LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

La biblio du pédagogue : "Des conflits pour apprendre" de Céline Darnon, Fabrizio Butera et Gabriel Mugny

À la (re)découverte de Céline Darnon, Fabrizio Butera et Gabriel Mugny, auteurs "Des conflits pour apprendre", un ouvrage qui présente les différentes facettes du conflit, tout en rappelant son importance dans le développement cognitif.
Média secondaire

Il est nécessaire de passer par un « conflit cognitif » ou un « conflit socio-cognitif » pour apprendre de nouvelles choses. 

Les pédagogues sont régulièrement, voire quotidiennement, obligés de gérer des conflits. Un conflit peut se définir comme une opposition entre deux ou plusieurs personnes qui se heurtent à des idées ou à des opinions divergentes et où les attentes des unes sont souvent en opposition avec les attentes des autres. Ce livre est essentiel pour comprendre qu’il existe différentes natures de conflit.  Il expose qu’il est nécessaire de passer par un « conflit cognitif » ou un « conflit socio-cognitif » pour apprendre de nouvelles choses. Les auteurs de ce livre, d'inspiration piagétiene1, expliquent que les êtres humains sont dans un « état d’équilibre ». Cet état leur permet d’avancer dans le monde, de se l’expliquer… à tort ou à raison. Pour pouvoir évoluer, changer de perspectives, comprendre un nouveau concept, les auteurs et autrices de cet ouvrage précisent qu’il est nécessaire de passer par une phase de déséquilibre.  Cette phase va nécessiter une réflexion pour retrouver un état nouveau, celui d’équilibre. L’état de déséquilibre, de doute, de conflit dont ils et elles font part semble donc nécessaire pour évoluer.  

La nécessité des désaccords

Céline Darnon et ses collègues proposent une perspective innovante qui met en lumière comment les désaccords et les confrontations peuvent être des moteurs puissants pour le développement cognitif et social des apprenants et des apprenantes. Elle définit les conflits comme des situations où les individus sont confrontés à des points de vue divergents, ce qui les pousse à réévaluer leurs propres idées. Ces divergences obligent les personnes à réfléchir plus profondément, à argumenter et à justifier leurs opinions. L’ouvrage distingue également, et plus spécifiquement, les conflits socio-cognitifs centrés sur les tâches des conflits affectifs, centrés sur les relations interpersonnelles : un conflit centré sur un objet peut trouver une issue satisfaisante où l’ensemble des protagonistes peuvent y trouver leur compte, grandi, et de nouvelles choses ; alors qu’un conflit centré sur les personnes va induire une forme de compétition où il y aura un ou une gagnante et une ou un perdant.

Lorsque, pour faire face au conflit, l’individu centre son attention uniquement sur la comparaison sociale de ses propres compétences et de celles de la source [qui a généré le conflit], la régulation du conflit est dite relationnelle. Si en revanche l’individu pense pouvoir être plus compétent que la source (…), il va maintenir et affirmer sa position.

La lecture de cet ouvrage nous permet de prendre conscience que ce n’est pas le conflit en tant que tel qui est néfaste à la vie, à l’apprentissage, aux relations interpersonnelles, mais la manière dont il est formulé et dont il est résolu. Dire « je ne suis pas d’accord avec toi » ou « je ne suis pas d’accord avec telle idée » n’induit pas de façon identique un conflit. La première formulation peut générer un conflit interpersonnel, là où la deuxième peut induire un conflit socio-cognitif. L’autrice insiste sur l'importance de la médiation par les éducateurs et les éducatrices qui doivent guider les discussions, s’assurer qu'elles restent constructives et éviter les dérives émotionnelles. Elle propose des techniques pour encourager les débats, comme le travail en petits groupes, les jeux de rôle et les discussions dirigées. Elle guide les pédagogues en précisant que le climat de classe ou d’un groupe en formation, où les désaccords sont vus positivement, lorsqu’ils sont formulés et traités de la bonne manière, facilitent les apprentissages car ils permettent un climat ouvert et collaboratif où la différence est vue comme une opportunité et non comme une difficulté. 

Le rôle de l'éducateur-trice

Le livre de Céline Darnon et de ses collaborateurs offre une perspective précieuse pour les pédagogues en soulignant l’importance des conflits dans tous processus éducatifs. En adoptant une approche proactive et positive des désaccords, les éducateurs et les éducatrices peuvent transformer les conflits en outils pédagogiques puissants, favorisant un apprentissage profond et durable chez leurs apprenants et apprenantes.

 

1Jean Piaget (1896-1980), est un biologiste, psychologue et épistémologue suisse. Il considère que l'adaptation d'un individu à son environnement est le résultat d'un processus de transformation tendant vers l'équilibre. L'état d'équilibre permanent est impossible, l'environnement et l'individu n'étant pas statiques. 

Pour que la séquence épistémique et le progrès cognitif se poursuivent (…), il faut que l’environnement fournisse des éléments en opposition, c’est à dire en conflit avec une connaissance initiale.