Être un conseiller en économie sociale et familiale homme ça change quoi ?

De la formation à l’embauche puis au sein d’une équipe, Pablo analyse le regard des autres sur sa place de CESF homme.
Pablo est travailleur social à Lorient, il a vécu la situation encore rare d’être un homme dans une promo de conseille·res en économie sociale et familiale puis d’être recruté plus facilement pour raison de mixité recherchée. Impressions sur l’influence du critère de genre.
Média secondaire

En formation de CESF

J'étais le seul garçon dans une promo de de douze en première année, nous étions deux l'année suivante puis trois la dernière année de formation sur dix-huit personnes. Dans tous les cas nous étions en large infériorité numérique. Cela implique que l'on se tourne plus régulièrement vers vous que ce soit pour une blague, une taquinerie, en attente d'une réaction, un avis masculin, un partage d'expérience, de la part des collègues en formation comme des formateurs, sachant là aussi qu'elles sont une grande majorité de formatrices. Cela peut être lourd, fatiguant, redondant, excessif, déplacé mais aussi drôle et bien amené.

Le cliché selon lequel les hommes travailleurs sociaux sont en majorité des éducateurs spécialisés se vérifie largement sur le terrain

Le plus marquant a été en première année de BTS, durant laquelle j'étais le seul homme en formation en comptant aussi le personnel formateur. Je me suis retrouvé à être un des "chouchous" des responsables de formation parce que j'étais un garçon entre autres choses. Là j'ai pu trouver ça gênant à certains moments.

Le cliché selon lequel les hommes travailleurs sociaux sont en majorité des éducateurs spécialisés se vérifie largement sur le terrain. Concernant la filière ESF, nous sommes très peu nombreux dans le monde professionnel même si cela tend à évoluer ?

Au moment du recrutement

Sachant que les équipes dans le domaine du social sont composées d'une grande proportion de femmes, le fait d'être un homme, jeune dans le domaine du social ouvre beaucoup plus de portes pour accéder à l'emploi. En effet nombreu·ses chef·fes de services souhaitent intégrer à leurs équipes plus de mixité genrée en plus du diplôme obtenu. Parfois, un jeune homme travailleur social avec peu d'expérience passera prioritaire par rapport à une femme ayant travaillé un certain temps dans le même type de structure ou avec un public similaire. Évidemment cela ne garantit pas l'attribution d'un poste juste parce que vous êtes un homme mais vous avez plus de chance d'être pré-sélectionné à un entretien.

Au travail

Je suis personnellement convaincu que la mixité de genre dans un groupe, quelque soit le type d'activité, est un atout et représente une plus value. Par conséquent dans le travail social aussi ! Cela peut se traduire par une plus grande diversité de point de vue, une vision différente du travail effectué, une autre pratique professionnelle mais surtout une autre posture professionnelle notamment vis à vis du public.

De par mon expérience - je travaille actuellement en CHRS pour femmes et familles - je suis en contact majoritairement avec des femmes de tout âge très souvent victimes de violences sexuelles, psychologiques et physiques. En tant que "mec", certains sujets sont plus difficiles à aborder avec ce public ; parmi d'autres choses, parce que je représente le genre maltraitant pour elles ? J'entends par là tout ce qui tourne autour de la sexualité, la précarité menstruelle, les violences qu'elles ont pu subir... c'est pourquoi il faut parfois s'appuyer sur les collègues s'il y a un blocage avec une personne.

Au même titre qu'en formation, on peut être plus choyé par certaines collègues en étant un jeune homme car on représente une denrée rare.

En résumé : par moment ça peut être pesant au même titre qu'une femme dans un milieu d'hommes - de manière différente probablement - comme ça peut être un avantage, facilitateur pour trouver du travail ou se sentir valorisé au sein d'une équipe


Crédit photo : Mariette Hondermarck