Le joueur et le hasard

Il suffit d’un jet de dé et tout est possible ! Le hasard fait bien ou mal les choses. Dans ce type de jeu, lui seul décide. Ce n’est qu’un parcours à rebondissements et pourtant les joueurs et joueuses sont passionné·e·s même si leur participation se réduit au lancer d’un dé
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Mallarmé dans son vers célèbre l’a dit : « un coup de dés jamais n’abolira le hasard », mais le jet d’un dé dans certains jeux peut favoriser l’ascension ou précipiter la chute. Le principe existe depuis la nuit des temps  (Louis XIV et François Mitterrand s’y sont adonnés avec délectation). Il est fondamental de réaffirmer que des jeux comme « échelles et serpents », « le jeu de l’oie » ou « les petits chevaux » sont des jeux pour tous les âges. Les joueurs sont capables d’en percevoir la transposition dans la réalité de leur vie, au gré des aléas de leur existence. Cette catégorie de jeux de société où on ne décide de rien participe pourtant à l’éveil de la personnalité et continue à être prisée. Elle a une importance dans les relations sociales où le ludique joue un rôle capital.


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De nombreux jeux de pions et de tablier, tel le Jeu de l'Oie, offrent de merveilleux plateaux colorés richement décorés. Ils suggèrent des univers traversés de péripéties potentielles au cours desquelles les comportements des acteurs, leurs déplacements, leurs détours et leurs retours sont fictivement actualisés par des jets de dés. Derrière les aventures variées de surface, s'imposent des structures en profondeur qui représentent l'architecture déterminante du jeu. Et ce sont ces dispositifs sous-jacents, masqués par un brillant enrobage matériel et symbolique, qu'il est important d'identifier si l'on veut saisir les mécanismes profonds du fonctionnement ludique et de ses éventuels effets éducatifs.

Cette identification de la logique interne du jeu facilite la comparaison des différentes pratiques et orientera le choix des activités ludiques que l'éducateur proposera à tel public ou à tel autre. Cette logique interne, issue des règles, est parfois relativement complexe. Cependant, dans le texte suivant, nous proposons cette démarche d'exploration en nous appuyant notamment sur les jeux les plus élémentaires du répertoire ludo-cognitif : Échelles et Serpents, et Jeu de l'Oie. Notons que ces jeux de parcours, bien qu'élémentaires, déclenchent un plaisir manifeste qui ne s'est pas démenti au cours de ces derniers siècles.

Échelles et Serpents

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Il s'agit d'un jeu qui permet à un enfant de sept ans de battre sans sourciller un titulaire du Prix Nobel ! Le petit écolier peut gagner contre Einstein ! Voilà qui est stupéfiant. Le pratiquant se passionne alors que sa participation se réduit à lancer un dé. Le joueur est passif : c'est le score du dé qui décide à sa place. Dans ce jeu de parcours, le hasard est le roi suprême.

Selon le score, de «1» à «6», affiché sur le dé, la figurine représentant le joueur se déplace d'autant de pas sur les cases du plateau, numérotées de «1» à «100». Si son pion s'arrête au pied d'une échelle, le joueur se hisse immédiatement au sommet de celle-ci dans un raccourci de réussite spectaculaire mais si sa figurine s'immobilise sur la tête d'un serpent, il doit alors misérablement rétrograder à la case où se trouve la queue du reptile.

Si le dé affiche « 6 », le pratiquant a le droit de rejouer ; et pour gagner, il faut que le dé arrive exactement à la case « 100 », sinon, le pion recule de l'excédent.

La logique interne du jeu, c'est-à-dire le support sous-jacent des opérations ludiques, correspond au degré zéro de la décision du joueur. La disposition du tablier en « tableau à double entrée », est trompeuse. Le déplacement se développe apparemment selon plusieurs directions ; en réalité, il s'agit d'un trajet unilinéaire, totalement aléatoire, sans aucun choix, sur un référent immuable de cent cases ordonnées.

 

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Sur ce plateau dont les cases se succèdent de 1 à 100, chaque pion peut bénéficier de raccourcis grâce aux échelles ou être condamné à rétrograder à cause des serpents. Le vainqueur est celui que les jets du dé conduisent le premier, exactement à la case 100. Les déplacements des joueurs d'Échelles et Serpents: Le cheminement de chacun des joueurs est strictement unilinéaire, avec possibilité de bonds en avant ou de retours en arrière (voir schéma)


 

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Ce jeu, originaire d’Inde, faisait partie de l'instruction religieuse : les échelles symbolisaient les vertus à encourager telles que l'honnêteté et la générosité et les serpents représentaient les vices à condamner tels que la désobéissance, la vanité… Le chemin menant au Ciel est accéléré par les actes méritoires (les échelles) et retardé par les conduites de méchanceté (les serpents). Aujourd'hui, ce jeu a abandonné son symbolisme moral et religieux, et se présente comme une simple course d'obstacles à rebondissements aléatoires.

Dans cette compétition de « chacun pour soi », il est étonnant de constater que le pratiquant ne traite aucune information ludique et confie totalement son sort au pur hasard d'un lancer de dé. Bien que dépossédé de toute décision, livré au strict aléa, le joueur n'en est pas moins passionné. La tentation est grande pour lui, de considérer inconsciemment que la chance de la réussite est due à son mérite. L'investissement émotionnel du pratiquant dans la mystique de son destin, dans un miracle attendu, dans la ferveur accordée à la magie de l'aléa est flagrant. À l'image du héros racinien, le joueur se livre en aveugle au destin qui l'entraîne. Jouer à Échelles et Serpents, c'est s'adonner à une sorte d'apprentissage de la vie, à la soudaineté des imprévus de l'existence, aux risques de l'échec et aux joies du succès.

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Arrivé tout près du sommet, alors qu'il se voyait gagnant, ce joueur présomptueux est renvoyé loin en arrière par la cruelle tête d'un serpent ; ou au contraire, faisant fi des obstacles, un jet favorable du dé lui ouvre miraculeusement la porte du Ciel..

Par souci de réalisme, recueillir les réactions à chaud des enfants sur le terrain nous a semblé une démarche indispensable. Aussi, après qu’ils aient joué plusieurs fois à Échelles et Serpents, avons nous retranscrit, ci-contre, les réponses orales de vingt-cinq enfants de sept à neuf ans

Qu'en pensent-iels?

As-tu apprécié les Échelles ? Pourquoi ?

- Oui, c'est comme si tu montais à l'échelle, tu peux monter très haut.
- Oui, parce que ça nous fait accélérer de beaucoup de cases.
- Oui, ça nous fait aller plus haut. Il y en a des grandes qui nous font arriver plus vite pour gagner.

As-tu apprécié les Serpents ? Pourquoi ?

- Oui, c'est marrant de redescendre quand on est à la tête.
- Oui, parce que tu te dis tout le temps : « Ah, non ! J'y arriverai jamais… C'est marrant. »
- Pas trop, les Serpents ça te fait descendre et après tu es le dernier. J'ai pas envie de perdre.
- Non !... Euh…Si ! C'est rigolo, mais…

À ton avis, pourquoi les a-ton mis dans le jeu ?

- Pour que ça soit plus facile et plus compliqué à la fois.
- Pour que ça soit plus rigolo.
- S'il n'y avait que les Échelles, ça irait trop vite. C'est pour que ce soit plus difficile.

À ton avis, comment serait le jeu s'il n'y avait ni les Échelles ni les Serpents ?

- Ce serait ennuyeux, on ne s'amuserait pas.
- Ce ne serait pas très bien, parce qu'il n'y aurait pas de pièges.
- Juste tu avancerais des cases. Il n'y aurait pas trop d'intérêt. Ce serait juste arriver le premier.

Il t'est sûrement déjà arrivé d'avoir à recommencer quelque chose à cause d'un obstacle ?

- Quand mon papa me demande d'apporter quelque chose et que je me trompe, je suis obligé de rapporter ce que j'ai apporté.
- Quand j'ai marqué un but, mais que j'étais hors-jeu.
- Au Jeu de l'Oie, quand je suis presqu'au bout et que je tombe sur la tête de mort.

Il t'est sûrement déjà arrivé d'avoir quelqu'un qui t'a aidé à réussir plus vite ?

- Quand je n'arrive pas à accrocher quelque chose parce que je suis trop petite, mes parents m'aident.
- À la pêche au canard, je n'arrivais pas à pêcher et la dame m'a accroché le cadeau au crochet.
- Mon frère m'aide, pour quand je bloque sur mes devoirs.

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Devant une liste de termes et d'expressions qui leur a été soumise, les enfants ont été invités à choisir les mots les plus représentatifs du jeu Échelles et Serpents. La taille des mots est proportionnelle au nombre de fois où ces mots ont été retenus. Certaines étiquettes telles que « passer le temps », « s'occuper », « imaginer », « effrayant » n'ont jamais été choisies, et ce sont les brusques volte-face du cheminement à rebrousse-poil qui ont le plus marqué et amusé ces joueurs. Le fait ressenti le plus marquant est la contrainte du retour en arrière accompagné du désir d’avancer sans se décourager. On notera l’étonnante quasi-absence du hasard !

Ces joueurs ont bien perçu la transposition que l'on pouvait opérer dans la vie de tous les jours. Une existence strictement linéaire et sans à-coups, leur paraîtrait fade, et ils font le lien avec d'autres jeux, tel le Jeu de l'Oie. Une objection pourrait naître : la logique interne du jeu prévoit l'influence directe d'un autre concurrent. Ainsi, un joueur en prison sera immédiatement délivré quand un autre participant y tombera à son tour. N'y-a-t-il pas une intervention stratégique rendue possible ? En réalité, il s'agit du strict résultat du hasard lié au lancer du dé de l'adversaire qui délivre automatiquement le prisonnier en attente. Un constat brut se fait jour : point n'est besoin d'une multiplication de difficultés pour susciter une forte attractivité.

Des jeux à très faible complexité structurelle comme Échelles et Serpents, fondés sur le pur hasard d'un jet de dés, peuvent exalter l'imaginaire et enchanter les participants. Les différentes réflexions des enfants en écho à leur perception d'Échelles et Serpents montrent que le jeu dépasse la simple notion de passe-temps et contribue à l'éveil de la personnalité de ses adeptes.

Ce jeu est un bel exemple d’apprentissage de l’adversité et du risque à chances égales d’échouer ou de réussir. Certains enfants acceptent de rater et relativisent, car malgré l’échec de façade, l’éventualité de connaître la réussite est toujours possible. Ils s‘amusent même de ces embûches et de ces contretemps, qui donnent du piment au jeu et laisse toujours la part belle au hasard et une chance de gagner même si on est au bas de l’échelle. Pour d’autres, avoir à reculer ou risquer l’échec est douloureux et difficile. Le jeu les y aide grâce à un décalage ludique et des situations à rebondissements. La similitude avec le quotidien est fascinante : tout est à chaque seconde remis en jeu perpétuellement et jamais il n’y a de certitude comme au cours d’un jeu dans lequel on se contenterait d’avancer. Ils ont également fait le lien avec d’autres jeux comme le Jeu de l'Oie, qui sur la même symbolique, avec des adjuvants et des opposants va ponctuer un chemin de vie.

Règles du jeu Échelles et Serpents

Échelles et Serpents se joue sur un plateau de cent cases numérotées de 1 à 100.

  • Le nombre de joueurs n’est pas limité.
  • Chaque joueur dispose d’un pion qu’il déplace en fonction du jet d’un dé.
  • Si un pion tombe sur une case où se situe le bas d’une échelle, il grimpe.
  • Si un pion tombe sur une case où se situe la tête d’un serpent, il descend au bout de sa queue.
  • Lorsqu’un joueur fait «6», il joue une deuxième fois.
  • Pour gagner, il faut atteindre le premier la case «100» en faisant le nombre exact de points permettant de tomber sur cette case. Sinon, le pion recule de l’excédent

 

Le Jeu de l'Oie

Le plateau du Jeu de l'Oie est très différent de celui d'Échelles et Serpents. Au lieu d'un pavage 10x10, on dispose d'un chemin en forme de spirale aux cases numérotées qui s'enroule de l'extérieur vers l'intérieur pour aboutir à la case «63» ouvrant sur l'objectif gagnant : le Jardin de l'Oie. Le jeu se pratique à l'aide de deux dés dont les scores qui s'ajoutent guident le déplacement des figurines représentant chaque joueur. Chacune des soixante-trois cases numérotées est illustrée selon la thématique choisie, sachant qu'une oie est présente dans toutes les cases multiples de «9», accordant alors le privilège de rejouer. Au long d'un parcours mouvementé, le pratiquant rencontre sept obstacles notoires dont le pont, le puits, la prison, la mort qui lui imposent des contraintes exigeantes : passer son tour, rester au fond du puits et attendre d'être délivré par un adversaire malchanceux, retourner à la case départ, payer une amende…

Nous sommes apparemment fort éloignés d'Échelles et Serpents. En réalité, les apparences sont trompeuses ; la structure de ces deux jeux est la même : les déplacements des joueurs sont soumis à un générateur de hasard qui est le moteur exclusif des péripéties ludiques. Le Jeu de l'Oie, tout comme Échelles et Serpents, est un jeu de parcours et d'obstacles strictement dépendant des aléas des lancers de dés.

Cependant, la thématique développée par les images et la forme matérielle du tablier d'une part, la sophistication et la variété des incidents de parcours d'autre part, font surgir des différences qui masquent la communauté structurelle fondamentale de ces deux jeux.

Depuis la Renaissance où il est apparu en Italie, le Jeu de l'Oie a été une magnifique occasion de glorifier des faits sociaux d'actualité, des personnages historiques, des œuvres littéraires, scientifiques ou industrielles, également des événements politiques : l'affaire Dreyfus, le jeu de la Francisque, le jeu de la Libération… Jeu qui a connu un grand succès populaire, instrument de propagande, outil pédagogique ou production esthétique, le Jeu de l'Oie n'a pas été dans le passé traité avec la condescendance hautaine d'aujourd'hui qui le réserve aux garçonnets et aux fillettes. On sait que Louis XIII aimait y jouer, que Louis XIV s'y est adonné, que madame de Sévigné en parlait dans ses lettres et – étonnant oxymore ludique – que le champion de la réflexion stratégique, Napoléon, se plaisait à ce jeu au cours duquel pourtant la décision est totalement exclue. Que l'élite aristocratique et royale ait lancé dans l'enthousiasme les dés de l'Oie sous les lambris du château de Versailles, révèle combien l'image que l'on se fait des jeux et de l'engouement qu'ils suscitent est liée aux représentations des classes sociales dominantes de chaque époque.

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Là encore, le constat est sans conteste : le Jeu de l'Oie repose sur le même mécanisme aléatoire d'engendrement des actions qu'Échelles et Serpents. Il s'agit de jeux de pur hasard, avec pour le Jeu de l'Oie une mise en scène souvent grandiose et fort jolie, assortie d'une multiplicité de ressorts et de pièges qui donnent au jeu tout son piment. Cette fascination du hasard symbolisée dans le Jeu de l'Oie, le vertige de la défaite toute proche et la croyance au miracle du redressement de son destin, sont remarquablement décrits, paradoxalement, par un éminent homme de décision : « La loi du hasard, écrit celui-ci, a le sombre attrait de la philosophie. Ce dé qui vous expédiait au cachot, en enfer, qui, près du but, vous tirait soudain vers le zéro avec le chemin à refaire ou qui traversait les embûches comme s'il avait des yeux pour le voir, j'éprouvais une délectation à le regarder décider pour moi. La sincérité m'oblige à dire que je n'imaginais pas qu'il pût tromper mes espérances, quelque malheur qu'il m'arrivât, que ma confiance en lui tenait à la foi que j’avais en moi-même. » Le propos est de François Mitterrand qui, dans L'Abeille et l'architecte, en 1978, suggère le rapport profond qui relie les engagements personnels des joueurs aux aléas du monde.

Règles du Jeu de l’Oie

  • Le plateau représente un parcours de 63 cases.
  • Le jeu se joue avec deux dés.
  • Le premier arrivé à case 63, dans le Jardin de l'Oie, gagne la partie.
  • S’il ne tombe pas juste, il retourne en arrière.
  • L'oie est sur des cases bénéfiques disposées de «9» en «9», le joueur qui tombe sur la case d’une oie double ses pas.
  • Qui tombe sur la case 6, où il y a un pont, ira à la case 12.
  • Qui tombe sur la case 19, où il y a un hôtel, se repose pendant deux tours.
  • Qui tombe sur la case 31, où il y a un puits, attend qu'on le relève.
  • Qui tombe sur la case 42, où il y a un labyrinthe, retourne sur la case 30.
  • Qui tombe sur la case 52, où il y a une prison, attend qu'on le relève.
  • Qui tombe sur la case 58, où il y a une tête de mort, recommence du début.
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Les Petits Chevaux

Un autre type de tablier ludique s'est très anciennement manifesté dans de nombreux pays parfois très éloignés les uns des autres, et a connu un franc succès au cours des siècles. Il s'agit du parcours en forme de croix qui, sur les indications d'un jet de dés, imposait aux quatre pions des deux joueurs de cheminer sur ses branches avant de gagner la « Maison », objectif convoité du voyage. Une foison de « variantes » a vu le jour sous l'influence indienne, notamment du Parcheesi et, à l'autre opposé de la planète, du Patolli, sous l'obédience mexicaine. Après maintes tribulations, particulièrement anglaises avec le Ludo, le jeu a été adopté en France sous le nom de Petits chevaux.

Pourquoi faire allusion ici à ce type de jeu qui paraît très éloigné d'Échelles et Serpents ? C'est que, malgré de grandes divergences de présentation, il s'agit, là aussi, d'un jeu de parcours soumis aux aléas d'un lancer de dés. Cependant, surgit ici une nouveauté qui fait changer le jeu d'univers : la possibilité pour le joueur, dans certains cas, de choisir, de traiter l'information portée par le tablier pour décider de déplacer tel pion plutôt que tel autre. La nouveauté est relativement faible, mais elle va transformer un jeu de pur hasard en un jeu qui accorde au pratiquant la possibilité de décider tout en respectant les résultats des dés.

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La logique interne du jeu impose un mécanisme nouveau qui s'appuie sur l'habileté décisionnelle, subjective, du joueur. Pratiqué fréquemment sous forme de duel entre deux personnes, les Petits Chevaux peuvent aussi opposer deux équipes de deux participants chacune : la possibilité pour les joueurs de faire preuve d'initiative en décidant de leur propre stratégie coopérative est alors encore plus prononcée.

Les Petits Chevaux ont leur place dans la classification séculaire des jeux reprise par la célèbre Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, classification qui comprend trois catégories : les jeux de pur hasard, ceux de pure habileté et les jeux mixtes qui mêlent hasard et habileté. Le Jeu de l'Oie fait partie de la première catégorie, et les Petits Chevaux de la troisième, sachant que la deuxième est réservée aux jeux de pure raison à grande complexité structurelle tels le Go, les Échecs ou le Mancala. Les Petits Chevaux amorcent ici la classe des jeux conjuguant l'habileté au hasard, qui est la classe ludique la plus fournie ; en nettement plus sophistiqué dans le même registre, on trouvera par exemple le Tric-trac, le Backgammon ou le Jacquet. On devine que les effets psychologiques et relationnels de ces différents jeux vont profondément varier selon les modalités de la logique interne de chacun d'eux : soumission au hasard, traitement d'une information ludique, appel à la décision… Aussi est-il important que l'éducateur en connaisse les mécanismes intimes.

Le tablier du parcheesi, proche du jeu des Petits Chevaux in Le Livre des jeux de pions, de Michel Boutin                    

Il est intéressant de considérer qu'Échelles et Serpents, ainsi que le Jeu de l'Oie, favorisent spectaculairement les rapports, rendus égalitaires par le jeu, entre des personnes de générations ou de niveaux différents. Adultes et écoliers, parents et enfants, sont alors en situation de stricte égalité et non plus de subordination. On notera en effet que les jeux de pur hasard, tels Échelles et Serpents et le Jeu de l'Oie, si souvent mésestimés par les adultes de nos jours, sont les seuls qui respectent scrupuleusement une règle tant prisée de notre société : l'égalité des chances. ■


Bibliographie

Boutin (Michel), Le Livre des jeux de pions, Bornemann, 1999.
Girard (Alain R.) et (Claude) Quetel, L'Histoire de France racontée par le Jeu de l'Oie, BallandMassin, 1982.
Grunfeld (Frédéric V.), Jeux du monde, Unicef-Ed.Lied, 1979.
Mitterrand (François), L’Abeille et l’architecte, Flammarion, 1978.

Règle des Petits Chevaux

Un plateau
Un dé

Des figurines de chevaux de couleur différente affectées à chaque joueur.
Chaque joueur place ses chevaux dans les écuries. Pour commencer, les participants lancent le dé chacun à leur tour et doivent faire dans un premier temps «6» pour pouvoir sortir un cheval et le placer sur la case départ de sa couleur. Si lors de la partie vous effectuez un «6», cela vous permettra de rejouer automatiquement une deuxième fois : au choix sortir un cheval ou avancer de six cases. Attention ! Une case ne peut être occupée que par un seul cheval. Un joueur passant sur une case occupée doit reculer d’autant de points en trop.

Si un cheval tombe sur une case occupée, il renvoie le cheval de l’autre joueur à l’écurie et prend sa place. Celui qui retourne à l’écurie repart donc de zéro et doit obtenir de nouveau un «6» pour sortir. Pour gagner, le joueur doit être le premier à faire le tour complet du jeu avec tous ses chevaux et remonter chaque case numérotée de «1» à «6» avec le nombre juste pour tous ses chevaux. Pour terminer, il devra faire de nouveau un «6» pour atteindre la case centrale du jeu.