Grandir seul et ensemble

Quelles pratiques pédagogiques pour lier projets personnels et projets collectifs ? L'individu qui agit sur son environnement, et qui transforme par son action son environnement, fait le lien entre l'individuel et collectif
Média secondaire

Image extraite du film « C’est nous qui décide »

Ce qui fonde la collectivité, c’est l’individualité. Par extension on pourrait dire aussi que ce qui fonde le collectivisme, c'est l’individualisme.

Il n'y a pas de projet collectif sans projet individuel, et inversement. L’un ne va pas sans l'autre. L'individu qui agit sur son environnement, et qui transforme par son action son environnement, fait le lien entre l'individuel et collectif. En effet, le groupe est l'ensemble des dynamiques individuelles, qu’il va influencer par ses propres dynamiques, dans un mouvement dialectique constant.

Prenons un exemple : lors du réveil individuel dans une colonie de vacances, afin que le groupe respecte le réveil et le sommeil de chacun, chaque individu doit respecter le réveil et le sommeil de ses compagnons. Ce qui n'empêche pas que chaque individu s'inscrive ensuite dans des activités collectives. Le projet est alors collectif car chaque individu peut s'y inscrire individuellement.

Dans la démarche de l'éducation nouvelle, il s'agit de considérer l'apprenant en rapport avec ses propres apprentissages. L'enfant est actif et acteur de son éducation, ce qui ne conduit ni à « l’auto-éducation », ni aux postures d’enfant-roi, trop souvent utilisées pour dénoncer les pédagogies alternatives.

Les pédagogies nouvelles se sont d'abord développées dans le domaine de l'instruction, ont été parallèlement expérimentées dans le domaine du loisir, pour être plus particulièrement repérables aujourd’hui dans le domaine des loisirs éducatifs.

L'enfant ou le jeune en tant que sujet actif, en tant que concepteur de ses propres projets

Aujourd'hui, le projet construit par l'éducateur vient souvent télescoper le projet du jeune. Les projets des professionnels en direction des jeunes sont souvent à leur propre service, plutôt que d'être au service du projet du jeune. Pour le jeune, « je n'existe dans le groupe que si je suis un individu actif ».

Le groupe, qui est une dynamique formée par chacun de ses membres, ne fonctionne que dans des conditions très précises. Dans le processus de construction du savoir, chacun fabrique son propre savoir. Ce processus nécessite un cadre aménagé qui va solliciter les intérêts, les besoins, les envies, et les désirs. Cela va mettre l'enfant « en projet », « en agir », « en envie de ». Ce qui doit être déclencheur de l'envie, ce doit être le cadre et non pas l'adulte.

Pour qu'un collectif fonctionne, il faut des règles. Ce sont les collectifs d'enfants qui doivent créer les règles, afin de faire l'expérience de la manière dont la loi se fabrique et comment elle se fait respecter. C'est en agissant soi-même sur les lois du groupe, en les construisant, en les manipulant, que l'on comprend la logique des lois plus générales. La notion de pouvoir est ici importante puisque c'est le groupe qui doit prendre le pouvoir et non l'adulte.

L'activité en question, c'est celle de l'enfant, c'est pourquoi l'adulte n'est pas « au service de », mais doit mettre en place ce qui va permettre à l'enfant de mener des expérimentations.

La reconnaissance de l'individu ne peut se faire qu'au sein d'un groupe.

Sans l'existence du groupe, il n'y a pas d'individu. Cependant, le groupe ne doit pas nier l'action de l'individu. La pédagogie du projet (à ne pas confondre avec la méthodologie du projet qui « tue » les dynamiques) permet l'émancipation de l'individu. Cependant, il faut pouvoir avoir la capacité de « se projeter vers » quelque chose et des envies individuelles, pour que cette pédagogie puisse fonctionner. Lorsqu'un enfant arrive dans un groupe, il a une envie et doit pouvoir réaliser cette envie. Il faut ainsi pouvoir créer des espaces et des temps pour que les enfants ou les jeunes puissent réaliser leurs propres projets. Les projets collectifs suscitent donc la coopération et la notion de responsabilité collective.

Les loisirs se définissent comme étant en dehors de toutes contraintes sociales. Notons que ne rien faire doit être une activité majeure, au risque que les loisirs deviennent des loisirs de programmation et de consommation. Autrement dit, les enfants et les jeunes doivent pouvoir disposer de temps et d'espaces pour faire ce qu'ils veulent. Or, aujourd'hui, cela devient difficile car les loisirs se calquent sur le modèle de l'école.

Si l'on prend la métaphore du tabouret ayant trois pieds, ceux-ci sont appelés la famille, l'école, les loisirs. L'enfant est assis sur ce tabouret. Le pied loisir doit pouvoir réellement exister en tant que tel afin qu'il y ait un projet collectif et commun aux trois pieds. Il faut par conséquent être vigilant à ce que chaque pied possède son propre temps et son propre espace, sa propre existence, tout en appartenant au même projet collectif, tout en étant coordonnés entre eux. Notons aussi que les loisirs ne sont pas faits pour réparer les pannes de l'instruction, et inversement.

Des espaces de loisirs éducatifs doivent pouvoir exister en tant que tels dans la société. Si les jeunes se retrouvent hors des loisirs organisés pour eux, c'est que l'offre ne correspond pas à la demande des jeunes. Cela s'explique notamment par le peu de parole qui leur est accordée quant au choix et à l'organisation de ces espaces de loisirs organisés. Il faut pouvoir leur donner les moyens de construire leur activité.

Ce qui va fonder réellement une activité, c'est la transformation du jeu et des règles du jeu par l'enfant ou le jeune, plutôt que l'activité en elle-même. Au sein même de l'activité les enfants doivent pouvoir faire évoluer les règles du jeu, afin qu'ils les respectent par la suite. La manipulation et la création de règles permettent ensuite le respect de ces mêmes règles. Les enfants pour se développer ont besoin de changer les règles, de transformer le milieu dans lequel ils évoluent. Il faut que le « je » puisse modifier les règles du « jeu ». Ainsi le « je » existe et est reconnu au sein d'un collectif, sur lequel il agit.


Extrait des actes de la journée " Personnaliser les parcours et réussir ensemble " du 14 décembre 2010 à Grenoble.