A table ! Quoi manger et comment le manger

Haro sur les gros, sur les filiformes de tout sexe. Haro sur la malbouffe, autant que sur la haute cuisine élitaire ou élitiste. Magazines, médecine, agriculture spécialisées, commerce, conseil en diététique, se soigner par ce qu'on mange, manger, manger, manger !
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Image par Andrzej Rembowski de Pixabay


Manger en langage de pays nantis, c'est bizarrement se poser la question, ou ne pas se la poser d'ailleurs, de l'après, de la combustion, de l'utilisation, du stockage. C'est très rarement se poser la question avant, du besoin réel, de l'objectif. Notre environnement proche n'est plus que victuailles, monceaux de victuailles, et peut-être parce que nous ne sommes pas tellement dégagés de nos «Moyens Ages», exposition de gras, de cette graisse qui exprime toujours la puissance. De plus en plus, insidieusement ou au grand jour, la question de l'alimentation tient une part prépondérante dans nos préoccupations.

Paradoxalement, pas celle de la cuisine. Cette question se traite sur le versant culturel, ou sur le versant patrimonial. Mais traiter de l'alimentation sans traiter de la cuisine, c'est laisser tout un pan de la question en dehors de son appropriation par tout un chacun ! Donc, la question de l'alimentation, de la nutrition. S'agit-il de manger (versant culturel ?) ou de se nourrir ? De s'alimenter ou de se nutrir ? Aller de l'aliment au nutriment ? Vous allez manger ? Vous aller vous nourrir ? Toi, à midi, tu vas nutrimer où ? Dans une évolution aussi folle que mortelle, nous voici condamnés à manger de plus en plus. Consommer pour être caution solidaire au développement de l'industrie agro-alimentaire, créer de l'emploi au le maintenir, au risque de voir nos belles industries de délocaliser, pour faire produire notre alimentation d'obèses potentiels par des salariés malnutris, sinon affamés dans des régions plus accueillantes pour les « verts » capitaux ! Dans cette accélération brutale des temps, l'alimentation, mais surtout l'éducation à l'alimentation est passée de la responsabilité familiale, ou du cercle privé à celle du collectif.

Cemea

Un nombre conséquent d'enfants mangent dans des structures de restauration collective, qu'elles soient scolaires, pour une grande partie de l'année, ou dans le cadre du loisir pour une autre partie. De fait, la restauration collective porte aujourd'hui de lourdes responsabilités. Celle de bien nourrir, celle d'apprendre à se bien nourrir, celle de participer de façon prégnante à l'éducation du goût, celle de combler ou de réparer des carences alimentaires de plus en plus préoccupantes. Mais elle va porter également, que cela soit justifié ou non, une responsabilité dans la catastrophe sanitaire qui se présente comment empêcher que demain, 30% des enfants français ne soient pas obèses, comme les enfants américains, alors que tout l'environnement nous conduit à cela ?

Si majoritairement, les enfants sont nourris pour la moitié du temps par les structures collectives, il deviendra impossible de rejeter la faute de cette dérive alimentaire aux seules familles. Peut-être d'ailleurs qu'aujourd'hui même, une attention suffisante n'est pas portée sur la qualité énergétique des aliments, au regard des besoins énergétiques des enfants. Aujourd'hui, dans les structures de restauration collective, personne ne se préoccupe de savoir si la ration «moyenne» n'a pas été multipliée par deux en quelques années, si les teneurs en sucre ou en graisse de certains aliments n'ont pas été quadruplés dans le même temps.

Image par Steve Buissinne de Pixabay

Nous sommes loin des vaines querelles autour du il faut goûter de tout, il faut s'ouvrir à des curiosités culinaires (à quand les chenilles grillées dans nos assiettes, ou la cervelle de singe vivant), même si elles sont passionnantes.

L'enjeu est un enjeu de santé publique

Nous répétons depuis assez longtemps que les gestes élémentaires de la vie quotidienne fondent le socle de toute éducation, pour nous permettre de dire qu'il y a le feu en matière d'alimentation. Que nous croisons, dans les structures de loisirs et de vacances collectifs des enfants en majorité malnutris, qu'ils soient dénutris - près de 3,5 millions personnes vivent sous le seuil de pauvreté -, qu'ils soient surnutris, qu'ils soient malnutris dans leurs équilibres alimentaires.

De fait, l'alimentation doit être l'axe central de toute action d'éducation. L'animation en fait partie. Mais comme tout temps d'éducation, elle doit être traitée avec le recul nécessaire, en tenant compte de tous les enjeux ! 

A titre d'exemple, mais seulement d'exemple: bien évidemment que l'éducation au goût est indispensable, dans un aspect culturel incontournable. Mais également parce qu'elle est indissociable d'une éducation au bien manger, cette fois-ci sur le versant sanitaire.

Pourtant s'il fallait choisir, aujourd'hui, il serait nécessaire de se poser d'abord la question sous l'angle de l'éducation à quoi manger, et comment le manger.

Dis, Papa, c'est loin la fin? Tais-toi et mange! ■