Comment changer les habitudes alimentaires pendant les temps de repas des enfants ?

Gilles Daveau, sociologue et cuisinier, apporte des conseils qui, selon lui, fonctionnent pour aider à modifier son alimentation en restauration collective.
Média secondaire

Entretien avec Gilles Daveau, cuisinier et formateur

Dans les cantines, les restaurants d’entreprise, vous avez formé des milliers de personnes à la transition alimentaire.  Pourquoi ?

Les personnels qui préparent les repas ont un rôle essentiel en tant qu’éducateurs et éducatrices à une nouvelle façon de s’alimenter, et les animateurs doivent les accompagner en ce sens. Si on veut que les choses changent, il faut pouvoir prendre conscience des missions à la fois nourricières, environnementales, sociales auxquelles répondent les restaurants sociaux et les cantines quand ils nourrissent les gens. L'approche doit donc être collective et pratique. Cuisiner ensemble favorise cette dynamique systémique.

Comment procédez-vous ?

J’aime bien placer les gens devant une table recouverte de légumineuses par exemple.  On observe les produits, on s’interroge sur leur origine, et les contes qu’ils évoquent. Pois chiches, lentilles, fèves… fertilisent les sols et, associés à des céréales, apportent les protéines dont nous avons besoin. Puis on se met derrière les fourneaux par petits groupes et on cuisine différents plats très simples, accessibles économiquement et savoureux. Mais bien sûr, c’est juste un début.  La « transition alimentaire », c’est aller d’un point A à un point B. C’est stimuler chacun et chacune à être en mouvement, à évoluer dans ses habitudes.

 

Les éducateurs.trices doivent donc se demander comment on amène les gens à vivre une expérience nouvelle, et positive, pour les décaler progressivement de leurs croyances, de leurs représentations.

Gilles Daveau,

Pourquoi est-il si difficile de changer nos habitudes alimentaires ?

Les omnivores que nous sommes ne vont vers des aliments inconnus que si quelqu’un les y conduit. Cela s’appelle la « néophobie alimentaire ». Après le sevrage, un veau ira naturellement brouter de l’herbe, et un renard se jettera sur la première souris de passage, mais les êtres humains n'iront vers un aliment inconnu, et donc potentiellement toxique, que s'ils sont accompagnés par un référent, dans une médiation éducative. C’est pour cela que quand on présente un aliment nouveau à un enfant de plus de 18 mois, le premier réflexe est de dire « non ».

Quels conseils donneriez-vous alors à des animateurs qui veulent éduquer les enfants à une nouvelle manière de s’alimenter ?

D’éviter tout ce qui ressemble de près ou de loin à des injonctions, les « ne mange pas de viande », « mange du bio parce que bio parce que ça protège les sols, des graines parce que c'est bon pour le climat.». Cette approche ne peut pas fonctionner :  quand on touche à nos références culturelles et à nos papilles, on ne peut réagir qu’en se défendant de ce qui nous est imposé. Les éducateurs.trices doivent donc se demander comment on amène les gens à vivre une expérience nouvelle, et positive, pour les décaler progressivement de leurs croyances, de leurs représentations. L’important est de montrer ce qu’on y gagne plutôt que ce qu’on y perd.