LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

"Lóczy ou le maternage insolite" de Myriam David et Geneviève Appell

Publié le 24/11/2025 sur Yakamédia. Article original paru dans la revue VEN n°599, octobre-décembre 2025.
Myriam David, psychanalyste, pédiatre et psychiatre française, et Geneviève Appell, psychologue clinicienne, constatent la pratique insolite du maternage après un séjour d’étude à la pouponnière à Budapest en 1941. Première édition en 1973, réédition en 2008 aux éditions Érès.
Média secondaire

Lóczy ou le maternage insolite est un ouvrage fondateur paru en 1973 et réédité en 2008. Il a été écrit par la psychologue Geneviève Appell et la pédopsychiatre Myriam David. À la suite d’un séjour d’étude à la pouponnière de la rue Lóczy à Budapest en 1941, à partir d’observations du quotidien des enfants et de l’approche innovante et originale de l’institution Lóczy, elles constatent la nature insolite du maternage qui y est pratiqué et témoignent du fonctionnement de cette institution. Fondée par la pédiatre hongroise Emmi Pikler, celle-ci visait à assurer le développement physique et psychique des enfants placés en institution, malgré l’absence de leurs parents. L’ouvrage souligne qu’en dépit des critiques possibles, comme la privation partielle de la richesse de l’affection familiale, Lóczy offre aux enfants des atouts majeurs par rapport aux autres institutions de l’époque, où les carences affectives et les retards de développement étaient fréquents. Le maternage insolite évite ces carences en recréant un environnement stable, attentif et respectueux des besoins individuels de chaque enfant.

Le travail avec les parents doit, selon les cas, leur permettre de sentir qu'ils restent bien les parents de leur enfant et combler, dans toute la mesure du possible, la distance créée par la séparation ou les aider à prendre la décision d'un abandon.

Myriam David et Geneviève Appell

Un lien stable et sécurisant 

Quatre principes clés du maternage insolite sont présentés. L’activité autonome, au cours de laquelle l’enfant est encouragé à développer sa motricité libre, sans être contraint ou guidé par l’adulte. La relation affective privilégiée, dans laquelle chaque enfant est suivi par une même personne référente (une nurse), ce qui permet de créer un lien stable et sécurisant, malgré le contexte institutionnel. La prise de conscience de soi et de l’environnement : l’enfant est accompagné pour découvrir son corps, ses capacités et le monde qui l’entoure, dans un cadre rassurant et stimulant. Et une bonne hygiène de vie, c’est-à-dire une attention particulière à la santé et au bien-être physique des enfants, avec des soins individualisés et respectueux de leurs besoins. La régularité du déroulement des journées, scandées par un certain nombre d’événements prévisibles, comme le lever, la toilette, les repas ou certains rituels, permet à chacun de s’orienter dans le temps, de pouvoir anticiper ce qui va se passer pour lui et d’être sûr de pouvoir compter sur l’adulte présent pour lui assurer la satisfaction de ses besoins corporels et porter l’attention suffisante à ses intérêts, à ses plaisirs, à ses désirs. Selon Emmi Pikler, cette stabilité est source, bien sûr, d’une grande sécurité, elle assure la place de l’enfant dans le groupe, mais elle favorise aussi sa prise de conscience de l’environnement et lui permet de se si- tuer dans cet espace-temps. Le soin est aussi une véritable rencontre au cours de laquelle non seulement les professionnel·les sont ouvert·es à ce qui vient du bébé, à ce qu’il exprime, à ce qui lui fait plaisir ou provoque chez lui un désagrément ou une tension, mais aussi, cherchent et favorisent sa coopération. Aujourd’hui encore, les idées piklériennes sur les compétences du bébé, leur rôle dans son développement et la pédagogie de la prime enfance qui en découle continuent d’inspirer, en France et à l’étranger, de nombreux professionnel·les de la petite enfance, de l’accueil et du soin. Une approche qui rejoint les principes de l’Éducation nouvelle.

Citations

  • Page 74 : « La douceur des gestes doit être soulignée car, au-delà de la simple gentillesse; elle témoigne d'une reconnaissance permanente du fait que l'enfant est sensible à tout ce qui lui est fait et ne peut être manipulé au gré des commodités de l'adulte. »
  • Page 100 : « Il faut souligner que, malgré un temps médiocre et une température encore peu élevée, la presque totalité de nos observations a eu lieu à l'extérieur où les enfants passaient leurs journées entières. »
  • Page 156 : « Le travail avec les parents doit, selon les cas, leur permettre de sentir qu'ils restent bien les parents de leur enfant et combler, dans toute la mesure du possible, la distance créée par la séparation ou les aider à prendre la décision d'un abandon. »
  • Page 210 : « Cette dialectique conflictuelle centrée autour de la relation à l'adulte est épargnée aux enfants. Ils sont à l'abri des motivations affectives profondes de leurs nurses puisque celles-ci réagissent essentiellement en fonction de leurs besoins et de leur intérêt à eux et non de leur personnalité à elles. »

Biographie

Myriam David (1917-2004) est une psychanalyste, pédiatre et psychiatre française des hôpitaux de Paris (AP-HP)/ Résistante, elle est déportée en 1943 à Drancy puis à Auschwitz. Libérée, elle rejoint l'hôpital Becker-Enfants malades dans les années 1950 puis obtient avec Geneviève Appell une bourse de l'OMS afin de faire une étude sur les enfants séparés de leur mère. Elle n'a cessé de travailler à traiter et à faire reconnaître la souffrance psychique des enfants abandonnés et maltraités.

Geneviève Appell (1924-2025) est une psychologue clinicienne française spécialiste de la maternité et du développement infantile. Orpheline de mère à 15 ans, elle s'engage avec sa famille dans la Résistance. Elle est autrice d'ouvrages et de films documentaires portant sur les soins aux nourrissons et l'éducation des jeunes enfants.