Les jeunes des quartiers populaires et leur rapport au monde

Les jeunes des quartiers populaires sont en perpétuelle recherche de leur identité. Trop souvent pointé du doigt sur la délinquance, la question de leur appartenance à la nation est trop souvent occultée. Ils aiment leur pays mais cela ne semble pas réciproque.
Média secondaire

Crédit photo : Erkan Kirdar sur Unsplash

 

« Il est quand même impossible dans ce pays aujourd’hui d’oublier qu’on est issus de l’immigration ». La représentation des jeunes des quartiers populaires relève souvent d’une figure stéréotypée notamment véhiculée par les médias. Pourtant, dépasser les stéréotypes et comprendre comment ces jeunes voient le monde et se voient eux-mêmes permettrait pour tout acteur de l’éducation et du social d’accompagner ce public à sortir des cases dans lesquelles il est assigné.

Et si l’implication dans la vie citoyenne et démocratique était une piste pour construire des projets et s’émanciper en tant que jeunes de quartiers populaires ? Comment encourager cette démarche ? Quels obstacles rencontrent-ils  ? Comment les accompagner ? Comment comprendre leur revendication ?

Entre implication dans la vie locale, humiliation, mémoire familiale, identités plurielles, crises sanitaires ; les jeunes des quartiers populaires agissent finalement déjà à leur échelle dans la vie citoyenne et démocratique.

Dans cette série de vidéos, Joelle Bordet, psycho-sociologue au Centre scientifique et technique du bâtiment, apporte des explications et pistes d’action. Elle s’appuie sur les travaux menés dans le cadre de la « recherche intervention » Réseau international jeunes, inégalités sociales et périphéries.

Ces échanges font suite, à l‘intervention de Joëlle Bordet, « Comprendre les rapports des jeunes au monde pour les accueillir et les accompagner », lors des journées d’étude sur la jeunesse, du 18 au 20 mars 2021.

 

(cf ressources Sophie Jehel : https://yakamedia.cemea.asso.fr/univers/comprendre/numerique-media-et-education-citoyennete/se-former-sinformer-pour-accompagner-les-jeunes-dans-leur-pratique-des-reseaux-sociaux-numeriques )

Les jeunes de quartiers populaires et leur place dans le monde

« Notre travail c'est vraiment l'écoute au sens des représentations c'est-à-dire c'est pas la vérité évidemment c'est pas non plus la vérité de tous les jeunes mais c'est comment ils se représentent le monde et c'est vrai que pour pouvoir être avec eux les accompagner les aider à grandir les aider à devenir des personnes autonomes émancipées, en tout cas des dominations, je pense que c'est très important de partir de là où ils sont. »

Ici Joëlle Bordet évoque la question des revendications et des représentations des jeunes de quartiers populaires.

« Je ne pourrais pas écouter les jeunes si je n’étais pas en alliance de travail avec des animateurs des responsables municipaux ça veut dire qu’on ne peut pas comme ça venir dans un quartier écouter les jeunes (…) créer des conditions d’écoutes ça veut dire créer des conditions de passage avec des gens qui les connaissent et qui vont être capables de les réunir pour mettre en place un vrai travail d’écoute »

Néanmoins, les collectifs de revendications semblent beaucoup plus faibles et ont du mal à tenir un réel rapport de force politique.

 

Joelle Bordet place l’écoute au cœur de son travail : une méthode essentielle pour saisir le point de vue des jeunes des quartiers populaires.

Jeunesses et démocratie dans les quartiers populaires

« Là où il y a des politiques de jeunesse, les municipalités développent aussi des modes de participation des jeunes à la vie locale qui leur permettent effectivement de se sentir acteurs politiques »

Dans cette première vidéo, Joëlle Bordet revient sur l’importance du processus démocratique pour les jeunes des quartiers populaires notamment le niveau local où ils sont fortement impliqués.

La nécessaire articulation entre histoire et mémoire, pour construire son identité

Dans l’histoire récente de l’immigration en France, nous sommes dans une période charnière. « Nous sommes dans une période où les gens qui ont émigré sont en train de décéder et que du coup il y a une vraie question sur le rapport entre histoire et mémoire ». Joëlle Bordet pointe également un réel déni de la France à assumer pleinement son histoire colonial.

L’identification à la nation des enfants d’immigrés est en effet très compliquée. Nés en France, ils sont malgré tout souvent ramené à leur origine ethnique « il y a un rapport très complexe entre ces jeunes et la nation parce qu’ils ont beaucoup à faire à des situations d’humiliation dans un rapport au faciès ». Ces humiliations empêchent ces jeunes de pleinement s’identifier à leur pays de naissance et entraînent un fort sentiment de défiance par rapport à la nation.

 

Dans cette vidéo Joëlle Bordet revient sur les raisons de ces problématiques d’appartenance à la nation et nous encourage à apprendre à les écouter pour prendre en compte leurs revendications.

 

Peut-on parler de séparatisme dans les quartiers populaires ?

C’est une question qui est beaucoup revenue dans le « débat public » dernièrement. Les jeunes issus de l’immigration (en particulier les musulmans) et des quartiers populaires auraient des comportements et des paroles factieuses voir séparatiste.

Hérésie selon Joëlle Bordet : « La notion de séparatisme ne me dit rien du tout. Je n’ai jamais vu de jeunes de quartiers populaires revendiquer une autonomie territoriale, jamais. Ce qui veulent c’est être inclus dans la France » .

 

 

Les effets de la crise sanitaire dans les quartiers populaires

Le Covid a eu impact très fort sur les jeunes de quartiers populaires. Les différents confinements ont contraint les jeunes à rester à la maison avec toutes leurs familles. C’est très vite devenu insupportable pour eux car les conditions de logements pour la plupart sont à la limite de l’acceptable. « Pour s’échapper beaucoup sont devenus livreurs, l’un des seuls métiers faisables et qui permettait de continuer à sortir pendant les confinements {…} Cela leur permettait aussi de participer aux dépenses de la maison. » En effet, face aux difficultés communes partagées par les habitants, les processus de solidarité n’ont paradoxalement jamais été aussi fort.

 

Joëlle Bordet avec ses collègues du réseau international jeunes, inégalités sociales et périphéries, ont interrogé 43 professionnels sur 6 ville à propos des conséquences du confinement. Elle nous présente ici leur résultat.

Un monde d’incertitudes qui renforcent les fragilités

Cette crise sanitaire a fait tomber de nombreux travailleurs actifs dans la précarité. Joëlle Bordet déplore ici la mise en concurrence des différentes jeunesse : « Ce que je crains le plus, c’est comment effectivement on finit toujours par être concurrent voir ennemi de l’autre ».

Elle pointe également l’incohérence des orientations scolaires qui demandent aux jeunes de plus en plus tôt de faire des choix qui déterminent la suite de leurs études dans un monde rempli d’incertitudes.