Priorité à l'éducation populaire

Les Ceméa, face à la grave situation de ces derniers jours à La Réunion, déplorent en tant que structure présente depuis plus de 55 ans dans le milieu associatif local, la lente mise à mort de l’éducation populaire, la marginalisation des rares structures encore présentes mais privées depuis longtemps des moyens d’agir véritablement.
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Média secondaire

Devant ce qui s’apparente de plus en plus à une paralysie totale du pays avec des conséquences extrêmement graves présentes et à venir pour notre économie et notre population. Devant un mouvement multiforme agrégeant tout et son contraire, niant la démocratie représentative tout en la regrettant, décrédibilisant les élus tout en les interpellant... Devant une population majoritairement en difficultés et les trop nombreux jeunes en échec scolaire, et en difficultés d’insertion... l’occasion est trop belle pour les agitateurs professionnels, d’œuvrer en coulisses, d’attiser les rancœurs, de désinformer, de discréditer une légitime expression citoyenne et de pousser au chaos. Face à cette grave situation, nous déplorons en tant que structure présente depuis plus de 55 ans dans le milieu associatif local, la lente mise à mort de l’éducation populaire, la marginalisation des rares structures encore présentes mais privées depuis longtemps des moyens d’agir véritablement.

Chacun trouvera son bouc émissaire et ses responsables, mais il est évident que l’on a transformé notre île en terrain de jeu spéculatif et individualiste, que l’on a abandonné notre jeunesse à la mondialisation et au tout consommation, que l’on a laissé dériver et se débrouiller ceux qui d’échecs en exaspérations, se sont peu à peu éloignés des codes. Pas de réel projet éducatif à l’échelle du département, pas de déclinaisons cohérentes sur les communes, faiblesse des politiques d’insertion, manque de constance, indifférence face aux nombreuses propositions de projets cohérents de territoire portés par le tissu associatif Il est devenu plus simple et plus économique de favoriser la courte vue, les opérations médiatiques, les acteurs opportunistes de tous poils, spécialistes des dispositifs, des réseaux et des dossiers, les prestataires amuseurs publics, autant d’acteurs nouveaux de l’animation, séduisants mais sans projet politique et déconnectés des réalités... L’offre éducative s’est réduite au scoop, à la consommation d’activités et à des produits de loisirs alors que l’éducation populaire qui s’appuie sur une histoire et sur des valeurs, qui a besoin de temps, de constance et de moyens, n’est plus qu’un champ de ruines.

Dans une Région où tous les responsables parlent de formation tout au long de la vie, trop de sessions de formation sont annulées chaque année à cause des difficultés, des complexités, voire d’absence de financements qui découragent nombre de candidats potentiels, incapables de se retrouver dans la jungle des politiques et des dispositifs... On a laissé mourir et disparaître les lieux et espaces de socialisation et d’apprentissage de la responsabilité les uns après les autres. Les aides aux départs en vacances et loisirs éducatifs sont devenues denrées rares. Les projets de classes de découvertes qui constituent la première expérience de mobilité, de mixité sociale et d’autonomie pour nos jeunes, sont devenus un vrai parcours de combattant pour les enseignants et les familles. L’accueil, l’accompagnement, l’activité, la mise en projets, la formation, l’information, l’exercice du débat, de l’esprit critique, de la citoyenneté, l’intergénérationnel, l’interculturel, le lien social, autant de leviers qui faisaient partie prenante de la vie, de la réalité, du quotidien de nos villes et de nos quartiers à travers une vie associative dense et reconnue, ont laissé place à une société marchandisée et spéculative du chacun pour soi, face à laquelle chacun mesure au jour le jour sa distance, et ses difficultés croissantes, face à laquelle chacun engrange frustrations et ressentiments.

Demain on ne rasera pas gratis, le gouvernement ne pourra miraculeusement mettre tout le monde en emploi ni mettre toute la Réunion sous perfusion, chacun n’aura pas non plus individuellement la réponse à sa demande, mais rien ne sera plus comme avant. Néanmoins des solutions nous appartiennent aussi et il nous faut profiter de cette forte expression populaire, fut-elle désordonnée, pour prendre sans démagogie, un autre chemin qui place l’humain au centre de nos préoccupations, qui accompagne mieux et plus fortement notre société, notamment notre jeunesse qui a besoin d’être accompagnée, encadrée, formée, intégrée et valorisée. Des solutions nous appartiennent, certaines à imaginer et d’autres à reprendre parmi les nombreux projets remarquables avortés, abandonnés, faute de soutien et qui avaient mobilisé par le passé nombre d’associations autour des Ceméa, dans le champ notamment de l’économie sociale et solidaire. D’autres nécessiteront plus de solidarité, plus d’efforts pour bon nombre d’entre nous au bénéfice des autres. Qui accepteront d’être les gilets jaunes de la solidarité ?

Cela supposera aussi un changement de logiciel, un autre projet à définir, la nécessité pour nos collectivités et leurs responsables, de mettre un terme au gaspillage permanent, au spectaculaire, aux égos surdimensionnés qui accouchent de tant de gouffres financiers, aux coups médiatiques, aux dispositifs onéreux à visée politicienne, aux joutes et jeux de rôles politiciens qui n’amusent plus personne, aux pseudos associations et satellites sous contrôle et perfusion, à la communication outrancière, aux journées dispendieuses, aux postures inacceptables, autant de travers aux retombées financières lourdes et insupportables pour le citoyen de plus en plus ponctionné. Nous en payons encore une fois un lourd tribut... mais il n’est peut-être pas trop tard.

Après le temps de la colère, celui de l’expression, de la formulation des revendications, place à présent à la sérénité qui permettra la structuration, la construction et la recherche des moyens nécessaires. La vie doit reprendre son cours normal et avec elle, l’économie qui doit fonctionner et les enfants qui doivent aller à l’école. Le long chantier qui commence et auquel chacun doit prendre sa place, ne peut se faire dans l’urgence.

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