Jeunes en errance, pour mieux comprendre ce qui est en jeu.

Dans un monde rempli d’incertitudes, la crise sanitaire a plongé de nombreux jeunes dans des situations d’errance. N’arrivant pas à trouver leur place dans la société ils se placent à la marge. Qu’est-ce qui entraîne un jeune à rentrer dans une situation d’errance ?
Média secondaire

Parler de jeunes fragiles, en errance n’est pas toujours facile. De quoi et de qui on parle ? François Chobeaux, sociologue, travailleur social et militant des Ceméa, pilote pour l'association, le réseau « jeunes en errance ».

Lors des journées d’études jeunesses, organisées du 18 au 21 mars 2021, il a partagé son expérience et ses analyses (l'intégralité de son intervention peut-être retrouver ici). À l’issue de son intervention, il est revenu de manière plus précise sur certains éléments clefs, pour aider à mieux comprendre et penser la pratique d’éducateur⋅rice : mieux comprendre la différence entre jeunesse et adolescence, mais aussi mieux appréhender la notion d’errance, l'éloignement des institutions etc.. Il donne ainsi quelques pistes pour (re) penser son action.

Jeunesse et adolescence : C’est quoi la différence ?

François Chobeaux propose plusieurs définitions de la jeunesse selon les disciplines ou les recherches : ainsi par exemple « les socio-démographes disent que la transition entre jeunesse et adulte c’est quand il y a trois événements successifs : autonomie financière, dé-cohabitation parentale, conjugalité. »

C'est quoi une situation d'errance ?

François Chobeaux revient sur l’importance de définir la notion de jeunes en errance : « Il y a tout une série de caractéristiques qui font qu’au bout, selon moi et quelques collègues chercheurs, l’errance c’est la rencontre entre une structuration psychologique fragile, défaillante (…) des bases de personnalités qui sont très chancelantes ou n’existent pas, et leur rencontre avec une réalité sociale qui est perçue à un moment donné comme absolument indépassable. Et à ce moment-là se met en place la dynamique d’errance c’est à dire non pas d’évitement positif de cette réalité insupportable, mais de décrochage et de fuite de cette réalité. »

Il propose alors différentes phases de « l’installation » dans l’errance : « stage de découverte » de l’errance, « lune de miel », rupture familiale puis déprime et appel à l’aide.

Déviances et normes

« Un déviant, c’est quelqu’un dont le comportement se situe en dehors des comportements majoritairement admis » Tandis que  : « La norme c’est : un travail régulier, stable, que l’on investit psychologiquement affectivement et socialement. Il faut avoir un habitat stable et investi. Et il faut être en famille nucléaire, hétérosexuel avec pas plus d’un petit chien. » nous rappelle François Chobeaux.

https://www.cairn.info/outsiders--9782864249184.htm

Comment les accompagner ?

Entre écoute et relation de confiance, François Chobeaux explique toute la complexité et richesse du travail d’accompagnement éducatif des jeunes en errance : « Il y a besoin d’un énorme réseau technique professionnel tout autour pour savoir qui aller chercher, qui mobiliser, comment accompagner, comment construire ensemble. c’est un travail extrêmement spécialisé, extrêmement fin. »

Il revient également sur la formation, le savoir faire et savoir être des éducateurs envers un public fragile : « Il faut des gens qui sachent où ils en sont, qui tiennent debout dans la vie, qui sont capable d’entendre et d’accepter qu’il y en ait qui font pas comme eux et avec qui on peut travailler avec. Qui savent que ça ne sert à rien de faire la leçon. Qui sont capables d’être interrogés et d’accepter d’être interrogés. »

Les conséquences des confinements : entre accentuation de la précarité et renforcement des relations

Les différents confinements mis en place pendant la crise sanitaire de 2020 ont eu des répercussions sur les populations de la rue déjà dans une situation précaire avant la crise. Cependant, François Chobeaux note le renforcement des liens entre les équipes de rues et les jeunes en errance : « et les équipes qui ont continué à bosser disent toutes « Une fois qu’on a repris le boulot, les relations étaient encore plus fortes, parce qu’ils ont vu qu’on les a pas lâchés. »