À la découverte du Laep de Nantes

Le « 104 », un terrain d’application pour un lieu d’accueil enfants-parents.
Dans ce lieu d’accueil parents-enfants (Laep) situé dans le Sud de Nantes, une équipe pluridisciplinaire expérimente une recherche-action dont bénéficient plusieurs Laep de Loire-Atlantique dans le cadre de formations. Son équipe témoigne sur la spécificité de cet espace anonyme et gratuit et ouvert aux parents et à leurs enfants.
Média secondaire

Nous voici au Lieu d’accueil enfants-parents (Laep) de Nantes qui accueille des enfants de moins de 4 ans accompagnés de leurs parents ou substituts parentaux. Lieu d'accompagnement à la fonction parentale où les parents peuvent venir et revenir en toute liberté de façon anonyme et gratuite, le Laep contribue au développement de l'enfant. C'est aussi un lieu de paroles et d'écoute dans une perspective de prévention, un lieu qui permet de rompre l'isolement pour le parent, un lieu à effet humanisant qui permet la rencontre des différences.

Voilà six ans que le Laep de Nantes a été réfléchi par une équipe pluridisciplinaire réunissant des professionnelles de la petite enfance et d’autres du secteur santé, psychiatrie et action sociale : éducateur.rice de jeunes enfants, éducateur.trice spécialisé.e, auxiliaire de puériculture, infirmière en psychiatrie, psychiatre, psychologues, sociologue, formateur.trice, animateur.trice, tous et toutes militant.es des Ceméa Pays de la Loire. Un engagement qui prend sa source dans la philosophie de l’éducation populaire et voulait répondre à l’absence d’espace d’accueil dans cette zone géographique. Soutenu financièrement par la ville de Nantes, la CAF 44 et le Conseil Départemental, le Laep est aujourd’hui un terrain d’application qui articule recherches et pratiques. Depuis 2016, les Ceméa ont en effet en charge la formation des accueillant-es sur tout le département de la Loire Atlantique. Cet aller-retour entre la pratique, la recherche en formation et les expériences croisées avec d’autres Laep permet à l’équipe d’être en réflexion permanente, une nécessité quand on prend ses références dans le mouvement de la psychothérapie institutionnelle.

Composé d'horizons professionnels divers et d'expériences communes auprès de la petite enfance, notre groupe de recherche et de réflexion s'appuie sur deux approches d'observation qui se confrontent et s'enrichissent l'une de l'autre : l'observation selon le pédiatre Emmi Pickler et l’observation selon la psychanalyste Esther Bick. L’accueil prend en compte le jeune enfant comme un sujet en développement (corporel, psychique, langagier, etc.) qui doit pouvoir trouver sa place au sein d'un accueil collectif ou familial aménagé et porté par des professionnel.le.s formé.es à la formation d’accueillant-es. Ici, tous les adultes sont co-éducateurs et la place et le rôle de chacun et chacune sont fondamentaux dans l'accompagnement des jeunes enfants. De même, la multiplicité et la diversité des lieux de vie, animés par des professionnel.le.s formé-e-s et accompagné-e-s, sont complémentaires par la richesse des situations qu’elles procurent.

VERBATIM, ce qu’elles en disent 

Le 104, comme si on y était

 « Le parent pousse la porte, l’entrée est libre, anonyme et gratuite. À sa droite, une table haute, dessus, des prospectus pour les LAEP du territoire, les structures d’accueil de jeunes enfants, des documents de prévention. Juste en face, d’un regard il embrasse la pièce aménagée pour les enfants et leurs parents.
À droite, un siège pour s’asseoir et déshabiller son enfant, au mur, un tableau noir sur lequel sont inscrits les noms des accueillant-es du jour.
À côté, un tapis, délimitant un espace dédié aux poupées avec un lit de poupée, une poussette, un petit sac avec des vêtements de poupée. Ensuite, délimité par un petit banc bas, le coin dînette, avec une petite table et des chaises à hauteur d’enfants, puis un autre banc, bas également, sur lequel sont disposés des ustensiles de cuisine à la taille des enfants, en plastique ou en métal.
En face, un espace « café/thé » est symbolisé par trois chaises adultes et une petite table où on peut poser sa tasse, et où les enfants peuvent venir s’asseoir pour un goûter.
 

Cemea

À gauche, un espace est aménagé pour les bébés, un tapis souple, dessus quelques jeux, un mouchoir en tissu, une balle en tissu sont dispatchés. On trouve aussi une estrade très courte, une invitation à essayer les obstacles ? Pour les petits qui commencent à se déplacer…
 

Deux autres salles aménagées et un jardin complètent ce lieu, à découvrir, à redécouvrir, à expérimenter, à vivre, le temps d’une matinée, d’un échange, de regards… 
Aurélie, accueillante

Accueillir, observer, se rencontrer ou la surprise de la rencontre

 « Pour moi, il est vraiment question de partir de deux choses essentielles : c'est que « nous ne savons rien de l'autre » et que « le parent de cet enfant-là est le meilleur parent pour cet enfant-là ». Il est absolument essentiel de se libérer de ses propres représentations (nous avons toujours une idée sur tout) si nous voulons faire une place à l'autre dans notre psychisme. Ainsi, notre manière d'observer, tout en humilité, nous permet d'accueillir ce qui se déroule sous nos yeux, sans idées reçues, le plus possible ‘libres dans nos têtes’...
Chris, accueillante

« J’ai appris au fil des accueils au Laep à comprendre et à prendre en compte la parole de l’autre « sans arrière-pensée ». Mes différentes expériences, en tant que professionnelle, avec mon savoir théorique et mon expérience personnelle, m’amenaient de manière inconsciente à une forme de jugement. Le travail d’équipe, la recherche, la réflexion quant à notre place dans l’accueil des parents et de leurs enfants, ont changé ma posture d’accueil et ce qui me traverse à ces instants. Ce pas de côté, nécessaire à un accueil, permet d’observer et d’écouter sans attente particulière, sans interprétation de la bonne ou mauvaise pratique. Ce sont les éléments essentiels pour un accueil dans « l’ici et maintenant. » 
Sandrine, accueillante

 « Observer en tant qu’accueillante est une posture qui m’apporte du calme, de la sérénité et me libère d’une certaine préoccupation dans laquelle je peux être, par ailleurs, lorsque je suis dans ma fonction de psychologue. »
Nathalie, accueillante

Cemea

« C'est toujours un émerveillement d'apprendre ce que l'on ne supposait pas, avant d’être en situation. La différence entre ma formation initiale de psychologue clinicienne et ma fonction d’accueillante en LAEP, a fait naître une autre parole qui surgit ‘sans nous’. 

Même si ma présence dans le cadre du LAEP en garantit le cadre, j’écoute avec ravissement une parole de parent qui traverse les barrières des classes sociales, qui renvoie à plus de solidarité et qui permet une conscientisation de ce que l'autre peut vivre. En témoignent les échanges sur les conditions de logement, l'impact du covid sur le quotidien des familles, la condition des femmes, leur rapport au travail et à la charge mentale, la façon de concevoir l’éducation selon les cultures… »
Pascale, accueillante

« L’observation m’apprend à percevoir l’évolution d’un enfant, l’évolution de la dyade enfant-parent et de m’émerveiller du sourire d’un enfant. »
Nathalie, accueillante

« Chaque famille est différente et ainsi sont leurs attentes quand elles poussent la porte du 104. Certaines familles souhaitent, parfois avec une certaine frénésie, trouver des réponses à leurs questions, d’autres souhaitent juste être, dans un jeu sans les dérangements du quotidien à domicile, la promiscuité ou le manque d’espace d’un logement qui n’a pas grandi avec l’arrivée d’un ou de plusieurs enfants. D’autres parents recherchent l’échange avec des parents pour rompre avec leur vécu d’isolement. Certains parents aiment échanger avec nous, les accueillant-es, d’autres surtout pas…

De tout cela nous ne savons rien lorsqu’une famille arrive et notre tâche va être d’en comprendre quelque chose pour ajuster nos interventions. Montrer de l’intérêt sans être intrusives, entrer en contact avec l’enfant, sans faire ‘à la place’ du parent, ouvrir un espace de parole sans attendre de contenu, faciliter l’échange, le contact avec les autres familles, sans créer de gêne… C’est subtil et au final permet, à chacun, juste d’ÊTRE. » 
Simone, accueillante

« L’observation et le travail d’analyse de la pratique en équipe permet de créer une ambiance qui favorise la rencontre entre des parents d’origines culturelles et sociales très variées. Les parents peuvent alors partager, échanger à propos de leur parentalité et ainsi construire un espace de coparentalité auprès de leurs enfants. Cette posture donne la possibilité d’alterner des temps de proximité et d’autres, plus distanciés dans la relation. Une rencontre de l’autre dans son humanité est alors possible. Par notre présence plus ou moins proche en fonction du moment, nous permettons aux parents et aux enfants de vivre des moments d’attachement et de séparation dans un climat de confiance. »
Nathalie, accueillante

« Une continuité de l’accueil qui contient »

« L'accueil est ponctuel tous les mercredis, mais s’inscrit dans une continuité. Cette continuité de présence, de pensée et d’accueil des parents et des enfants participe aussi d'un portage psychique, d'une contenance pour certains parents, comme à l'image des poupées russes. » 

Cemea

« Pour moi, la posture d'accueillante est toujours en mouvement, entre tâtonnements, pensées dans l'après-coup, surprises de la rencontre. C'est toujours unique et toujours un renouveau dans l'instant, avec ce qu'on est à ce moment et ce que l'autre apporte. Plus je fais cette expérience de l'accueil et je m'y engage, plus je me rends compte que je ne sais pas, et ça me permet de davantage écouter l'autre dans sa singularité. C'est une belle leçon de vie pour tous les jours ! et c’est ce que j'aime dans ce travail. »
Louise, accueillante

Le travail d’équipe, l’analyse de pratique

« Le travail sur le projet, le travail en équipe et l'analyse des pratiques nous permettent « d'oser » nos interventions. Avec le temps, on s'autorise plus à intervenir, et sous différentes formes, en soutien à la dyade parent /enfant, comme support à l’échange. »
Pascale, accueillante

Parler de la posture au Laep n'est pas simple puisqu'il n'y a probablement pas qu'une posture mais des postures. Elles sont intimement liées à ce qui constitue chaque accueillant.es (son histoire, ses expériences, son vécu, ses formations...). Aussi, chacun.e va partager lors des temps de reprises ou encore lors de analyses de pratiques, des sensations, des impressions, des émotions diverses qui vont, dans l'expérience individuelle, alimenter le collectif que nous formons. Ces pratiques sont divergentes, différentes, complémentaires et nous emmènent très souvent vers des horizons où seule, nous n'aurions pas pu aller. L'expérience est à chaque fois intense et magnifique, elle nous incite à accepter, à recevoir ce qui est, et nous convie à continuer notre chemin de pensées et de réflexion. »
Chris, accueillante

« En échangeant ensemble, on a fait le constat qu'au Laep du 104, il y a « une ambiance » (voir Jean Oury), quelque chose de singulier, d'humain, d'indéfinissable, mais qui porte à l’accueil de l'autre.

Cemea

Le fait que la hiérarchie soit horizontale, que nous ayons tous et toutes le même statut, nous permet d'exercer nos complémentarités avec équité.  Nos formations sont complémentaires et non hiérarchisées par valeurs supposées. Cela aussi fait partie aussi de l'ambiance du 104. »
Pascale, accueillante


Les lieux d'accueil Enfants Parents. Quels besoins? Quels enjeux?

Réponse dans la vidéo publiée en décembre 2015 par Animation Rurale 44, la CAF de Loire Atlantique, les Ceméa et la fédération des centres socioculturels.