LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Le lever individualisé : idée nouvelle et audacieuse ?

Il y a des propositions d’organisation qui aujourd’hui sonnent comme des évidences tant elles sont intégrées au vocabulaire ordinaire du centre de vacances. Il fut pourtant un temps où mettre en place un lever individualisé était une idée nouvelle et audacieuse.
Média secondaire

Longtemps, au centre de vacances, les colons se sont levés de bonne heure et surtout à heure fixe. C’est en s'appuyant sur une meilleure connaissance du sommeil, que dans les années cinquante, des éducateurs préconisent une prise en compte plus forte de la personne dans un monde à la solide culture collective : les enfants pourront désormais dormir autant que de besoin et se lever seuls. Parmi ces pionniers, l’apport de Jean Planchon est remarquable. En tant que directeur de centres de vacances, il met en place le lever individualisé et la sieste libre.

Il poussera ses recherches dans une thèse de doctorat qu’il vulgarisera dans les colonnes de cette revue et dans une brochure publiée aux éditions du Scarabée, en 1961, Le Repos et le sommeil des enfants à la colonie de vacances.

Le lever individualisé est une petite révolution dans le monde des colonies de vacances alors souvent calqué sur le modèle de l’internat scolaire. Il témoigne d’une approche renouvelée de l’enfant en collectivité : des rythmes différents peuvent s’épanouir au sein de la collectivité ; se reposer est une activité à part entière. En pratique et c’est certainement ce qui dérange le plus les praticiens alors ils impliquent de nombreux changements dans l’organisation concrète de la colo. Il faut en effet, repenser en conséquence l’organisation du petit déjeuner, des activités. Un parti pris radical qui oriente toute l’organisation de la vie collective.

Les progrès dans la connaissance du sommeil sont pour beaucoup dans cette innovation. Médecins, psychanalystes, chronobiologistes , neuroscientifiques nous ont appris son rôle et son importance dans la restauration physique, la croissance, la mémoire, les apprentissages, la vie psychique... Nous savons aussi que les besoins de sommeil sont propres à chacun, qu’ils évoluent avec l’âge et que le temps des vacances est une occasion rare de pouvoir dormir tout son content. Et puis aux découvertes scientifiques s’ajoutent des évolutions dans les moeurs et les mentalités : l’individu et l’hédonisme ont gagné du terrain ; dormir n’est plus un plaisir coupable.

 

Au temps des vacances, le sommeil doit pouvoir s’épanouir sans entrave. Si, aujourd’hui, le lever individualisé fait toujours référence au centre de vacances, on note qu’il se réduit parfois à un lever échelonné, dans une période de temps limitée.

L’évolution vers une frénésie d’activités coûteuses peut prendre l’ascendant sur le sommeil dans les choix d’organisation de la vie collective et l’emploi du temps. Sans doute faut-il se reposer la question du sens que l’on veut donner aux vacances, aux temps libérés. Entre vie active au plein air et repos, temps de découverte et de ressourcement, vacances apprenantes et vacances reposantes, où placer le curseur ? Dans un contexte de perte de temps de sommeil*, la prise en compte du repos dans l’organisation des vacances est toujours aussi essentielle.

* Étude École des hautes études en santé publique(Ehesp) sur le sommeil des collégiens et lycéens et son évolution en 8 ans (2010-2018) : « Un collégien sur quatre (26,7 %) et quatre lycéens sur dix (43,7 %) sont en « dette de sommeil » dormant plus de 120 minutes supplémentaires les matins sans classe que ceux avec classe le lendemain. »