LA MÉDIATHÈQUE ÉDUC’ACTIVE DES CEMÉA

Un monde pas tout rose

Une sélection d'ouvrages de littérature jeunesse pour susciter et accueillir les réflexions autour des guerres et de l'immigration.
Média secondaire

Guerre, immigration : des thématiques pour lesquelles le recours à l’art, et en particulier à la littérature jeunesse, peut apporter le décalage nécessaire à une réflexion, une mise en perspective de vécus et de ressentis, d’informations et de messages pas toujours très clairs, et pas toujours bienveillants. Une sélection pour différents âges à lire, faire lire, pour faire réfléchir, pour aider à penser, pour mettre des mots sur des inquiétudes, mais aussi pour dire la solidarité, la fraternité, l’accueil, le rire, le partage…. 

JE M’APPELLE MARYAM, de Maryam Madjidi, ill. Claude K. Dubois, éd. L’Ecole des loisirs

Les parents de Maryam ont décidé de quitter leur pays pour vivre librement, sans peur. Partir, c’est tout laisser derrière soi : Maryam donne ses jouets. Se séparer de sa grand-mère chérie comme de ses poupées est terriblement difficile. Arriver dans un pays dont on ne connait pas la langue, où même ce que l’on mange est étrange, l’est aussi. A l’école Maryam ne parle pas, elle ne mange pas non plus… Jusqu’au jour où une petite fille lui tend la main. Un récit qui donne la vision d’une enfant déracinée, qui trouve sa place grâce à l’autre. Un récit qui donne la part belle aux mots, à la langue, aux langues que Maryam doit apprendre à faire jongler pour vivre dans ce nouveau pays. Un incontournable à l’école pour discuter d’immigration, d’intégration avec empathie. Un récit témoignage illustré avec douceur au pastel un peu flou.

 

LE P’TIT CŒUR DE DINA, de Béatrice Renard, ill. Emmanuelle Eeckout, éd. L’Ecole des loisirs

Une petite grenouille, Dina, vit sous la tente, dans un campement en pleine ville. A l’école, il y a trop de bruit « et dans sa bouche un goût d’œuf pourri ». La pluie, la faim, la solitude, Dina ne comprend pas ce que dit la maîtresse. Elle se perd en rentrant chez elle. Son cœur est en miettes. Mais un grand garçon vient à son secours, la raccompagne et Dina se sent bien. Comme avant. Une petite histoire sensible qui parle de différence, d’exil, des enfants qui vivent dans la rue, pour éveiller les consciences, et pourtant tellement lumineuse, parce qu’il suffit d’une main tendue pour retrouver le sourire. Les dessins de cette petite grenouille donnent à cette histoire la douceur nécessaire pour la lire à des tout petits, avec une vision chaleureuse et une fin positive.

 

VA T’EN, ALFRED ! de Catherine Pineur, éd. L’Ecole des loisirs

Alfred est un drôle d’oiseau. Chassé de chez lui, il ne sait pas où aller, avec sa petite chaise. Repoussé par tous, il atterrit chez Sonia, qui a peur, elle aussi. Elle ferme sa porte, et se sent rassurée pour la nuit. Mais au petit matin, c’est elle qui, voyant qu’Alfred est toujours là, s’approche doucement, prudemment, et… lui propose un café ! On pense tout de suite aux personnes qui doivent quitter leur pays et qui ne trouvent pas refuge là où elles passent : Alfred est trop différent, trop encombrant… Un thème difficile a priori mais qui est ici à hauteur de tout petit, qui peut aisément transposer des émotions liées à l’exclusion, la peur de l’autre, le rejet mais aussi la solidarité, l’accueil.. La fin reste ouverte et laisse toute la place à imaginer la suite. Un album très intéressant, qui permet une lecture à différents niveaux.

MON ILE, de Mark Jansen, éd. L’Ecole des loisirs

Une tempête, et nous voilà sur un radeau au milieu de l’océan. Heureusement, une île ! Sauvés ? Etrange, cette île qui bouge. Où nous entraîne-t-elle ? Un voyage commence, parfois paisible, parfois inquiétant, dans les eaux glaciales du cercle polaire ou celles, tropicales, où se croisent les oiseaux migrateurs. Jusqu’au jour où un bateau passe à l’horizon. Les illustrations sont superbes de couleurs et fourmillent de détail. Cette île-tortue marine nous plonge dans un univers à la Moby-Dick, à la fois étrange et porteur d’un message fort : « un jour, mon tour viendra de te protéger ». Un texte écolo facile à lire.
 

LE NUAGE BLEU, de Tomi Ungerer, éd. L’Ecole des loisirs

Il était une fois un nuage bleu. Heureux. Si heureux qu’il ne pleuvait jamais. Son bonheur est si grand, qu’il le déverse partout où il se rend. Il bleuit tout sur son passage, et grossit de plus en plus, à force de ne jamais pleuvoir. Jusqu’au jour où il survole la guerre : ville en feu, gens qui fuient… Pour éteindre le brasier, il se laisse alors pleuvoir jusqu’à la dernière goutte, et disparait. La magie de l’album tient aussi aux illustrations du grand Tomi, bien évidemment centrées ici sur des camaïeux de bleus, et la bouille toute sympa de notre nuage. Un récit qui ouvre les yeux sur la différence, le dévouement, la fraternité… Un grand classique.

ON N’AIME GUERE QUE LA PAIX, anthologie sélection Jean-Marie Henry et Alain Serres, ill. Nathalie Novi, photo agence Magnum, éd. Rue du Monde

Un choix de poèmes pour dire non à la guerre. Prévert, Eluard, Cocteau, Apollinaire, Gianni Rodari, Andrée Chedid ou Victor Hugo pour les plus célèbres, illustrés par une alternance de magnifiques photos en noir et blanc et de gouaches vivantes et colorées. « Le temps est une conscience » dit le dernier vers du premier poème, et cet album de paix s’achève sur « le temps de la douceur venant pour tout de bon, cet air tout neuf, Qui pour durer s’installera ». Alors que les horreurs de la guerre font l’actualité, il faut se saisir des mots des poètes pour permettre aux enfants de dire les douleurs, les peurs mais aussi la douceur et l’espoir. Et suivre Brecht qui dit de l’homme « il sait voler, il sait tuer. Mais il a un défaut : il sait penser ». Un recueil pour penser et faire penser, en passant par les émotions de la poésie.


TOUS ENSEMBLE ON FAIT CHANGER LE MONDE,  de Rebecca June, ill. Ximo Abadia, trad. Laurana Serres-Giardi, éd. Rue du Monde

13 histoires de révoltes pacifiques, entre 1907 et 2020. De la marche des suffragettes anglaises aux Black live matters, cet album raconte comment des manifestations ont fait reculer des injustices, ont bousculé des situations qui semblaient figées. Parfois sous l’impulsion de personnalités connues comme Gandhi ou Greta Thumberg, mais aussi par le pouvoir de foules anonymes comme en Bolivie, en Nouvelle-Zélande, en Estonie ou au Liberia, réunies pour faire entendre leur voix et rendre le monde meilleur
. Eveiller les consciences en portant un message positif sur l’engagement, et la force des luttes collectives, car selon l’auteur : « Tant mieux si ce livre vous donne du courage, parce que la planète et l’humanité ont encore besoin de beaucoup d’énergie, de votre énergie, pour être à la hauteur de nos rêves ».

EUX, C’EST NOUS de Daniel Pennac, ill. Serge Bloch, éditeurs jeunesse

Dès qu’il s’agit de ne pas aider quelqu’un, on entend tout. Avec ces mots, Pennac trace les frontières de notre humanité, quand Serre Bloch donne des visages et des silhouettes à ces hommes, ces femmes, ces enfants qu’on appelle les réfugiés. Ils déconstruisent en la reconnaissant la peur de l’autre, de l’étranger. Suivent huit lettres pour huit mots clés qui expliquent notions et questions sur les réfugiés en France. Les revenus de la vente sont reversés à la Cimade. Une quarantaine d’éditeurs, solidaires des réfugiés, a pensé ce livre petit par son format et grand par son ambition : aider les plus jeunes à comprendre, porter un message de bienvenue et de solidarité.

 

LA GUERRE CE N’EST PAS POUR MOI, d’Eric Battut, éd. Rue du Monde

Baki-le-roi-du-ballon fête ses 12 ans quand des soldats arrivent au village et l’emmènent ; « tu es fort, tu seras un bon soldat ». Baki-l’enfant-soldat apprend à tirer avec une mitraillette qui n’est pas un jouet. Baki doit suivre l’armée, son arme est plus lourde que lui mais il n’a pas le choix, il doit avancer. Les combats, la défaite, la fuite et puis la vie dans un camp de réfugiés. Il y apprend à lire et à compter. Plus tard, même si la paix est fragile, il retourne dans son village , il est Baki-le-maître-d’école. Le texte, concis, dit le parcours et les émotions. Les illustrations, dans des teintes orangées, pleine page, accompagnent le récit à grands coups de brosses et d’éponge, avec un Baki-petit-personnage-bleu, bien reconnaissable, qui traverse les évènements. Un livre fort, qui arrive à parler de la guerre et reste optimiste.

 

LA BILLE D’IDRISS, de René Gouichoux, ill. Zaü, éd. Rue du Monde

Idriss possède une bille, une seule. La seule chose qu’il emmène lorsque la guerre les chasse du village et qu’il garde tout au long du long chemin de l’exil. Elle sera le lien vers une nouvelle vie plus tard. Comment Zaü fait-il pour rendre compte de lieux, situations et émotions si diverses avec une palette de quelques couleurs ? Un livre d’une grande humanité pour mettre des visages et des images sur les mécanismes de l’exil et éprouver, à hauteur d’enfant, le long chemin parsemé d’embûches et de dangers des migrants.