Les doutes

Voyage introspectif en pays étranger
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Média secondaire

«Je n’ai pas dormi depuis vingt-quatre heures et c’est ridicule de rencontrer Lima dans cet état. Je suis exécrable comme un mec bourré, et pas présentable comme en lendemain de soirée. Je contemple tout avec aigreur. Je reluque l’océan pour déceler ses fins.

Cemea

Ce n’est pas clair. Je dévisage les rues droites qui tracent des blocs carrés dans des districts plats. Pourquoi suis-je allé vivre dans un pays duquel tant de gens ne rêvent que de fuir ? J’avais bien postulé pour une autre mission, dans un village en Colombie, il s’agissait de sauver des enfants, quelque chose comme ça. J’avais surtout retenu la plage caraïbéenne à côté. On est volontaire d’abord à soigner son égo et voir du pays. Je suis ravagé. Je vole leur temps, leur énergie, leur travail, leur air respirable. Je suis venu goûter un confort de vie impossible chez moi. Je profite d’être riche dans un pays que mon pays appauvrit pour que j’y sois riche.»

 

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Pre-postface d'Isabelle Palanchon

A travers le récit de son volontariat, Yoann nous emmène dans une réflexion intime sur le sens qu’il cherche à sa vie, à l’exigence de ses engagements.

Il nous partage ses doutes, ses souffrances, et sa quête de mieux être dans son départ au Pérou. Cette expérience s’avérera une supercherie comme il le dit lui-même, une rencontre impossible avec les habitants·es et avec le pays. Les descriptions sarcastiques du fonctionnement de son association, le côté cocasse de sa mission nous renvoie au sens de nos actions. On ne peut s’empêcher de faire un examen de conscience. Ne participons-nous pas à ce rêve fallacieux du volontariat international ? Combien de fois avons nous fait témoigner des jeunes, dont la vie a changé après une expérience intense toute au service d’une cause sociétale ou de populations démunies. ?

Il questionne la place des associations françaises et la posture de colon. On peut se rassurer en se disant qu’aux Ceméa on travaille sur la posture de l’allié, mais est-ce bien suffisant ? Yohann nous pose la question de la sincérité, de l’exigence et de la décence ; des critères à mettre dans l’évaluation de nos actions.

Entre lucidité exigeante et dépression, il s’enlise et nous emporte dans son incapacité à trouver sa place dans ce pays. Il avait espéré partir pour se trouver dans l’altérité, balayer une rupture douloureuse et redonner un coup de fouet à sa vie. Est-ce que le seul fait de partir produit tous ces changements ? La mobilité physique entraîne-t-elle forcément une mobilité psychique ? Chaque personne est certainement unique. Même si le déplacement physique crée une déstabilisation et peut matérialiser un nouveau départ, il n’est pas toujours suffisant pour changer d’état d’esprit. Mettre de la distance avec ses difficultés n’est pas forcément une façon de les résoudre, encore moins quand on se retrouve seul, isolé dans une mission de volontariat, qui ne sert à personne. Yoann en a fait la difficile expérience.

 « Il est fort en tristesse » et nous emmène très loin dans le désespoir et sa quête de sincérité. C’est très courageux, de s’avouer ses propres stéréotypes, de regarder ses gestes mesquins, ses comportements ou remarques, qu’on aimerait ne pas avoir. Mais c’est encore plus difficile de trouver comment faire avec tout ça. Il faut trouver un juste équilibre entre hyper activité hypocrite et une exigence paralysante. Il me semble que c’est tout le sens de l’accompagnement. Avoir quelqu’un qui aide à mettre à distance, à relativiser les difficultés, rechercher des situations plus satisfaisantes. C’est aussi le sens d’une action collective et de l’engagement sur le long terme. On ne résout pas l’injustice des rapports de domination seul·e dans l’instant. On ne peut s’empêcher de penser à la pédagogie des opprimés quand on lit les questionnements de Yoann.

Il ne suffit de repérer les mécanismes de l’oppression, il faut construire collectivement avec des leviers et des allié·es d’autres modalités de relations pour être « en humanité ».

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