L’affaire N’gustro
Il est des premiers romans qui éclosent, vivent puis disparaissent sans crier gare. Et, cinquante ans après leur première parution, une maison d’édition a la bonne idée de les publier à nouveau. « l’affaire N’Gustro » est de ceux-là et ne demande qu’à séduire et conquérir de nouveaux lecteurs, de nouvelles lectrices. Qu’on soit nostalgique des seventies ou avide d’aborder les rivages de l’histoire à travers les mots de la série noire, il y a toujours une bonne raison pour dévorer les pages d’un bouquin de Manchette.
Série Noire - GALLIMARD - Jean-Patrick MANCHETTE - juillet 2020 (1971) - 212 pages
J’avais découvert et rencontré MANCHETTE dans les années 80 ; j’attendais patiemment chaque parution mensuelle d’Hara Kiri pour suivre les aventures de Martin Terrier dans « la position du tireur couché ». C’est ce premier « polar » qui m’a fait entrer dans la Série Noire et surtout au sein du « roman noir social » français, cette école appellée « néo-polar », où j’ai dévoré les différents romans de Daeninckx, Pouy, Benacquista, Villard, Jonquet et Prudon.
Romans ancrés dans une certaine réalité sociale, dénonçant les affaires, la politique, l’argent et les rapports sociaux.
Mais c’est Manchette qui m’a tout de suite séduit par son style très réaliste et la distanciation profonde de ses personnages avec la succession des situations ; à l’opposé de Proust et même de Zola ! J’avais à la suite tout lu de lui… sauf l’Affaire N’gustro.
Et puis voilà qu’au début de l’été, la Série Noire ressort, (sans numéro et dans le format 14x20) ce premier roman de J-P Manchette, paru en 1971 et qui par ailleurs avait été refusé une première fois en 1969 ; roman politique puisqu’il « parodie » l’affaire Ben Barka et que son personnage principal Henri Butron (anti-héros) est un « malgré-lui » petit malfrat d’extrême droite, issu du SAC et surtout très intéressé par les filles, l’argent et les belles « bagnoles ». Paradoxe pour un auteur aux idées d’extrême gauche et très « situationniste », mais cohérent avec son style toujours décalé et implacable.
Évidemment, ce roman se lit d’une seule traite, comme on boit un (ou 2) mojito par une belle soirée d’été…
Mais après il vous restera toute la collection de Manchette dont plus d’une dizaine de romans parus dans la série Noire, romans dont plusieurs d’entre eux ont été adaptés au cinéma. Manchette est décédé en 1995 ; mais il a ouvert la voie à de nombreux écrivains, dont la descendance aujourd’hui a nom Manotti, Pelletier, DOA, Leroy et Férey.
Alors n’hésitez pas à vous (re)plonger dans l’histoire « glauque » de la fin de la guerre d’Algérie, des années 60 et de la politique «africaine » française et de ses services secrets.