Se soigner en prenant soin d'un potager

Alexis Lecoeuche et Clémence Geloen sont infirmier·es en psychiatrie. Dans le cadre de leur fonction de soin pour les patients, ils animent une activité, prescrite par le médecin, dans le jardin de l’hôpital de jour.
Média secondaire

Rozenn Caris : Qu’est-ce que c’est que ce jardin dans lequel vous travaillez ?

Alexis Lecoeuche et Clémence Geloen : Nous travaillons dans un hôpital de jour de l’EPSM Lille-Métropole, à Wattignies. Cet hôpital de jour dispose d’un grand jardin dont une partie est aménagée en potager, constitué de 16 carrés potagers d’1,5m sur 1,5m, d’une rangée d’herbes aromatiques, d’arbres fruitiers et d’un compost.

RC : Qui anime cet espace vert à l’hôpital ?

AL et CG : Nous sommes deux infirmiers pour animer cette activité.

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RC : Qui a créé cet endroit végétal ?

AL et CG : L’espace potager a été créé il y a une quinzaine d’années par un éducateur technique et une infirmière, passionnés de jardinage et convaincus de ses vertus thérapeutiques.

RC : Qu’est-ce qui s’y fait ?

AL et CG : Nous nous concentrons essentiellement sur l’entretien du potager : on prépare la terre, on sème, on plante, on entretient, on apprend à reconnaitre les plantes, on partage nos connaissances, on récolte, on partage, on cuisine parfois, …

RC : Dans quel but animez-vous ce jardin au sein de l’hôpital de jour ? Qu’est-ce que ça provoque ?

AL et CG : D’abord, l’activité jardinage permet de renforcer le côté groupal des prises en charge : les patients et les soignants prennent soin ensemble de cet espace. On observe ce qui s’y passe, on montre son travail, on partage des expériences et des souvenirs, on s’y croise simplement, on s’y cache parfois, on chaparde, on s’y repose…

L’activité jardinage travaille le positionnement avec l’autre. Pour certains, elle permet de conserver un espace personnel sécurisant tout en restant en contact avec le groupe et en participant à un acte collectif. Pour d’autres, elle permet de retrouver une place, un sentiment d’utilité, une confiance dans leurs capacités.

Le jardinage est une médiation corporelle. Il permet de remettre son corps au travail et il confronte aussi à ses limites. On retrouve également cette dimension corporelle dans le travail sensoriel qui peut être réalisé au jardin et aide beaucoup les patients déficitaires ou inhibés en leur apportant stimulation et objet d’échange.

Cette activité permet également de structurer le temps de par la saisonnalité de l’environnement et du travail. Le rapport au réel, la concentration et la capacité à respecter des consignes sont évaluées et travaillées chez les patients dissociés.

Enfin, cette activité apporte à tous une détente.