Tirer son épingle du jeu

Trois ou quatre équipes s’opposent sur la base de comparaisons de cartes à jouer. Chaque joueur épingle sa carte sur sa poitrine ; dans le jeu le plus faible remet son épingle au plus fort mais garde sa carte
Média secondaire

Trois ou quatre équipes s’opposent par un jeu d’évitements, de poursuites et de confrontations à base de comparaisons de cartes à jouer. Chaque équipe possède, dans une couleur qui lui est propre, une série de cartes, identique à celle des autres. Dans son camp-refuge, chaque équipe répartit secrètement ses cartes. Tout joueur épingle la sienne, face visible, sur sa poitrine. Ces cartes ont des valeurs différentes établissant ainsi un rapport d’égalité ou de hiérarchie. En cas de confrontation entre deux adversaires, le plus faible des deux remet son épingle au plus fort mais garde sa carte ; il ne peut poursuivre le jeu qu'après être allé rechercher une épingle dans son camp. Chaque équipe dispose au départ du même nombre d’épingles ; son but est d’en obtenir le maximum.

Terrain: L’espace le plus favorable est une forêt clairsemée qui permet à la fois d’effectuer des approches, des dissimulations, des feintes et des poursuites sans danger. Une zone approximativement carrée, d’environ 200 mètres de côté, permet d’accueillir une trentaine de joueurs. Les limites du terrain doivent être bien précisées aux joueurs pour des raisons de sécurité.
Durée: Les équipes pouvant se prendre et se reprendre des épingles, la partie peut durer indéfiniment. Il est bon d’avoir convenu avec les joueurs de la durée maximum (30 minutes par exemple) et du signal marquant la fin de la partie. La limitation de la durée de jeu peut d’ailleurs influencer la tactique des joueurs. Mais une équipe peut être très vite démunie d’épingles et perdre ainsi tout intérêt pour le jeu. Il faut alors avoir prévu un signal d’arrêt, tirer les leçons de la phase vécue et lancer une deuxième partie.
Effectif: Trois équipes de 6 joueurs constituent un minimum, quatre équipes de 12 ou 13 sont un maximum. Lorsque les joueurs sont plus âgés, plus nombreux, ou ont envie de courir davantage, il est plus intéressant de faire quatre équipes plutôt que trois.
Matériel: Le plus pratique est d’utiliser un jeu de 52 cartes (Trèfle pour une équipe, Carreau pour une autre, Cœur pour la troisième et Pique s’il y a 4 équipes). La hiérarchie décroissante des valeurs est alors : « As », « Roi », « Dame », « Valet », « dix », « neuf », « huit », … « deux ». De plus, il est convenu que le « deux » a prise sur « l’As ». Pour un nombre de joueurs inférieur à 13, on retire des cartes, les mêmes pour toutes les équipes. On peut aussi utiliser des cartes fabriquées par le groupe. Il est possible de distribuer à chaque équipe plus de cartes qu’elle n’a de joueurs. La carte doit être placée sur la poitrine, face visible bien en évidence. Elle est solidement fixée, sa perte fortuite créant des contestations. Parmi les différents systèmes (pinces, colliers…), l’épingle de sûreté se révèle facile et efficace. Pour faciliter la reconnaissance des équipes, il est bon de prévoir des signes distinctifs : foulards, coiffures… On donne environ 50 % d’épingles en plus que de joueurs.
Structure: On est en présence d’une « structure de coalitions » : chaque camp représente en effet une équipe soudée, c’est-à-dire une coalition, totalement opposée à toutes les autres. Le pouvoir de prise dépendant de la valeur relative de sa carte par rapport à celle des autres, le joueur n’est pas toujours sûr du résultat de sa confrontation avec ses adversaires. Cette incertitude engendre une atmosphère particulière émaillée de surprises, d’alliances impromptues et de « trahisons » brutales.
Âge: Le jeu est possible dès l’âge de 8 ou 9 ans. Avec des adolescents, il peut prendre d’autres caractéristiques plus sportives, plus tactiques et malicieuses.
Actions dominantes: La mise en œuvre des conduites motrices (courses-poursuites, évitements, approches, bonds, etc.) en pleine nature et dans une ambiance chargée d’émotion oblige les joueurs à adapter constamment leurs comportements. Les concertations tactiques, les provocations et les prises de risques sollicitent une dimension relationnelle effervescente.


Le jeu commence

Les limites du terrain fixées, le lieu et le signal de rassemblement rappelés, l’attribution des cartes et des épingles effectuée, les équipes vont choisir et tracer « leur camp ». Le camp est un cercle de quelques mètres de diamètre qui sert de base de départ, de refuge invulnérable, de lieu de repos, de lieu de changement de cartes, de cachette pour les épingles de réserve. Les équipes ont le droit d’y laisser un joueur en permanence pour faciliter les diverses opérations qui leur sont nécessaires. Pour la distribution, l’accrochage des cartes et le choix des tactiques il faut laisser du temps. Dès que le signal de début retentit, les joueurs peuvent sortir de leur camp.

Déroulement du jeu

Pour être « en vie » et avoir le droit de jouer, il faut porter sa carte d’identité sur la poitrine, maintenue par une épingle de sûreté, sans la cacher. Après un simple toucher, poursuivant et poursuivi s’arrêtent et vérifient leur identité :

  • En cas d’égalité, ils disposent de cinq secondes pour s’enfuir sans que les autres joueurs aient le droit de les poursuivre (règle qui évite qu’un duel profite trop facilement à un troisième larron).
  • En cas de différence de valeur entre les identités des deux joueurs, le plus faible remet son épingle au plus fort (et seulement son épingle). Tous les deux retournent dans leur camp respectif sans avoir le droit de jouer, le premier pour y chercher une épingle et accrocher sa carte (ou une autre), le second pour ajouter une épingle à la réserve de l'équipe et changer éventuellement d'identité. Pour faciliter l'application de cette règle par le second joueur, le mieux est de lui imposer à lui aussi, après chaque victoire, d'enlever sa propre épingle et de rentrer à son camp, invulnérable, en tenant à la main sa carte et les deux épingles.

Notons bien qu’il est interdit de changer de carte ou de donner une épingle à un partenaire ailleurs que dans son camp. Il est possible que certaines réserves d’épingles s’épuisent et que des joueurs ne puissent en disposer pour accrocher une carte. Ils sont immobilisés dans leur camp mais peuvent rejouer dès qu’un partenaire leur cède une épingle (la sienne ou celle qu’il aurait conquise).

Le jeu s’achève

Deux cas sont possibles :

  • Le jeu se déroule jusqu’à l’issue du temps prévu (exemple : une demi-heure). Les joueurs se rassemblent, les équipes se regroupent et comptent leurs épingles, et en comparant leurs scores, établissent un classement.
  • Avant la fin de jeu prévue, une équipe constate qu’elle ne peut pratiquement plus jouer. La réserve d’épingles épuisée, il ne reste que trois joueurs « en vie », elle s’avoue alors vaincue et demande au meneur de jeu de siffler la fin. Les équipes se rassemblent et comptent leurs épingles.

Après analyse et commentaires, une nouvelle partie peut s’engager.


Caractéristiques du jeu

L’attribution des cartes et leur redistribution éventuelle est un élément très fort de la dynamique des relations dans les équipes. Le déroulement du jeu est marqué aussi par l’incertitude qui règne sur le statut éventuellement changeant de chaque adversaire. D’ailleurs, les joueurs commencent généralement par chercher « qui est qui ? » Puis, ils cherchent à s’informer entre partenaires de leurs découvertes.
Un cas exceptionnel est fourni par la mise en présence d’un trio de joueurs issus respectivement de trois équipes différentes : un « as », un « deux » et une carte intermédiaire quelconque entre « l’as » et le « deux ». La carte intermédiaire peut prendre le « deux » mais si elle épargne ce « deux », celle-ci peut prendre « l’as » qui menace la carte intermédiaire. Surgit ici un aspect paradoxal qui peut conduire un joueur à épargner (provisoirement) un adversaire. Ainsi, certaines alliances, implicites ou verbalisées, peuvent-elles être conclues aux risques et périls des différents protagonistes.

Autres manières de jouer
  • On peut agir sur le choix du terrain et l’éloignement des camps (une portion de terrain nue accroît l’aspect « course », un terrain très couvert l’aspect « jeu d’approche »).
  • On peut modifier le nombre d’équipes et même simplifier ou complexifier le mécanisme des hiérarchies et des interactions.
  • On peut changer les valeurs des cartes ; par exemple, ne maintenir que quatre niveaux : « l’As », les figures, le « deux », les autres cartes, etc.
  • On peut limiter le temps passé par chacun dans son camp ou le nombre de joueurs qui y sont simultanément.
  • Jouer avec la carte dans la poche est également possible.
 Remarques pédagogiques

L’animateur doit veiller à une certaine équidistance entre les camps afin qu’une équipe excentrée ne soit pas écartée des confrontations. Il doit laisser du temps à la phase de préparation tactique.


L’animateur doit insister sur les points clés des règles, notamment sur l’emplacement très visible de la carte, sans aller trop loin dans une réglementation tatillonne car les plaisirs de ce jeu sont particulièrement liés au respect personnel de la règle et à l’autorégulation, en dehors du recours à un arbitre.