"La mère noire" de Jean-Bernard Pouy et Marc Villard

Clotilde, collégienne brillante et surdouée a 12 ans. Lors d’une sortie scolaire au Musée d’Orsay, elle dénude sa poitrine naissante, genre Femen « à poil les hommes », devant « le déjeuner sur l’herbe » de Manet et l’ensemble de sa classe, en menaçant de bomber le tableau.
Média secondaire

Jean-Pierre, le père de Clotilde, peintre et revendeur raté, a du mal avec cette pré-ado, dont il est dingue, surtout depuis que Véro sa compagne, la mère, est partie sans laisser d’adresse, en Inde.

On est à la veille des vacances scolaires, en peine grève de la SNCF, ils sont réfugiés dans une petite gare sur une ligne désaffectée de Bretagne, où Jean-Pierre peint et Clotilde parle à ses poules. L’une d’entre elles, Balladur, est sa préférée. 

Les voilà rattrapés par l’actualité, syndicalistes et gilets jaunes ont affrété un train de grève qui s’arrête devant cette gare perdue pour unir les forces sociales en remontant vers Paris. Le train n’arrivera même pas à Rennes et sera violemment stoppé par CRS et gendarmes réunis…

Véro a envoyé une carte postale signée V. avec cette fois une adresse en Avignon…

Ainsi s’achève la première partie de ce polar à deux mains : celle de Jean-Bernard Pouy, auteur prolixe du roman noir social français, dans cette dernière histoire qu’il a composée avec Marc Villard, autre auteur prodige de la Série Noire.

La langue de Pouy traduit tour à tour les pensées de Jean-Pierre et celles de Clotilde permettant de cerner cette histoire bizarre d’attente, de vie entre parenthèse, d’incompréhensions entre un père et sa fille ; et Véro ? Est-elle partie en Inde, comme le raconte ce père à sa fille ?

C’est Marc Villard qui prend la suite et nous narre l’épopée de Véro…

Ça sent bon la Camargue et les plages des salins, une vie de misère et d’eau fraîche, avec des marginaux qui vivotent de métiers minables jusqu’à flirter avec la violence, et là, Véro sombre dans le mutisme et la dépression. On va suivre et vivre son parcours chaotique d’hôpital psy en centre de repos puis en hôpital de jour, jusqu’à cette carte postale d’Avignon.

Ça se lit d’une seule traite, comme on dévore un bon gâteau au chocolat, sans pouvoir s’arrêter tellement le plaisir des mots, des expressions, des situations et des images est là.

Une histoire d’amour(s), une histoire de couple séparé, une histoire inscrite dans la société d’aujourd’hui, une histoire de paumés, bref une histoire particulière, sociale et pas si noire en fin de compte, même pour Clotilde qui va pouvoir décider de son avenir !

"La mère noire"

de Jean-Bernard Pouy et Marc Villard Série Noire Gallimard 01/2021 - 144 pages
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