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L'écopédagogie : pour une éducation critique et mobilisatrice

Irène Pereira, philosophie et sociologue de formation, est professeure des Universités en sciences de l'éducation et de la formation à l'Université de Rouen Normandie. Spécialiste des pédagogies critiques, elle a publié Écopédagogie, éduquer à la justice sociale et écologique.
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Média secondaire

Qu'est-ce qui distingue l'éducation au développement durable de l'écopédagogie ? 

L'éducation au développement durable incite à transformer sa façon de vivre, notamment par les écogestes, sans questionner les injustices environnementales. L'écopédagogie s'inspire quant à elle de Paolo Freire et des pédagogiques critiques. Elle pense qu'on ne peut former aux défis climatiques, et encore moins y répondre, sans s'interroger sur les inégalités climatiques et les injustices face aux conséquences du dérèglement climatique sur la santé, l'alimentation,etc. L'étude Carbone 4 montre d'ailleurs que, même pratiqués de façon "héroïque", les petits gestes ne peuvent faire diminuer l'impact carbone de plus de 45%. Étant donné l'urgence, il faut donc rapidement trouver le moyen d'éveiller les consciences. 

 

Inscrite dans la mouvance de l'éducation populaire, l'écopédagogie est donc un levier pour favoriser les mobilisations citoyennes ? 

Oui, la pédagogie critique appliquée à la crise environnementale amène les individus à conscientiser ces inégalités. Elle soutient la constitution de collectifs et encore l'engagement dans la lutte sociale pour réclamer aux gouvernants de prendre des décisions qui arrêtent le dérèglement climatique. Pour cela, elle reprend les cinq principes établis par Paolo Freire : partir de l'expérience vécue des personnes et de leur réalité sociale, problématiser la réalité sociale à travers un dialogue et arriver à la conscientisation. Vient ensuite la "praxis" qui permet d'imaginer des inédits possibles et de s'organiser collectivement pour agir.

 

Qui souffre ? Qui en profite ? Qui doit agir ? Comment ?

 

Mais comment accompagner cette prise de conscience ? 

Qui souffre des dégradations environnementales ? Qui en profite ? Qui doit faire des efforts ? Qui doit agir ? Par quels moyens d'actions ? Voici cinq questions à mon sens incontournables pour aider les personnes à se situer dans le défi environnemental. Ces questions, que j'appelle aussi "balises curriculaires", sont des étapes qui jalonnent la réflexion, aident à repérer les injonctions faites y compris à celles et ceux qui polluent le moins - et n'en ont d'ailleurs pas les moyens d'y répondre - et à nommer les inégalités face à la crise climatique qui touche les plus fragiles. Ces balises peuvent aider les pédagogues à animer des séances et à construire un cheminement dans les échanges contradictoires. Il ne s'agit pas d'apporter des réponses, mais d'aider les personnes à comprendre les enjeux des débats publics qui traversent la société et à se situer, sans faire de leçon à quiconque mais en amenant à un questionnement contradictoire et vivant.