LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Au jardin d'Yzeuville, toutes les générations cultivent

Au Mans, le jardin d’Yzeuville fête ses huit ans. Animé par deux animatrices, il permet la rencontre entre les habitants, mais aussi avec les élèves de l’école voisine. Autour de la nature, ils apprennent la culture, l’écologie et se questionnent sur l’environnement.
Média secondaire

Ce matin d’automne, au jardin partagé d’Yzeuville et malgré la pluie, les élèves de CM1 retrouvent les plantations dont ils se sont occupées l’année précédente. Protégés de leur capuche, ils reconnaissent ici les courgettes, les potirons et là les poireaux. « Qu’est-ce que c’est ça, au milieu des framboisiers ? », demande un des enfants, tandis que son camarade sent les feuilles et s’exclame « c’est de la menthe ! » Plus loin, ils identifient la citronnelle et en emportent une petite feuille avec eux. Eugénie Bobe, animatrice, a remarqué qu’« ils adorent les odeurs. Ils sentent tout. » Curieux et heureux de partager, ils s’approprient le jardin et en font leur terrain d’expérimentation. Dans les bacs qui leur sont réservés, ils sèment, plantent, désherbent, cueillent – plus ou moins prématurément. C’est aussi un très bon support d’apprentissage, « puisqu’ils voient concrètement comment se passe la culture, le temps que cela prend, et ce dont ont besoin les graines ou les plants », explique la maîtresse. Pour Paul, un des élèves, ce qu’il a le plus retenu, « c’est la différence entre semer et planter. » Une fois les légumes mûrs et à point, ils peuvent les ramener à la maison pour les cuisiner et les manger. « C’est meilleur qu’au supermarché », s’enthousiasme une élève. 

 

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Ce ne sont pas les seuls habitués du jardin d’Yzeuville. Chaque semaine, le samedi matin, les « jardiniers », nom donné aux habitants du quartier, se retrouvent pour l’entretenir. Arracher les mauvaises herbes, récolter, planter ou semer, aménager le jardin... autant d’activités à leur initiative, que Christine Gineste, l’autre animatrice, encadre depuis maintenant sept ans. Philippe Choisne, l’un des initiateurs de ce jardin, est « très surpris de comment la mayonnaise a bien pris ».

Lorsqu’il a contacté les Ceméa pour lancer le projet, il n’imaginait pas qu’aujourd’hui, il recevrait régulièrement du pain sec pour ses poules dans son jardin, sans en connaître toujours la provenance. Il faut dire que le compost du jardin partagé est un réel succès. Son nombre de bacs a triplé depuis l’ouverture, et on en compte désormais six. « J’habite juste au-dessus. Je les vois défiler avec leurs sacs pour jeter au compost. » Christine fait le même constat. « Il y a plusieurs personnes qui viennent juste pour donner leur compost. On est à côté, le samedi matin par exemple, mais ils s’en vont juste après. » Chacun s’approprie le lieu, à sa manière. Et pour ceux qui n’auraient pas pu venir un samedi, la newsletter hebdomadaire leur permet de se tenir au courant, avec humour. Philippe, Christine et Eugénie sont unanimes : ce courrier électronique permet de garder le lien entre le jardin et le quartier et de maintenir l’élan. Cela permet également de communiquer sur les moments festifs entre habitants, qui ont lieu deux fois par an. Spectacle, échanges, pressage de pommes, repas sont un moyen de créer et de garder le lien social entre voisins.

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À l’origine, le jardin d’Yzeuville était un foyer de personnes âgées. Autour du bâtiment, des graviers et un terrain de pétanque. Après sa destruction, Philippe, ses deux amis, et Christine, ont pu récupérer le terrain. Les bacs, l’aménagement de manière générale, tout est de la récupération. 

« Dès qu’il y avait un chantier, on récupérait les poutres. Ça, ce sont mes anciens volets, quand je les ai changés », explique Philippe. Pour faire avec les graviers, ils ont d’ailleurs choisi la culture hors sol. Non seulement cela permet d’avoir une meilleure qualité de terre, mais « c’est quand même bien pratique pour les jardiniers de ne pas avoir à trop se baisser », explique Christine, qui a pu trouver plusieurs carrés. 

Chaque année, les jardiniers et jardinières organisent un échange de graines. Une démarche sociale, mais aussi environnementale, qui permet de partager autour des différentes manières de cultiver. Certaines graines sont en effet des espèces protégées. Cette sensibilisation permanente engendre, au fur et à mesure, des changements écologiques. Pour économiser l’eau par exemple, les jardiniers ont fabriqué des oyas. En réutilisant des pots en terre cuite qu’ils ont assemblés, ils ont pu minimiser les coûts et s’inscrire dans une démarche écologique. Il a ensuite suffi de boucher le fond et de laisser le trou en haut pour arroser. Cette technique incite les racines des plantes à s'étendre en se dirigeant vers l’oya. Elles s’hydratent ainsi à leur guise. Autre avantage, « le sol est toujours humide. Parce qu’un sol sec, c’est très difficile à réhumidifier », explique Eugénie. 

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Bien sûr, tout n’est pas toujours facile. Il y a parfois des désaccords avec les jardiniers ou avec la municipalité. Pour Christine, la solution est toujours la même. « Il faut discuter ensemble. »

Le dialogue est au centre du jardin, même pour savoir comment ou quand arroser les plants de légumes. Une façon d’apprendre aussi à vivre ensemble. Et ça semble fonctionner, puisqu’un second jardin partagé va ouvrir au Mans. 


© Gaël Dreujou et Elia Munoz