LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Le lycée où on peut décider

Chaque semaine, au lycée autogéré de Paris, les commissions se réunissent. Accueil, administration, budget, entretien, KFète… Les élèves accompagnés de leurs professeurs gèrent les tâches du quotidien.
Média secondaire

Principe de libre fréquentation : les élèves viennent aux différentes activités du Lap par choix, par envie, sans punition.

Au lycée  autogéré de Paris (Lap), l’entrée est libre. À 10h 50, le jardin ensoleillé en plein 15e arrondissement de Paris accueille quelques lycéens en train de discuter. Le Lap fonctionne avec une acquisition de savoirs scolaires classiques qui se font en ateliers, en cours, au travers de projets et thématiques.

Il permet aussi d’acquérir d’autres compétences avec la mise en place de commissions pour gérer le quotidien. Un projet politique qui le différencie des autres lycées. Un peu après 11 heures, les commissions débutent. « On commençait souvent en retard. Les cours débutaient à 9 heures ; on a décidé ensemble de les décaler à 9h 10 », explique Clémence, élève de seconde et membre de la commission « accueil ». La réunion générale de gestion, appelée communément RGG, prend place.

Elle regroupe tous les délégués des groupes de base (GB) et deux professeurs. Les groupes de bases sont de petits groupes d’élèves accompagnés de deux enseignants, dans lesquels ils discutent, font des propositions et votent les décisions. Chaque élève est libre de choisir la commission qui lui plaît. Ici, tout le monde a la parole et se tutoie. RGG, 11h 10. Les délégués font remonter les sujets de leur groupe respectif. Pour prendre la parole, Carmen, une autre lycéenne, désigne les élèves après qu’ils ont levé la main.

Parfois, certains parlent sans demander la parole, mais ils sont vite rappelés à l’ordre car au Lap, le respect des règles décidées collectivement est essentiel. Certains sujets évoqués sont perçus comme surprenants pour certains délégués, mais là encore, tout peut être abordé : « Canapé ? T’as dit ça ? », s’étonne un élève. « Bah oui, ce serait cool un canapé », répond son camarade. Puis est traitée la question des événements. « Il était écrit que le repas de l’événement anarchiste serait organisé par les élèves du Lap, mais on n’était pas au courant. Ça doit être proposé au lycée, pas imposé », s’indigne un des délégués.

Agacement. Par manque de RGG dû aux grèves contre les réformes des retraites dans lesquelles le lycée est mobilisé elles ont lieu tous les jeudis de 11 à 13 heures  l’événement n’a pas été communiqué à l’ensemble des élèves. « Le libre choix des activités est un principe de fonctionnement du lycée », rappelle Clémence. Les professeurs sont d’accord. Après plusieurs minutes de débat, la décision est prise. « Un événement au Lap est proposé au collectif avant d’en parler à l’association. On valide ? », conclut Sean Etter, professeur, en charge du compte-rendu. Vaisselle, journée d’activité, street art dans le lycée, la réunion se poursuit entre projets et nécessités matérielles à gérer.

À la KFète, l’ambiance est bien plus détendue. Le professeur qui s’occupe de la commission est accompagné de deux élèves pour préparer le repas du jour. Élève en seconde, Marlo, s’occupe du plat principal. À la carte, quiche carottes et quiche courgettes.

« Le jeudi, c’est végétarien », explique-t-elle. Le professeur, aux fourneaux lui aussi, est là pour accompagner les élèves dans d’autres savoirs que les savoirs scolaires classiques. « Si un élève ne sait pas cuisiner, il apprend à éplucher un oignon et progressera tout au long de l’année. » Des compétences qui permettent de valoriser tous les élèves et contribuent à la construction de l’estime de soi. Pour Clémence, c’est le labo photo qui lui a permis de découvrir et d’exercer sa passion. « Je peux utiliser le matériel de l’école, des appareils photos argentiques, et développer mes propres photos. C’est très enrichissant et valorisant. »

Maintenir le fonctionnement démocratique

À l’étage, dans un petit bureau rempli de classeurs, deux professeures s’occupent de la commission « administration ». Elles aident les élèves et enseignants pour toutes les démarches administratives. Des compétences que les enseignantes ont acquises sur le terrain et qui demandent un temps d’adaptation. Chaque professeur reste en moyenne quatre ans dans une commission puis en change. « On se met d’accord à la fin de l’année sur qui fait quoi », explique Perrine Gambart enseignante.

Au lycée autogéré, une personne égale une voix. Groupe de base, réunion générale de gestion, assemblée générale sont autant d’occasions de faire vivre la démocratie : discuter, proposer, décider.

« Le groupe de base est obligatoire, ce qui permet à tout le monde d’être impliqué, mais c’est parfois compliqué à gérer », admet Perrine. Maya Lavault, sa collègue, ajoute : « Toutes les décisions qui concernent la vie collective sont votées. Chaque personne peut convoquer une AG pour soulever une difficulté et demander un vote. Il est aussi possible de revenir sur une décision même si celle-ci a recueilli la majorité ». Cependant, certaines décisions reviennent uniquement aux professeurs quand cela touche aux fondamentaux du lycée, au projet d’établissement ou aux dimensions du métier enseignant. Si le fonctionnement du Lap permet de développer l’autonomie et l’émancipation des élèves, « il n’est pas possible d’interdire aux professeurs d’aller en cours », conclut Maya en riant.