Le Bafa, un laboratoire d'expériences

En juin 2023, 37 stagiaires se retrouvaient en Bafa 3 à Lille pour vivre la dernière étape de leur formation. Un moment clé pour devenir acteur dans l’animation volontaire.
Vendredi, cinquième jour de stage, 8h50, les trois quarts des stagiaires sont déjà arrivés. Apprendre à devenir animateur ou animatrice, c’est aussi comprendre qu’il faut être à l’heure pour pouvoir bien accueillir les publics. D’ailleurs, les stagiaires du groupe d’accueil proposent de commencer la journée en dansant. Il est 9 heures. On se met en mouvement à son rythme, s’invitant à tour de rôle ou improvisant seul·e une danse. « J’appréhendais cette formation, confie Nassima entre deux gorgées d’eau englouties car il fait déjà très chaud. Dans le premier stage que j’ai fait, il y avait des clans et je n’ai pas réussi à trouver ma place. Ici, c’est bienveillant, je peux m’exprimer, apporter mon expérience sans avoir l’impression d’être jugée. »
Média secondaire

Le Bafa : les stagiaires apprennent à organiser la cohésion du groupe

La cohésion du groupe et son bien-être font l’objet de toute l’attention de l’équipe de formation durant cette session d’approfondissement qui fait suite aux stages théorique et pratique. « C’est une nécessité à la fois dans notre éthique de formation et dans ce que l’on veut défendre de l’animation volontaire », explique Sophie de Grauw, responsable de formation aux Ceméa Nord Pas-de-Calais. Bientôt, ces animateurs concerter, et animatrices breveté·es auront à travailler avec les autres, à exprimer leurs besoins et leurs désaccords. « Pour leur permettre de faire cette expérience sur la durée, le premier jour, nous avons proposé aux stagiaires de prendre en charge tout le temps du stage, soit la régulation, soit la vie collective, soit l’accueil », poursuit Sophie. Et c’est un apprentissage !

« On les laisse expérimenter et se concerter, tester des activités et des menées d’activités tout au long de la semaine pour libérer la parole, de façon anonyme ou non, permettre à chacun de s’exprimer, de proposer et de construire des solutions, explique Allison Duriez, animatrice depuis dix ans auprès d’adolescents en difficulté, formatrice sur ce stage et militante des Ceméa. Ils doivent décider à quel moment de la journée poser ces temps de régulation, sentir comment évolue la dynamique de groupe, observer. » C’est un apprentissage, comme le souligne Samia qui a choisi de rejoindre l’équipe « régulation » trouvant que « ça manquait d’espaces de dialogues » dans son centre de loisirs : « Mardi matin, nous avions décidé d’une régulation le lendemain soir. En fait, il aurait fallu proposer un espace de parole dès le début de la journée car il y avait des tensions. C’est là que j’ai compris que réguler une équipe ne se décrète pas en amont, ça demande une attention à ce qui se passe ici maintenant. » Une expérience dont Marion, stagiaire, se souviendra aussi. « On apprend aussi de ses erreurs », dit-elle un sourire aux lèvres.

Faire en sorte que les stagiaires sortent de la formation avec la capacité d’aller chercher des réponses à leurs questions

Les stagiaires vivent des expériences singulières

Répartis dans trois pièces, les équipes s’organisent pour présenter les projets d’animation qu’elles ont imaginés et travaillés pendant la semaine. « Il s’agit aujourd’hui de faire vivre une situation d’animation pour l’analyser ensuite à plusieurs », explique Allison Duriez. Autour du handicap et de l’accueil en centre de loisirs, les deux options de ce Bafa 3, les propositions se succèdent tous les quarts d’heure : énigmes en braille, écriture de chansons, bac sensoriel, danse, parcours d’obstacles, jardin des senteurs... Vient le moment des retours en mode speed-dating, pour qui les ont vécues et les autres qui les ont animées, suivi d’un partage en grand groupe. « On a ressenti un flottement, comme si vous ne saviez pas trop quoi faire, partage Priscille, une des stagiaires qui a proposé avec son groupe la création d’une chanson. On a été trop directifs. Quand ça a patiné, on aurait pu vous demander de proposer vos solutions, la façon dont vous auriez voulu rassembler des mots qui pouvaient rimer. »

Lors de la mise en commun, des hypothèses et des propositions s’élaborent. « J’aime que ces analyses d’activités soient basées sur les expériences de chacun plutôt que sur un savoir exact, explique Sarah, 22 ans, une stagiaire qui anime des camps de vacances et se destine au métier de forgeronne. Certains ont ainsi eu l’impression d’avoir été laissés un peu seuls, d’autres non. Les expériences des stagiaires sont toutes singulières et ce sera pareil avec les enfants ! S’adapter, chercher, imaginer des choses, si on veut voir les enfants et les ados s’épanouir, c’est indispensable. » Faire en sorte que les stagiaires sortent de la formation avec la capacité d’aller chercher des réponses à leurs questions est l’intention de l’équipe de formation que dirige Sophie. « On devient vraiment semeur de graines si les stagiaires ont compris que c’est essentiel de se questionner sur sa posture pédagogique. Et la condition à cela est qu’ils se sentent acteurs de leur formation, qu’ils expérimentent. » Écouter, observer, proposer sans imposer, mais rester garant du cadre comme formateurs et formatrices, une alchimie qui semble avoir opéré à entendre Mona à l’heure de se séparer. « Vous allez me manquer. On essaie de se revoir après l'été pour en parler ? » 

A retrouver dans la revue VEN #590

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