La fête de l'école : une fête des adultes ?

En palliant le sous-financement par des fêtes, l’école renforce le caractère discriminant qu’on lui reproche : celui de la reproduction sociale. Cet article rédigé par les Ceméa Belgique trouve des résonances dans l'école française.
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Média secondaire

Au mois de mai, c’est la fête de l’école ! L’organisation de celle-ci est déjà abordée dans les concertations en début d’année. Dès la rentrée, il faut en effet fixer une date, croiser les agendas, faire attention aux nombreux congés du mois de mai.
 

Dans une école qui doit optimiser chaque minute, où l’on a pratiquement fait disparaître l’activité artistique, la musique, le dessin, où les activités d’expression et corporelles sont réduites à une case hebdomadaire, où le plaisir de prendre son temps pour apprendre quelque chose n’est plus possible, pourquoi donnons-nous néanmoins, une fois par an, tout ce temps à l’organisation d’une « grande fiesta » ?
 

Cemea

La fête de l'école est souvent une vitrine publicitaire...

Un premier enjeu est celui du marché scolaire, cette fête étant aussi une vitrine publicitaire. Les enseignant·e·s viennent travailler bénévolement, y consacrent du temps, car elles·ils savent que, sans cette petite manne annuelle, il y aurait bien des choses impossibles ou plus compliquées dans l’école. L’organisation de la fête se veut être coopérative, mais elle se transforme bien trop souvent en grille de prestations obligatoires ou en miroir des « bonnes volontés ».

Les adultes imposent souvent le thème de la fête, la participation à un spectacle, à un passage sur le podium. Elle·ils imposent des déguisements qu’elles·eux-même ne porteront pas. Cet évènement est donc trop souvent une affaire d’adultes, organisé pour d’autres adultes (parents, grands-parents) afin qu’elles·ils viennent, notamment, consommer et remplir la caisse de l’école !

Et les enfants dans tout cela ? Que décident-ils·elles ? la plupart du temps, pas grand-chose !

Il existe des écoles où, pour et durant cette journée particulière, les besoins des enfants, la bienveillance nécessaire à leur bien-être et leurs envies restent des points d’attention des adultes. Il y a des fêtes qui rapportent sans doute moins, mais qui permettent à l’école de rester un espace éducatif, une cour de récré où l’on peut jouer. Il y a des fêtes d’école où c’est la fête pour tout le monde : enfants, adolescent·e·s, enseignant·e·s, accueillant·e·s, familles, direction…

Cemea

Beaucoup d’écoles ont le besoin de financer elles-mêmes une partie de leur activité

Le fait est que l’école ne peut vivre, ne peut faire de projets, sans le bénéfice financier engendré par cette fête. La fête n’est donc qu’un remède au non-respect de son engagement par l’Etat.

Cette fête est là pour assurer à l’école le pouvoir de répondre aux besoins que ses subsides ne couvrent pas : aider financièrement un enfant à partir en classes vertes, acheter un nouveau module pour la cour de récréation, financer des projets de correspondance scolaire, … Toute chose qui, dans une école gratuite, devrait être financée par le pouvoir organisateur.

Il est important de rappeler que la France et la Belgique sont des pays signataires de la « Convention des droits de l’enfant » des Nations Unies qui affirme dans son article 28 que l’école doit être gratuite pour tous et toutes. Par conséquent, elle se doit d’organiser des fêtes qui soient celles de l’institution, des enfants et, pourquoi pas, des enseignant·e·s, sans qu’il n’y ait de but mercantile à devoir remplir la caisse pour pouvoir assurer finalement le rôle éducatif de l’institution scolaire.
 

« Outre la difficulté très concrète d’assumer les frais scolaires, la non-gratuité empêche la construction d’une relation triangulaire positive entre le personnel de l’école, les parents et les enfants, avec des conséquences parfois désastreuses sur le parcours scolaire de l’élève. La sollicitation financière des parents accentue, dans la vie quotidienne de l’école, les différenciations entre enfants et entre parents : coût des collations, de la piscine, des sorties, des classes de dépaysement, participation à la fête de l’école… Avec des conséquences en termes de stigmatisation et de stratification sociale qui génèrent un impact sur la disqualification, voire l’auto-disqualification des enfants et de leurs parents qui évitent dès lors le contact avec l’école ».
Comité des élèves francophones, charte blanche du CEF publiée le 25 aout 2015.

 


Quelques pistes de bonnes pratiques

Pour la classe

  • Associer les enfants aux décisions liées à la fête de l’école et laisser l’espace pour la prise d’initiatives
  • Veiller à ne pas projeter sur les enfants des envies ou des facilités d’adultes


Pour l’école

  • prendre du temps en équipe pour échanger et construire collectivement une vision de cet évènement
  • se positionner en équipe et prendre des décisions suivant les enjeux de la fête de l’école : pour quelles raisons existe-t-elle, dans quel but et pour qui ?
  • réfléchir à l’organisation pratique de la fête de façon précise et en amont, en y associant les enfants et les familles
  • oser interpeller les pouvoirs publics responsables du manque de fonds de l’établissement scolaire, si la seule raison de cette fête est pécuniaire


Pour l’institution scolaire, pour la société :

  • subventionner les écoles pour que celles-ci puissent répondre à leurs besoins et garantir la gratuité de l’enseignement
  • mettre fin à la logique de concurrence qui existe entre les établissements pour permettre à la fête de l’école de devenir autre chose qu’un produit de marketing

 

 

Cet article est extrait du livre Et si l'école, 22 chroniques pour changer l'éducation des Ceméa Belgique. Voir ici