Cafézoïde

Quai de la Loire à Paris, si on est un enfant (peu importe l’âge), il existe un lieu réel mais presque magique : un café culturel qui accueille un public de 0 à 16 ans ainsi que les familles. Il a ouvert ses portes en 1999 et aidé à la création d’autres lieux de ce type.
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En plein cœur du 19 ème arrondissement, non loin du bassin de la Villette, Cafézoïde offre une palette de possibles (se restaurer, boire un coup, peindre, jouer au baby, lire tranquillement…) aux personnes qui le fréquentent. C’est une adresse alternative qui s’adapte aux visiteurs et visiteuses de l’instant et où chaque jour les enfants bénéficient d’un espace collectif de parole à une heure fixe. Et si cette initiative essaimait un peu partout, en ville certes mais aussi à la campagne et s’étendait comme une épidémie d’utopie. « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant... » disait Verlaine.

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Des poussettes, des manteaux, des bonnets, des sacs à dos bombés de couches et de doudous, une trottinette, des sacs à main... encombrent l'entrée exiguë de ce café un peu particulier, le Cafézoïde. Une fois le vestiaire franchi, on se demande où sont passés tous les propriétaires de ces objets, tant la salle commune respire la tranquillité.
Il y a un bar, des tables, des chaises et si on pousse un peu plus loin, on découvre la cuisinière qui s'affaire au repas du midi. Une grande fille de 9 ans et une animatrice tiennent le bar. Ici il n'y a pas de barman attitré mais un planning où l'on s'inscrit pour assurer le service. Les enfants, adhérents du lieu, sont conviés à participer au fonctionnement.

En haut c'est pour les enfants

A la table cachée à côté du bar, comme pour donner un peu d'intimité, un groupe de collégiens joue à un jeu de société tout en parlant de leur matinée au collège. Aujourd'hui ils n'ont pas envie de monter. Pourtant, c'est bien là-haut que ça se passe. Alors qu'il est possible de boire un verre en bas en lisant le journal, en discutant, en chantant, en rigolant, en partageant un moment avec d'autres, il n'est pas possible pour l'adulte de se retrouver « là-haut » tout seul. C'est pour les enfants.

L'étage se décompose en plusieurs « coins » étonnamment agencés. Il a été pensé et aménagé par une maman architecte. Des enfants font une activité de mosaïque sur la « table art plastique » avec un animateur du lieu. Il y a un robinet à proximité et l'espace est carrelé. Les rangements sont nombreux et utilisent au mieux l'espace disponible. Le lieu est petit, les espaces doivent être organisés en conséquence et adaptés à une utilisation en autonomie par les enfants. A côté, une estrade avec des chevalets. Les tabliers sont à portés de main – d'enfants – et le matériel mis à disposition des artistes qui aimeraient se retrouver, un moment, pour créer. Aujourd'hui c'est Jules qui a décidé de faire une peinture pour sa maman. Elle veut protéger ses vêtements avec un tablier conçu par un groupe d’adolescents lors d'un atelier couture, elle profite d'un adulte qui n'est pas loin pour lui demander de l'aide.

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Des coins aménagés aux petits oignons

Tout prês, on trouve des ordinateurs avec une connexion internet dont un est relié aux enceintes du lieu, pour mettre de la musique.

Un autre bar surplombe le coin « spectacle – musique - réunion », l'espace le plus grand du lieu qui offre la possibilité de se retrouver à plusieurs. Ce bar est celui des ados, ils l'investissent comme ils veulent. Aujourd'hui c'est Ben et Laurent, un papa bien investi dans le café, qui font des mathématiques ensemble. Il faut dire que Laurent est ingénieur, les maths c'est son dada.

Face au bar, il y a un baby-foot. Léa et Djanis, 15 ans, sont en train de jouer. Hugo, 3 ans, qui passe alors devant se demande bien ce qui est aussi amusant dans ce jeu. Djanis lui propose de venir jouer avec lui et va chercher un marchepied rangé dans un coin. Les voilà partis pour une partie à trois. Léon les rejoindra quelques minutes plus tard pour aider Hugo qui a tout de même bien du mal à tourner les barres avec ses petits mains.

A l'entrée de « l'aquarium », qui est en fait un coin lecture,  il y a des déguisements ici ou là.

De « l'aquarium », on peut observer un espace pour les jeunes enfants, avec des jeux classés en fonction des âges et un parcours avec un toboggan tout biscornu, mais d'ici on entend rien, le lieu  est insonorisé. Tout à l'heure, Eliott profitera de cette intimité pour proposer un cours de youkoulélé pour les enfants de tout âge.

Au Cafézoïde il faut être en capacité de s'adapter aux lieux et aux différentes tranches d'âge.

Il y aussi un petit espace qui permet de faire des jeux d'eau à l’intérieur. Mathis y est aujourd'hui seul, il y va tout le temps. Il a pris soin d'enlever ses chaussures et chaussettes et joue à la pêche aux canards.

Et les parents alors ?

Eliott, animateur-musicien dans ce lieu, me parle de la confiance : « Lorsqu'un parent entre dans le lieu, on lui fait confiance d’emblée même si on ne l'a jamais vu ».

Il faut dire que l'on se sent vite chez soi au café, en tout cas dans un lieu de confiance, où on laisse ses affaires sans avoir peur de ce qu'il peut leur arriver. On est dans un cocon et il y a une  bienveillance ambiante qui nous permet de nous sentir bien et pas jugés. C'est une sacrée bulle d'air pour les parents qui peuvent aussi se reposer, lire un livre dans un coin, discuter pendant que les enfants sont pris en charge ou occupés à droite et à gauche.

Le café peut être aussi l’occasion de prendre du temps pour jouer avec ses enfants, avec d’autres, pour partager avec les animateur-trice-s du lieu sur son rôle de parent, ses difficultés…

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Le conseil a lieu tous les jours à 17 heures

Ce lieu fourmille d'idées dans tous les sens, elles sont toutes entendues et discutées, il y a un champ des possibles très vaste. C'est un lieu magique, un lieu de vie, un repère pour toutes les générations.

Pour les idées, les coups de cœur et les coups de gueule, il y a un moment institutionnalisé, tous les jours à 17h : c'est le conseil. Un moment où chacun et chacune est libre de venir donner des idées, débattre, parler du lieu.

Aujourd'hui c'est Eliott qui préside le conseil. Les animateurs du lieu ont pris soin de passer dans chacun des « coins » pour l'annoncer. On y retrouve les habitués et quelques nouveaux et nouvelles qui ne sont jamais venus.

La musique s'arrête et le conseil commence. Eliott prend des notes, il est là pour un soutien mais les anciens connaissent le fonctionnement et prennent le temps de l'expliquer. Il faut commencer par parler de son ressenti, si on se sent bien dans le lieu, avec les personnes qui nous entourent, si le fonctionnement nous va. Kaïna trouve que la musique est toujours la même, Mathilde aimerait que l'on rachète de la peinture bleu, Sam voudrait manger du riz demain midi et Karim en a marre de voir les grands au toboggan…

Il y a alors des débats, des désaccords, des compromis et des propositions pour aller dans le concret.

Qui vient au Cafézoïde ?

Le Cafézoïde a une volonté de rester autonome et le lieu est financé par la Région, la politique de la ville, la fondation de France, en fonction des projets. Malgré tout, le café est toujours à la recherche de finances et a décidé que chacun et chacune s'affranchissent d'une participation aux frais. Les enfants, parce que c'est aussi leur café, participent symboliquement à hauteur de 2.50 euros et ont un repas ou une collation avec leur entrée. Les adultes payent le même tarif, le repas est à 6 euros. Il y a un prix « famille nombreuse » lorsque l'on vient à partir de cinq (que l'on soit de la même famille ou non).

Les publics fréquentant le lieu sont assez diversifiés : de l'enfant du quartier qui vient seul à la famille « banlieusarde » qui a entendu parler de ce lieu atypique. Les endroits pour se retrouver en famille, et avec d’autres, sont de plus en plus nombreux sur Paris. Mais pour les cafés c’est autre chose. Même si on a vu apparaître la certification « ami des enfants », les cafés pour enfants sont une exception. Le Cafézoïde reste celui des enfants et non pas des parents en mal d’activités ludiques et Montessoriennes (même s’ils pointent le bout de leur nez de temps à autre).

L’équipe a pour priorité de toucher les enfants du quartier. Ils sont sans cesse à la recherche d’outils et d’actions pour augmenter la fréquentation du lieu et y faire évoluer ses pratiques.

Ils organisent, avec les associations et structures du quartier, tous les ans, au mois de mai, un festival de jeux, « la rue aux enfants ». Celui-ci est alors l'occasion d’aller trouver ceux et celles qui ne font pas la démarche de rentrer dans le café.

L'action collective est au centre du projet. Les enfants se construisent des relations, vivent des moments les uns avec les autres et apprennent à vivre ensemble. Le travail d’analyse institutionnelle de l’équipe interdisciplinaire permet de dynamiser le projet et surtout de le questionner. Il ne devra pas oublier de continuer à s’ouvrir au reste du monde pour encourager les enfants à participer à la vie de la cité.

 


Cet article est issu des Cahiers de l'Animation - Vacances Loisirs