On a dit...

On, un pronom indéfini, que bien des adultes utilisent pour éviter de se positionner face aux enfants. Mais On n’est souvent qu’illusion.
« On, c’est un con ! » clame l’adage populaire pour discréditer cette entité anonyme et supposée collective, qui affirme et impose.
Média secondaire

Dire On pour ne pas avoir à dire Je. Que ce soit à l’école, dans des collectivités de loisirs ou en famille, les adultes se dédouanent régulièrement sur cette entité réelle ou fictive afin de ne pas se mettre en opposition au groupe et apparaître comme celui ou celle qui interdit ou décide de manière univoque et autoritaire. 

Cette attitude interroge. Pourquoi dire « On a dit qu’il ne fallait pas taper les autres », plutôt que « Je ne veux pas que tu tapes les autres » ? Comme si l’affirmation d’une autorité affirmée et justifiée se confondait avec l’autoritarisme et donnait une image de mauvais objet. Les enfants ont besoin d’une parole pleine. Il est important que les adultes se positionnent clairement comme garants d’un cadre. Tout ne se négocie pas et la crédibilité de l’adulte tient dans sa capacité à s’engager de manière justifiée et fiable. S’appuyer sur une personne qui ose affirmer, expliquer et tenir des positions en termes de sécurité ou de valeurs est sécurisant et rassurant. 

On devient roi lorsque les raisons d’un positionnement répondent davantage à une image de bonne pratique ou à une injonction qu’à un choix réfléchi. Tout devient flou, incertain et aléatoire. « On a dit pas plus d’une demi-heure de télé ! » Aujourd’hui, l’écran est éteint au moment fatal, même s’il manque dix minutes pour connaître la fin de l’histoire. Mais peut-être que demain, la demi-heure se prolongera largement, car le parent sera occupé à téléphoner. 

La propension de certains adultes de déléguer à On leurs affirmations et prises de position peut parfois générer une forme de manipulation. Combien de règles de vie en apparence élaborées par les enfants sont en tout point identiques à celles que l’adulte voulait mettre en place ? Cela lui permet ensuite d’imposer et de justifier au nom du groupe. Au lieu d’éduquer à la prise de décision collective, ces simulacres deviennent une forme d’éducation à l’impuissance face à une illusion et à des images que l’on affirme comme réalité. « Le on serait ainsi un nous dégradé comme […] le populisme, une altération de la démocratie. * » Avant d’utiliser ce On collectif, il est important que les adultes s’interrogent sur la part laissée aux enfants et aux jeunes dans la décision et sur les moyens d’agir dont ils disposent. 

Et si nous évitions de nous cacher derrière On ?

 

*Camille Bouzereau et Damon Mayaffre, Menaces sur le nous. https://hal.science/hal-03904874/

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