, dans le nord de l'Angleterre1 , et a publié en 2007 une carte sur laquelle on peut voir le rayon des déplacements autorisés à l’âge de 8 ans se réduire au fil des quatre générations.
Ainsi, en 2007 donc, le jeune Ed Thomas avait le droit, à 8 ans, d’aller seul au bout de sa rue à moins de 300 m de sa maison ; sa mère Vicky avait, en 1979, le droit d'aller seule à la piscine à 800 m de chez elle ; son grand-père Jack pouvait, en 1950, aller au bois à plus d’1,5 km de chez lui ; son arrière-grand- père George en 1919 était autorisé à aller pêcher à près de 10 km de chez lui.
Alors même que les enfants sont de plus en plus et de plus en plus tôt équipés de smartphones par leurs parents, et donc géolocalisables, il semble que leur enfance doive se vivre en intérieur, ou à tout le moins dans des espaces privatifs.
Alors il y a urgence à éduquer à sortir , flâner, découvrir... « La nature n'est pas quelque chose que l'on regarde calé dans un fauteuil, sur un écran de télévision. Le plaisir de la nature est avant tout un plaisir total qui mêle investissement physique, investissement sensoriel et jouissance intellectuelle des émotions et des savoirs »2. La formule de Louis Espinassous est valable pour toute découverte relative de l'environnement. Et il faut aussi rappeler la nécessité d'une éducation à l'environnement urbain... c’est-à-dire là où vit 80 % de la population.
Approcher son environnement, et faire du milieu un « partenaire éducatif » que l'on va explorer. Tout en ayant un aspect ludique, la balade peut prendre des formes diversifiées et aborder ainsi de multiples thèmes comme l'urbanisme, le paysage... mais aussi mobiliser nos sensibilités artistiques, nos questionnements scientifiques, nos réflexions métaphysiques ... et nos sens.
En proposant la balade, l’animateur·trice a la préoccupation de faire découvrir, d’éveiller la curiosité et d’inciter à l’observation et au questionnement. Il fournit quelques clés de lecture, et formule les consignes pour le déroulement. Poser un cadre sécurisant lui demandera de penser les règles de sécurité en lien avec l'appropriation d’une autonomie dans la circulation. C’est aussi à cette aune qu’il mesurera le degré de préparation ou d’impromptu de cette balade.
Quelques pistes pour se projeter sur une balade
- Il peut être utile de repérer l'itinéraire du parcours en fonction de la spécificité des découvertes et des informations souhaitées (et des personnes). Mais il peut parfois être suffisant de bien avoir identifié « l'espace de jeu possible », le quartier, le village et sa campagne où nous allons circuler. Toujours, on devra avoir mesuré un itinéraire ou une zone de déplacements réaliste, en termes de temps, de fatigue, et de plaisir.
- Quelques outils peuvent être à préparer : carte IGN ou plan de ville, photographies ou appareil photo, de quoi noter, dessiner... on mesurera l’enjeu d’une technicité tout terrain ou la simplicité d'une relation. On peut organiser éventuellement les moyens de transports : il peut parfois être rassurant de partir en sachant où sont les points de rendez-vous, où d’avoir prévu un ticket de bus pour revenir.
- L’effectif du groupe de découverte ne doit pas être trop important, ou alors scinder en petits groupes selon les possibilités d'encadrement. Il ne s’agit pas de reconduire les schémas du "guide-expert" divulguant son savoir à une masse spectatrice, mais bien de permettre à des individu-es de se rencontrer à travers leur milieu.
- Avant de partir, les participants auront connaissance du but global de la promenade. Et l'on peut expliquer que certaines démarches demandent une explication des consignes « pas à pas». On peut définir l’itinéraire ou le construire ensemble.
- Il est utile au cours de la promenade de prévoir un passage par un point haut. Il permet une meilleure lecture du paysage et de se situer concrètement.
- La balade peut être l’occasion de pratiquer quelques activités jalonnant le parcours : par exemple, se repérer, s’orienter, dessiner formes et couleurs, relever des éléments caractéristiques, faire la jonction entre le passé et le présent... Elle peut aussi se suffire à elle-même lorsque les personnes y sont déjà habituées.
Au retour
A l'image du chocolat chaud après la sortie hivernale, soignons la qualité du retour. … souvent préambule à une prochaine sortie. Sachons accueillir les propos, questionnements, anecdotes qui sont autant de récoltes de nos escapades. Verbaliser nous aide à prendre conscience de nos émotions, alors prenons le temps de mettre en mot l’expérience vécue.
On peut rendre visibles nos balades, par une carte parlante réactualisée régulièrement, ou par une table de découverte aménagée pour recevoir les trésors récoltés. On pourra par la suite avoir envie d'enrichir cet espace de quelques outils-livres de détermination, matériel d’observation ... qui en feront un coin découverte du milieu. ■
Notes
[1] On peut lire entre autre l'article de Thibaut Schepman « Comment on a interdit aux enfants de marcher", publié le 1e, octobre 20l4 sur le site de Rue89
[2] "Pistes. Pour découvrir la nature avec le s enfants". Louis Espinassous p 20 Éditions plume de carotte.
https://www.plumedecarotte.com/pistes.html
A l'école de la nature, émission "Être et savoir" par Louise Tourret sur France Culture
https://www.franceculture.fr/emissions/etre-et-savoir/a-lecole-de-la-nature