La responsabilité éditoriale des réseaux sociaux, une question d’actualité…

Pour donner au citoyen des moyens de maîtriser cet enjeu et d'agir, il est fondamental de développer l’éducation aux médias et à l'information
Média secondaire

Réguler les contenus, voire supprimer des comptes sur les réseaux sociaux… une question d’actualité… Sommes-nous face à de la censure… plutôt non, mais face à des décisions cohérentes d’entreprises privées, au regard de leurs conditions générales d’utilisation (les fameuses CGU) que tout internaute accepte ! Aux Etats Unis, les réseaux sociaux sont dans une logique de commerce libre et ne sont pas protégés par le premier amendement de la Constitution américaine sur la liberté d’expression. Les principaux réseaux sociaux que nous utilisons, sont régis par le droit américain.

Autre élément du débat : les réseaux sociaux se veulent être que des hébergeurs ou que des tuyaux… Ils souhaitent garder ce statut… leurs intérêts étant d’optimiser le temps passé sur leur réseau pour optimiser leurs profits depuis leur entrée en bourse, en 2012 … Mais n’ont-ils pas également une responsabilité éditoriale ? Ils construisent et gèrent des audiences, les monétisent, ont des politiques publicitaires importantes, ils hiérarchisent les infos via leurs algorithmes puissants, ils assemblent et formatent des contenus ; ils sont également devenus des accélérateurs de contenus… Nous sommes face à ce mélange entre communication commerciale et communication éditoriale.

Vers un nouveau statut hybride

Pour notre association et la société civile, il est nécessaire de travailler sur un nouveau statut hybride, entre hébergeur, éditeur… voire contrôleur d’accès… Ainsi ce qui se travaille au niveau européen (Digital service act), est tiraillé entre continuer de traiter les plateformes sous un statut d’hébergeur… tout en leur imposant des contraintes fortes et des devoirs à tenir, … qui « penchent » plus vers le registre du statut d’éditeur ! Se construit une certaine régulation qui surveille l’auto régulation des entreprises ! Imposer plus de transparence pour les activités de modération, lutter contre l’opacité stratégique des plateformes, mettre en place des procédures d’audit des services d’auto régulation des plateforme et de leurs algorithmes, autant d’exigences à porter par les citoyens… Le travail des lobbys est énorme dans ces débats. On est au cœur de contradictions et de rapports de force… La régulation pour que internet ressemble aux valeurs européennes, avec la liberté d’expression mais aussi la dignité des personnes et la lutte contre les haines… n’impliquerait-elle pas que l’Europe crée ses propres réseaux sociaux ou qu’émerge un réseau social d’intérêt public, sans publicité et dans la philosophie du bien commun, sans hystérisation ou aseptisation des débats ?! En effet ce n’est pas qu’un problème de contenus … mais une question liée au système lui-même, via l’amplification et l’accélération de contenus, et le modèle économique sous-jacent d’une monétisation des attentions, par la publicité, via les algorithmes de ces plateformes. Ce qui pose problème par rapport à un espace qui de plus en plus se présente comme un lieu du débat public, et pluraliste…

L'éducation aux médias et son inscription dans l'agenda 2030

Pour remettre le citoyen au cœur de ces enjeux et lui donner des moyens en les maîtrisant d’agir, il est fondamental de développer l’éducation… Face aux insuffisances des fournisseurs impliqués dans la désinformation et la haine pendant la pandémie COVID-19, les compétences nécessaires pour comprendre, interpréter et s’engager de manière éthique dans le contenu de tous les types de fournisseurs doivent être une préoccupation prioritaire des politiques publiques, comme l’affirme l’UNESCO (1). « L’énorme volume de contenu disponible en ligne offre un choix sans précédent, mais peut également constituer un obstacle à son utilisation critique. Nous pouvons être confrontés à une surcharge de messages, ce qui rend difficile l’évaluation et l’action sur le contenu avec la certitude de son exactitude. Nous risquons d’être désorientés et de nous détourner d’aspirations universellement reconnues comme les droits de l’homme et le développement durable ».

C’est pourquoi il est temps d’entendre l’appel lancé par de nombreuses parties prenantes, dont les Ceméa et le collectif Enjeux e-médias, pour que l’on mette davantage l’accent sur l’acquisition de compétences critiques par l’éducation aux médias et à l’information. Les enjeux sont globaux et inscrits dans les défis que nous avons toutes et tous à relever pour l’avenir de l’humanité et de la planète. Nous souhaitons et demandons que l’éducation aux médias et à l’information soit reconnue comme faisant partie intégrante de l’agenda international du développement. Nous sommes en effet entrés dans le compte à rebours 2030 ! L’éducation aux médias et à l’information doit être considérée comme un élément clé des objectifs de développement durable à l’horizon 2030, car elle est essentielle pour faire progresser la santé, l’égalité des sexes, l’éducation, l’emploi et l’environnement, parmi de nombreux autres biens sociaux.

Christian Gautellier, Président du collectif Enjeux e-média

(1) https://en.unesco.org/sites/default/files/mil_curriculum_second_edition_summary_fr.pdf