LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

La question écologique dans le travail social

Tentative de cadrage à usage des professionnel·les. Les pratiques écologiques sont-elles un souci de “bobo” ? Est-ce un marqueur de classe ? Un signe politico-culturel distinctif ?
Lors des élections legislatives, européennes, municipales, il semble que les classes moyennes supérieures positionnées à gauche sur le plan politique soit surreprésentées parmi les votants pour les partis écologistes; à l’instar du manger bien, manger bio, est-ce un truc de bourgeois de centre ville ? Auquel cas, est-ce bien une question du travail social ? Oui, précisément pour ces raisons. Il y a, dans ces questionnements, du vrai, des caricatures et des stéréotypes.
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Les pratiques écologiques sont-elles un souci de “bobo1” ? Est-ce un marqueur de classe ? Un signe politico-culturel distinctif, comme le soulignait Bourdieu, qui vient identifier et distinguer le capital de ceux qui la revendiquent du reste de la population ?

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J’écoutais attentivement une discussion sur le sujet entre éducateurs il y a quelques temps. Le premier déplorait que les publics accompagnés n’aient que peu ce souci; tout comme la structure qui l’emploie. Le second trouvait cela normal, arguant qu'avant de penser à sauver la planète, l’être humain pense à se sauver lui-même. Il y a, dans ces affirmations, du vrai, des caricatures et des stéréotypes.

Fin du monde et fin du mois partagent-ils le même combat ?

Les personnes concernées que nous accompagnons sont prises dans des urgences sociales, économiques, sanitaires. Il paraît raisonnable de penser que l’on s’occupe d’abord de soi et que lorsque que l’on va mieux, bien, l’on peut enfin s’occuper de son environnement. C’est ce que la pyramide des besoins met en avant, développée par Maslow, psychologue américain du début du siècle. Manger et se loger avant de penser à des questions qui semblent subsidiaires au regard de la survie première, il faut préciser que la pyramide des besoins est régulièrement remise en cause pour son approche hiérarchisée des besoins, qui manquent d’imbrication systémique et de circularité. C’est le cas lorsque les personnes sont interrogées sur leurs pratiques alimentaires : les individus cuisinent bien plus facilement lorsqu'ils cuisinent avec, pour d’autres. Car la cuisine touche également à ces besoins décrits comme secondaires et pourtant primordiaux : appartenance sociale, estime de soi, reconnaissance des pairs.

La pensée n’est pas hiérarchisable et de ce point de vue il faudrait nuancer les propos que l’on attribuent aux personnes qui affirment que la question écologique n’est pas une priorité pour les plus précaires. Dans un contexte social-libéral où les personnes sont fortement contraintes dans leurs choix et où les signes d’appartenance à la classe moyenne supérieure sont symbolisés par la consommation de bien et de services, les individus maximisent de manière pragmatique certains points au détriment d’autres. Ce qui ne veut pas dire que cela ne les intéresse ou ne les concerne pas. C’est la posture morale qui déconvient, dans un sens comme dans l’autre.


Crédit Illustrations:  Bianca Van Dijk de Pixabay

Note

  1. À titre indicatif pour le lecteur, si l’utilisation de ce terme se veut provocatrice et caricaturale, elle répond plus formellement à ce que l’on peut appeler une fausse catégorie. Je renvoie sur ce point le lecteur à la lecture de cet ouvrage : Les bobos n’existent pas, sous la dir. de Jean-Yves Authier,  Anaïs Collet,  Colin Giraud,  Jean Rivière et  Sylvie Tissot, Lyon, Presse Universitaire de Lyon, 2020.