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Le collectif, on s'y recolle ? Dossier

Publié le 23/02/2023 sur Yakamédia. Mis à jour le 04/12/2025. Article original paru dans la revue VEN n°588, janvier-mars 2023, en introduction du dossier "Le collectif, on s'y recolle ?". Le dossier intégral est disponible en téléchargement.
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Ensemble, c’est encore possible ? L’individualisme aurait-il eu la peau de notre goût des autres ? Rien n’est moins sûr, à considérer les nouvelles formes que prend le collectif. Analyses, reportages.
Média secondaire

Depuis les années soixante, les observateurs questionnent un rapport nouveau de l’individu à la société : si celui-ci affirme plus qu’avant la liberté de faire ses propres choix, la société de consommation excelle à faire de lui une proie malléable à souhait. La satisfaction immédiate des désirs devient le Graal. Mais quand le bien- être individuel devient le seul repère, qu’en est-il de notre désir de rencontre ? De notre capacité à inventer et construire ensemble ? Il faut remonter à la Révolution française et à la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen pour observer cet individu qui entend désormais s’affranchir de la mainmise de la société sur ses choix de vie. Comment le regretter ? Avec la destitution de Dieu, du roi et du père, la raison et le libre arbitre deviennent des repères. La transformation se poursuit avec les Trente glorieuses. À côté des combats sociaux et féministes, une société prodigue en biens de consommation entraîne des millions de Français·es dans une course au « bonheur ». C’est l’ère des supermarchés, des kilomètres de rayons de yaourts et de flacons de lessive, du tout jetable et des centres commerciaux où l’on se retrouve comme à la foire. En 2023, poussée par un capitalisme libéral triomphant, la tendance perdure et les lendemains qui chantent prennent trop souvent les chemins trompeurs du développement personnel et de la satisfaction du consommateur. Pourtant le collectif et la solidarité restent des recours possibles comme le montrent les centaines de milliers de manifestant·es qui arpentent le pavé contre la nouvelle réforme des retraites au moment où s’écrivent ces lignes. De toutes générations, elles et ils sont à la fois inquiets pour leurs vieux jours mais défendent également un système de retraite par répartition à l’exact opposé d’un système par capitalisation reposant sur la seule épargne individuelle.

Choisir ses causes

Autre marqueur social éclairant, les formes de vacances collectives, comme les colos, fer de lance des mouvements d’éducation populaire n’ont cessé de perdre en fréquentation. Ses acteurs et actrices ont pourtant fait évoluer leurs pratiques en prenant en compte les besoins individuels des enfants et des jeunes notamment en matière de sommeil ou d’activité. Tout en leur faisant intégrer et vivre les règles nécessaires au vivre ensemble. Car, même en 2023, l’individu reste relié aux autres. 

Pour le sociologue François de Singly, « l’individualisme relève plutôt d’un processus d’“individuation” où l’homme pose des choix autonomes quant à sa vie, ses appartenances et ses combats. Les individus sont encore en lien et prêts à se mobiliser. Mais ils revendiquent à tout instant de choisir leurs causes et de pouvoir rompre avec elles. » Quelles formes prennent alors ces moments collectifs ? « Nous sommes passés à l’ère des appartenances générationnelles. Les interactions existent entre les individus, mais elles se font au sein d’une même tranche d’âge. »

Un cloisonnement auquel contribue le succès des réseaux sociaux et de leurs algorithmes qui enferment les personnes dans l’entre-soi (voir aussi page 12). Pourtant, les expériences relatées dans ce dossier racontent d’autres histoires. Celles de combats portés par des acteurs sociaux et éducatifs pour qui l’émancipation passe par la possibilité de vivre des moments collectifs. Où l’on découvre que dans la complémentarité et la confrontation à l’autre, on peut s’enrichir soi-même, faire avancer le groupe comme le rappelle le proverbe « tout seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin. » Et c’est du concret. À Tours, c’est une équipe éducative qui monte un projet autour d’un potager où élèves, personnels techniques, enseignants et habitants du quartier se découvrent autrement (voir page 40). À Grenoble, l’association les Big Bang Ballers sensibilise des clubs sportifs à une pratique inclusive du sport où le plaisir de jouer ensemble supplante la course à l’excellence (voir page 36). Dans le 19 e arrondissement, c’est un « bar des enfants » qui accueille toutes les générations autour d’ateliers bois, d’écriture, cuisine (voir page 31)… C’est cette même nécessité de se frotter aux autres qui conduit une formatrice en animation professionnelle à faire vivre à ses stagiaires dès les premiers jours des temps intenses d’activités et des temps informels pour leur apprendre à créer du commun. Dans chacune de ces initiatives, on retrouve la démarche sociale « d’aller vers » des publics exclus et d’imaginer pour cela des projets innovants. « Il faut sans cesse inventer, explique Sylvain Jouanneau, des Big Bang Ballers. Les nouvelles règles que nous inventons pour un rugby ou un basket inclusif servent à cela. Ce qui suppose de créer les opportunités, comme de mettre en lien des structures médico-sociales, des fédérations sportives et des éducateurs qui habituellement ne se parlent pas. » Et cette démarche collective ne peut fonctionner que si « les personnes qui portent les projets trouvent du sens dans l’action et dans le rôle qu’elles y jouent », prévient Anaïs Préaux, directrice de la MJC Rouen Rives Gauche (lire page 46). Faire exister un « nous » qui sache respecter les « je », un lien qui unit sans serrer, telle serait peut-être l’ambition de ces projets éducatifs à l’ère du xxie siècle. Ce qui ne saurait aller sans tâtonnements, hésitations et doutes. Comme l’écrit Muriel Sacchialli, psychologue clinicienne dans le numéro 155 de la revue VST de décembre 2022 : « Si l’être est d’emblée dépendant d’autrui pour son édification physique et psychique, s’il doit ensuite s’émanciper de cette nécessaire dépendance pour parvenir à exister en tant que différencié, il n’en demeure pas moins, à jamais, engagé dans le lien à l’autre, comme Homme. Aucun Homme n’est jamais une île, tout au plus une presqu’île, étayé sur l’autre pour devenir un être singulier parmi d’autres tout aussi singuliers. »

Retrouvez dans ce dossier :

Eclairage - Le collectif à l'heure du "chacun son choix", par Philippe Miquel

Reportage - Quand le rugby inclusif transforme l'essai, par Laurence Bernabeu

Reportage - Au collège de l'Arche du Lude, on joue collectif, par Kérim Belhadj et Olivier Brocart

Interview - François de Singly "Aucun individu ne peut tenir tout seul", par Laurence Bernabeu

3 questions à ... Anaïs Préaux Une gestion d'équipe horizontale implique tous les salarié·es, par Marianne de Préville

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