LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Conseil d’enfants pendant la pause méridienne, une idée qui fait son chemin

La coéducation est au cœur de l’école et du périscolaire. Et les relations entre les équipes enseignante et d’animation ne sont jamais simples. Lorsque un nouveau projet se met en place, il faut chercher l’harmonie. Un conseil d’enfants voit le jour : de qui est-ce l’affaire ?
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L’équipe d’animation de l’accueil périscolaire de la pause méridienne d’une école de Clermont-Ferrand, partie d’un constat éloquent décide de mettre en place un conseil d’enfants pour chaque classe. Mais les choses ne vont pas de soi. Elle se heurte à une résistance de l’équipe enseignante et plus particulièrement de la directrice.  Mais cela n’empêche pas l’avancée du projet qui permet aux enfants d’être acteurs et actrices de ce temps de midi qui, il est bon de le rappeler, n’est pas qu’un temps où l’on se nourrit.
Média secondaire

Interview de Morgane Dutel

L’entretien se passe dans des locaux qui ne sont désormais qu’un beau souvenir dans l’esprit de tous·toutes les militant·e·s de l’association territoriale d’Auvergne, qui y ont vécu tant d’aventures.

Morgane est  animatrice pour la ville de Clermont-Ferrand, dont les activités périscolaires dépendent de la direction de l’enfance. Elle est en poste en tant qu’adjointe dans une école du secteur sud pour les enfants d’âge élémentaire. Originaire de Montluçon et titulaire d’un BTS d’animatrice nature, Morgane même si elle aurait préféré trouver du travail en tant qu’animatrice nature s’est évertuée à développer des activités autour de l’environnement dans les centres où elle a travaillé. En cours de formation BAFD et d’une VAE BPJEPS, elle semble décidée à s’installer dans le domaine de l’animation.

Quelques repères utiles

► Dans le restaurant de la pause méridienne où elle travaille le midi pas loin de 90 % des enfants de l’école déjeunent (la ville de Clermont permet aux familles les plus démunies de ne payer que 50 centimes par repas).

► Il y a 7 classes élémentaires dans l’école où elle travaille.

► Elle est présente de 11h à 18h30 (le midi de 11h45 à 13h35), l’accueil du matin n’étant pas assuré par des animateurs et animatrices. Elle bénéficie d’un temps l’après-midi où elle peut préparer la partie pédagogique de sa fonction.

Comment est né le projet et à partir de quels constats ?

Cemea

Le projet est né en milieu d’année il y a deux ans : il se passait en effet des trucs fous quand les enfants déboulaient dans la cour en sortant de classe.

Des enfants en pleurs, d’autres coupables de violence qui semblaient largués sans lien aucun entre les responsables de ce temps de repas et celle ou celui de ce qu’ils avaient vécu le matin. Nous ne savions rien de la classe, aussi avons-nous tenté d’en parler avec les personnes concernées mais nous avons eu une fin de non recevoir. Ce n’était pas possible que nous passions notre temps à gérer des chagrins et des conflits pendant ce temps où les enfants pouvaient s’égailler dans la cour.

Nous avons produit un petit écrit à l’intention de l’équipe enseignante qui lui présentait un projet qu’elle pouvait amender. L’équipe d’animation proposait que pendant le temps de midi (parce c’était un commun possible pour tous et toutes) il y ait des temps de rencontres avec les enfants pour aborder les problèmes éventuels et d’autres sujets.

C’était aussi peut-être parler de la classe, de ce fait les enseignant·e·s étaient concerné·e·s, ce qui ne leur semblait pas évident. Ce n’était aucunement dans leurs réflexes, elles ne sont pas venues au conseil et ont voulu régler les choses seules. Cela m’a mise en colère, je ne comprenais pas, j’étais agacée, je trouvais ces réactions (ce manque de communication, de prévention) scandaleuses. Mais pour tenter d’adoucir mon propos (si c’est possible) peut-être ont-ils·elles de leur côté tenté des choses sans nous le dire, quoique nous n’ayons eu aucun retour des enfants et des parents à ce sujet. Ce qui fait que petit à petit on a forcé le lien (en leur faisant de manière systématique un point des bobos, malades, conflits, bêtises ayant eu lieu sur la pause méridienne même avant la création des conseils) tout en leur laissant le choix, ce qui a occasionné quelques petites remarques acerbes (nous en avons de moins en moins).

Nous nous sommes organisés pour faire un retour à tous et toutes les enseignant·e·s. Il nous semblait important qu’ils·elles soient informé·e·s de ce qui se disait pendant les conseils. Systématiquement dans les premiers temps j’apportais le cahier des conseils aux enseignant·e·s, mais j’ai arrêté sans savoir pourquoi. Mais lorsqu’il se passe quelque chose d’important on transmet les informations, mais c’est malheureusement une relation à sens unique à l’époque. Nous avons desserré les freins et tenté avec opiniâtreté de dépasser les difficultés.

Comme les professeur·e·s ne venaient toujours pas on a dû dire aux enfants qu’ils ne pourraient pas discuter de ce qui se passe dans la classe, il ne fallait à aucun prix mettre le nez dans ce qui s’y déroulait.


À quoi est due la frilosité des autres acteur·rice·s ?

Il a tout d’abord fallu prouver qu’on était sérieux et compétents, l’idée même de coéducation n’était ni dans les tiroirs ni dans les envies. Il faut dire qu’on héritait d’une situation pas simple (la directrice précédente des activités périscolaires semblait un peu perdue) qui a conduit au fait que la directrice de l’école ne désirait pas travailler avec nous. Elle avait une vision très tranchée de l’organisation : ici c’est l’école et là-bas le périscolaire, et il n’y a pas à avoir de lien entre les deux !

Un exemple pour illustrer cet état de fait : elle a fait appel sur le temps scolaire à une intervenante pour aborder le problème des conflits et si on est parvenus à assister à ce temps de travail, la directrice n’était pas forcément d’accord (c’est le reste de l’équipe qui nous a permis d’observer). Autre exemple édifiant : lors de la mise en place chez les enfants de médiateurs scolaires, au moment de passer à l’action, elle se l’est appropriée et ne nous a pas laissés nous en mêler.

L’arrivée d’une nouvelle enseignante a tout de même permis de mettre des choses en commun même si sur certains points cela n’a rien changé. Mais peut-être que...on ne sait jamais. Les enseignant·e·s ne sont pas là le midi et se désintéressent pour la plupart de ce qui se passe dans ce temps périscolaire. Toutefois il arrive que la nouvelle directrice soit présente et prenne du temps pour discuter avec nous.

Avec l’équipe de service , on a pris un temps pour présenter et expliquer nos objectifs, et le sens qu’ils prennent au sein du projet éducatif de la ville et de notre projet pédagogique. Et nous avons mis en place avec elle une charte de fonctionnement (animation, équipe technique et ATSEM pour les maternelles). Cela n’a pas été simple (ils·elles disent qu’ils·elles n’ont pas le même regard que nous) mais on a été entendus.

Quelques mots sur le déroulement des conseils ?

Dans l’organisation en amont des conseils, nous avons mis en place une urne où les enfants déposent des billets disant leurs griefs ou les points à aborder. Les billets postés dans les boîtes au début n’étaient pas toujours signés. En effet au départ on s’est dit que les enfants pouvaient ne pas signer, mais on a changé cela ; en effet si on veut un lien de confiance et une atmosphère apaisée, si on veut traiter et régler au mieux les problèmes il est nécessaire que les enfants signent ce qu’il·elle·s ont écrit. Désormais la plupart du temps c’est fait mais la porte est ouverte vers une non signature pour quelqu’un qui ne voudrait absolument pas.

L’histoire des tickets ça marche pour les plus grand·e·s, les plus petit·e·s étant dans l’instant T, nous n’exigeons pas qu’il·elle·s paraphent le billet.
Certains papiers, et nous les acceptons tous, demandaient l’arrêt pur et simple des conseils mais on y tient (et on a eu du débat là-dessus), et on argumente dans ce sens. C’est un lieu collectif où chacun et chacune est responsable pour soi et les autres. Le club pour l’action Durant un conseil (nous avons proposé la mise en place de clubs : il faut trois enfants au minimum pour créer un club et en écrire les objectifs. L’an dernier nous avions un club d’espagnol et un club Harry Potter et cette année pour l’instant un club gym et un club tournoi de foot ont vu le jour. Ils ont lieu une fois par semaine et les enfants font profiter les autres de leurs compétences.) militait pour tout arrêter tellement ses membres avaient envie de bouger. Au début il semble me souvenir qu’il y a eu quelques pipi/cacas, mais ça a vite disparu. Quant à l’animation des conseils je suis toujours en binôme avec l’animateur·rice référent·e.

Au tout début l’équipe d’animation a tiré le signal d’alarme. Elle avait du mal à maîtriser les groupes, alors il m’a semblé important d’être présente pour les accompagner dans cet exercice pas facile. Il y avait le bazar, pas ou peu d’écoute. Il faut dire que l’organisation initiale présentait des conseils se déroulant sur deux jours avec tous les groupes classes simultanément. Nous l’avons modifiée, on a fermé une salle pour favoriser ma présence dans un groupe. Je n’avais pas envie de lâcher, pour moi le projet prime. Ma place dans les conseils c’est suivant les besoins de l’animateur·rice. Cette année j’anime beaucoup parce qu’il y a quatre nouvelles personnes.

Nous avons mis en place des temps de discussion en équipe pour faire le point. Il y a des sujets qui prennent du temps lors des conseils (il faut alors faire voter). L’organisation de l’occupation du terrain de foot a passionné les enfants et pris du temps. Naïvement, je croyais que tout le monde pouvait jouer ensemble. Nous avons tenu compte de ce qu’ils disaient et le fait qu’ils prennent la main et emmènent les adultes là où ils ne s’attendaient pas à aller a permis un vrai travail d’argumentation aboutissant à la mise en place de règles précises pour les grands et à un apprentissage pour les plus petits.

Une requête sur la propreté et la protection de l’intimité dans les toilettes a aussi abouti à la demande de pose de verrous par exemple avant l’arrivée des enfants. Je me suis inspirée, pour les rubriques des billets du travail, effectué par l’OCCE et l’ICEM, je me suis appuyée également sur le groupe école des Ceméa Auvergne qui m’ont conduite à utiliser des formules positives. S’il n’y a pas de papiers, le conseil se déroule quand même. On distribue ensuite les rôles, ensuite on relit les points du conseil précédent pour voir si les propositions et les engagements ont été tenus, on rappelle l’ordre du jour, nous fixons une dead line afin que nous puissions mettre en place un jeu coopératif.

Celui peut sauter en cas de prise de retard. Chacun et chacune a deux tickets de parole, certain·e·s ne parlent pas, aucun·e n’a jamais parlé. Il y a des codes : pouce en l’air pour dire son accord, bras croisés son désaccord. Aujourd’hui a débuté une période où les enfants commencent à animer eux·elles-mêmes des réunions de conseil. Cela s’est passé avec une classe de CM1 et cela a été une vraie réussite, l’animatrice a réussi à recentrer le débat, à relancer quand il le fallait et à le clore. Il n’y a pas souvent de débordements. Au tout début un enfant ne voulait pas venir, il ne supportait pas ce que disaient les autres de lui. On ne l’a pas forcé, on a respecté son refus.

Parfois mais rarement il manque du temps, mais dans les séances suivantes on s’est organisé pour commencer à l’heure. Les enfants respectent l’horaire et on en les remercie. On a un peu moins le sentiment de course. On a rencontré le cas d’un grand qui était sans cesse dans la provocation, on l’a d’abord sorti du cercle puis carrément de la salle.
Les enfants se sont saisi du conseil, les parents eux ne font pas plus de retour que cela. Le projet a été présenté au conseil d’école et validé. Les parents avaient demandé quelque chose autour de l’émotion. Et nous avons écrit un article dans le petit journal de l’école.

Avec les classes maternelles des petits temps de parole sont mis en place mais pas avec la même rigueur d’organisation, c’est plus ponctuel et informel et cela n’a pas les mêmes objectifs.

Quelles perspectives ?

Pour connaître la répercussion que ces conseils ont dans la classe, nous envisageons de rencontrer la directrice avant Noël, nous avons déjà la grille de bilan de la rentrée (réalisée à notre initiative) à lui remettre. On avait pas envie d’être attentistes, alors on a mis cela en place..J’ai préparé le terrain, je suis têtue. Et Il y a désormais du changement : des nouvelles têtes arrivent, il devrait y avoir une nouvelle dynamique. Il y a peu à peu un apprivoisement des fonctionnements respectifs qui s’opère.

Avec les enseignant·e·s, nous allons voir ce que donne notre rencontre de décembre avec la directrice et espérer qu’ils rejoignent peu à peu un·e par un·e les conseils. Je laisse pour cela traîner les plannings en salle des maîtres. Il y a juste une inquiétude c’est que l’équipe enseignante s’empare du projet et en prenne la direction.

Je me vois bien aller vers chaque enseignant·e pour leur présenter quelque chose et avancer à leur rythme. L’équipe d’animation a soulevé le fait que faire les conseils par classe est discutable et gêne certain·e·s enfants. Nous sommes en réflexion, en réflexion perpétuelle. On a envie d’être au maximum dans la continuité éducative.

On progresse dans ce domaine : mise en place de cahiers de liaison pour les enfants qui viennent à l’étude (oubli de matériel, problèmes de comportements, difficultés particulières), pour cela nous avons suivi une formation. J’aimerais pouvoir développer cet outil dans d’autres quartiers et écoles de la ville, je n’ai pas envie de m’endormir sur mes lauriers. Je pourrais le transposer dans d’autres secteurs, nous sommes à ce sujet prêts à accepter que d’autres viennent regarder. Petit à petit on essaye de nouvelles choses. On avait fait un gros travail avec le groupe école des Ceméa au collège d’Ambert sur la notion d’espaces (confection d’une carte des différents espaces de conflits dans l’établissement, et les émotions ressenties). On a appliqué cette démarche dans l’école. Quelle émotion dans quel lieu et quels besoins ? Ça va nous servir pour la suite. On a répertorié les espaces suivants : couloirs, wc, restaurant, coins, salle de jeux, salle de bricolage. On va travailler toute l’année autour de ce projet.

J’ai vraiment envie de faire plein de choses mais on avance à pas de fourmi : mise place de jouets non genrés (on tient absolument que ce soit en lien avec les enseignant·e·s), je ne sais pas si cette année nous aurons le temps de le mettre en place. Dans les nouveautés figure la mise en place d’un tableau pour que les enfants soient acteur·rice·s des tâches collectives (biodéchets), surveillance des portes des toilettes (sécurité)...
Pour terminer sur une bonne note, je dirais que la relation a évolué en trois ans.