LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Animer "la rivière du doute" en contexte interculturel

Trois questions à Morgane Péroche, chargée de mission Europe et à l'international aux Céméa. Elle revient sur la mise en place de l'outil : pourquoi le proposer ? Dans quel contexte est-il pertinent ? Comment l'animer avec un public venant de différents horizons ? etc.
Média secondaire

En quoi cette animation est-elle pertinente dans des contextes interculturels ?

Cela permet à chaque personne de s’exprimer, de transmettre un positionnement et un point de vue mais aussi d’écouter l’autre, de s’ouvrir à une autre réalité. Je me souviens par exemple d’une animation autour du blasphème et de la laïcité organisée avec des groupes italiens, espagnols, français et belges, suite à un retour de spectacle à Avignon.

On a pu alors se rendre compte que nos représentations divergeaient. Il n’y avait pas forcément lieu de débattre mais plutôt de comprendre le positionnement des personnes en entendant les récits historiques ou sociétaux de chacune de ces cultures. Cependant utiliser le débat mouvant, dans ce cadre nécessite de prêter attention à la traduction des termes et à leur signification. Par exemple la traduction du terme laïcité en anglais, qui peut être un “faux ami”.

À quel moment est-il particulièrement pertinent de l’utiliser ?

J’aime bien l’exploiter en début de formation, pour clarifier la thématique sur laquelle on va travailler. Par exemple, dans le cadre d’une formation sur l’accompagnement du spectateur et de la spectatrice, on peut apporter une définition "officielle”, comme celle de l’Observatoire de la diversité et des droits culturels, ce qui permet de poursuivre les échanges autour d’une définition commune, qu’elle soit validée ou non par l’ensemble des stagiaires, et de parler le même langage. Avec ce dispositif, les stagiaires sont vraiment actifs dans leur réflexion, et le groupe enrichit dès le départ les concepts par l’apport de chacun et chacune. Mais attention, ce n’est pas une méthode pour épuiser un sujet ou aller dans toutes les nuances d’une thématique.

C’est une méthode pour introduire un sujet et poursuivre la réflexion avec d’autres démarches d’animation. En revanche, je ne recommanderai pas cette démarche pour résoudre des conflits au sein d’un groupe ni pour nommer une situation individuelle. C’est important de ne pas renvoyer aux expériences personnelles ou au vécu des personnes face au groupe, cela pourrait les mettre mal à l’aise. De même, on évitera de recourir à la rivière du doute pour un temps de bilan où il est demandé de partager un ressenti individuel et personnel. Cela appartient à chaque personne et ne se prête pas au débat.

Vous l’utilisez aussi en formation Bafa ?

Oui, c’est un bon outil pour faire réfléchir les stagiaires à leur posture dans des situations réelles, concernant la relation aux parents ou à la règle par exemple. Pour cela, j’aime bien utiliser la variante dite des quatre coins. On donne une affirmation et on propose le choix entre quatre postures possibles. Les stagiaires doivent forcément se positionner sur un des quatre coins. On peut partir par exemple d’une affirmation comme « Les parents ont le dernier mot » et proposer quatre types de réponses comme : pas du tout d’accord, pas d’accord, d’accord, tout à fait d’accord. Chaque groupe peut ensuite argumenter, écouter les arguments des autres et ainsi clarifier sa posture pédagogique. Cette démarche peut aussi être utilisée dans les réunions pédagogiques de préparation de séjours pour interroger les équipes sur de potentielles situations auxquelles elles pourraient être confrontées telles que le non-respect du cadre, des propos racistes ou discriminants, un acte de violence, etc.